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Petite enfance : de nombreuses réformes souhaitées, l'Etat attendu au tournant (Délégation aux droits de l'enfant)

Paru dans Scolaire le jeudi 09 novembre 2023.

“Il faut du courage politique pour changer réellement de paradigme en France“ estimait mercredi 8 novembre Isabelle Santiago (socialiste) co-rapporteure de la mission Flash de la délégation aux droits de l'enfant de l'Assemblée Nationale sur les “perspectives d'évolutions de la prise en charge des enfants dans les crèches“.

Pour la députée du Val-de-Marne, il est question, par le biais de 54 préconisations, d'opérer “des changements en matière de politiques publiques“, notamment après le sévère rapport de l'IGAS publié en avril dernier (voir ToutEduc ici), et alors que “de nombreux pays l'ont compris bien avant nous“, comme le Québec ou les pays nordiques. Avec Michèle Peyron (Renaissance), également co-rapporteure de la mission, elle juge nécessaire de “se centrer sur les besoins fondamentaux des enfants“, insistant sur l'apport du développement des connaissances en neurosciences pour “mieux connaître ce qui tend à favoriser son développement“.

“On ne va rien lâcher“. Les deux députés disent vouloir “pousser“ pour que les choses bougent, et vite, afin qu'une “page se tourne“ sur les souffrances de l'enfant régulièrement relayées dans les médias et autres rapports, et pour que les propositions irriguent les politiques publiques, ce qui nécessite de mettre la petite enfance (PE) “en haut des priorités pour agir tôt“.

D'ailleurs, c'est en raison d'un manque de respect des besoins fondamentaux de l'enfant dans son plus jeune âge que 10 % de la population générale seraient affectés de troubles du neuro-développement, d'où la nécessité de faire évoluer les modalités d'accueil du jeunes enfants en crèche, notamment pour le repérage de problématiques comme les troubles autistiques. Il s'agit pour commencer d'avoir une parentalité qui “prenne toute sa place“ et donc de construire une politique globale de la petite enfance, car “les crèches ne peuvent s'engager seules sur ces sujets“. Les préconisations font valoir “un allongement du congé parental à un an, bien rémunéré, sur le modèle allemand“ payé autour de 67 à 70 % du revenu antérieur, mais aussi “un congé maternité qui passerait de 10 à 12 semaines“.

Isabelle Santiago souhaite une réforme sur le fond du financement des modes de garde (PSU, PAJE) “qui pose d'énormes soucis et crée d'immenses inégalités entre les familles“, or elle voudrait que le système soit plus adapté aux familles, non pas “à l'heure“ mais avec des possibilités sur des demi-journées quand elles doivent s'absenter ou ont des problèmes de financement.

Les propos de Michèle Peyron, députée de Seine-et-Marne, ont principalement tourné autour des professionnels de la petite enfance. Elle signale “une pénurie actuelle très inquiétante puisqu'il manque aujourd'hui environ 10 000 professionnels pour garantir le maintien et la qualité des places en crèches actuelles“, surtout que 20 000 professionnels partiront à la retraite d'ici 2027. D'ailleurs, ajoute-t-elle, “certains parlent même de crise de pénurie annoncée puisque les objectifs d'ouvertures de modes de garde ne coïncident pas, de très loin, avec l'ouverture de places de formation pour les différentes professions du secteur“. Ainsi sur la période 2011-21, il y aurait eu 30 % d'ouvertures de places en plus au sein des établissements d'accueil du jeune enfant (EAJE), quand le nombre de places de formations a lui progressé de 7 %.

D'où la “nécessité de mettre en place un plan d'urgence pour la formation des professionnels du secteur de la petite enfance“, qui doit “s'accompagner de la mise en place d'objectifs de formation par l'Etat après concertation avec les Régions (qui sont chefs de file en la matière, ndlr) et d'une grande campagne pour faire connaître ces métiers qui sont de réelles vocations pour les jeunes mais aussi pour des reconversions professionnelles“.

Le contenu des formations doit être selon les rapporteurs revu, du fait d'un enseignement qui “reste trop théorique“ (en faisant plus de place aux neuro-sciences, au soutien à la parentalité, à l'éveil culturel et à la prise en charge des enfants en situation de handicap) et la place du stage trop “minime“ pour l'obtention du diplôme. Plus urgent, est demandée la suppression des formations en ligne type CAP petite enfance dès la rentrée 2024, qu'elle considère dangereuses.

Autre préconisation, disposer de davantage de personnes diplômées au sein des structures : “le décret dit Morano a diminué les exigences de qualification des professionnels, nous sommes passés de 50 à 40 % d'effectifs diplômés“, déplore-t-elle, alors qu'il faudrait “a minima rehausser cette part à 60 % des professionnels, puis l'interdiction progressive de tout recrutement de personnes non diplômées“.

Par ailleurs, la formation continue “doit avoir une place importante dans les carrières et non variable“, c'est à dire qu'elle ne soit pas annulée en cas d'absence d'un collègue, ou placée sur temps non travaillé tel le week-end, etc.. En outre, il conviendrait d'y associer une amélioration de l'attractivité des métiers de la petite enfance via celle des conditions matérielles de travail, principalement en réduisant la taille des groupes (passage à un taux d'encadrement de 1 professionnel pour 5 enfants qui marchent, 1 pour 3 bébés) et en le calculant “au niveau des groupes d'enfants et non de l'établissement“.

Est encore souhaitée la mise en place d'un référentiel national qualité qui puisse “poser les bases de ce que l'on attend a minima des structures qui accueillent le public vulnérable que sont les enfants“ avec un label qualité au niveau national dont le respect serait vérifié régulièrement. Le contrôle des établissements par la PMI fait partie des préconisations, s'il existe déjà, il n'est en réalité pas effectué à cause d'un manque de ressources humaines. La solution, insiste Michèle Peyron “est d'embaucher, embaucher, embaucher“, à savoir de mettre “beaucoup plus de fonds dans la PMI pour qu'on puisse avoir ces visites tous les ans (pour les assistantes maternelles et les lieux d'accueil collectif)“ et ainsi “enlever des missions qui leur ont été données ces 20 dernières années sans ajouter de moyens“.

Interrogée sur certaines crèches privées qui multiplient les profits au détriment des besoins des enfants, Isabelle Santiago fait remarquer que la mission a “été très loin“ dans les préconisations. En l’occurrence, cela consiste à renforcer le contrôle dans ces structures par du personnel mieux formé, à empêcher de déréglementer le secteur avec du surbooking dans les crèches, tout comme avec l'interdiction des berceaux "réservataires" : “Il n'y aura pas de rentabilité de 3 mois sur le dos d'un bébé. C'est hors de question“, conclut-elle.

Car si la petite enfance “a besoin de cette référence de l'adulte pour construire un cercle de sécurité, malheureusement une partie des crèches le néglige“ déplore Isabelle Santiago, qui ajoute que “les modes d'accueil doivent répondre avant tout aux besoins incompressibles du tout petit et non uniquement au besoin des parents accueillis comme un client dans certains crèches lucratives“.

Enfin, les conseils de crèche ont été particulièrement mis en avant par la députée des Yvelines qui voudrait les rendre obligatoires, avec des réunions trois fois par an en incluant les parents pour échanger et faire remonter des informations, justement pour éviter que des crèches privées lucratives puissent “passer à travers les mailles du contrôle“.

La vidéo ici, le rapport ici

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