A quelles conditions l'Ecole peut-elle être "hospitalière" aux différences culturelles (Cahiers pédagogiques)
Paru dans Scolaire le jeudi 26 octobre 2023.
"Le paysage de notre pays est désormais multiculturel (...). Quels sont les obstacles à lever pour que cette diversité culturelle prenne place parmi les savoirs scolaires ?" C'est le constat et la question posés par Régis Guyon et Catherine Hurtig-Delattre qui coordonnent le dossier du dernier numéro des Cahiers pédagogiques. Ils soulignent que "l'école a pour obligation d'accueillir tous les enfants sans restriction, sans condition", mais qu' "il faut penser et travailler les conditions d'une inclusion pleine et entière des élèves, avec ce qui les constitue comme individus porteurs de savoirs et de cultures".
Le problème est alors posé dans toute sa complexité. D'ailleurs le mot "culture" pose lui-même un problème de définition et "une revue de ce qu'en dit la littérature scientifique" n'aide pas à le résoudre. De plus, notent Virginie Tremion (U. de Lorraine) et Véronique Lemoine-Bresson, "mettre en valeur des différences culturelles revient à accentuer des traits, des comportements et des objets que l'on présente comme spécifiques à tel ou tel groupe culturel".
Dès lors, pour Marco Brighenti (professeur en UPE2A), il faut éviter de "tomber dans le relativisme, "tout ne se vaut pas, tout n'est pas possible. L'expertise de l'enseignant intervient là, poser les limites. Chercher des possibles, c'est convenir d'un commun, c'est un faire avec" pour celui qui a la responsabilité de la classe. Le plurilinguisme est pourtant une richesse, semble lui répondre Stéphane Paroux (CASNAV de Paris) : "Les langues familiales, à l'exception de l'anglais, l'espagnol, l'italien, sont très peu prises en compte dans les écoles et les établissements secondaires. Si on considère qu'il y a en France environ 120 000 Maliens qui parlent majoritairement le bambara, où et à quel moment les enfants de ces familles, nés en France, peuvent-ils apprendre ou parler bambara à l'école ?" Et sa collègue Christine Perego renchérit : "les compétences linguistiques et scolaires des élèves qui viennent d'ailleurs sont souvent sous-évaluées."
Il n'en reste pas moins que, que pour les adolescents, il n'est pas facile de sortir de son groupe et de se distinguer. Christine Vallin (professeure d'éducation musicale) se souvient du jour où, à 14 ans, elle a découvert la symphonie du nouveau monde de Drorak. Mais "à quoi bon de nouvelles références musicales si on ne peut pas les partager entre copains" ?
Les Cahiers pédagogiques n° 588, novembre 2023