Pourquoi les élèves de SEGPA réussissent-ils moins bien que les autres ? (Recherche)
Paru dans Scolaire le mardi 24 octobre 2023.
"Les performances scolaires des élèves de SEGPA sont-elles liées aux croyances qu’ils ont sur eux-mêmes ?" Une telle interrogation va à l'encontre de la définition même des "sections d’enseignement général et professionnel adapté" puisque celles-ci "accueillent des élèves présentant des difficultés scolaires graves et persistantes auxquelles n’ont pu remédier les actions de prévention, d’aide et de soutien". Sara Mekki et André Tricot (laboratoire Epsylon, Université Paul Valéry, Montpellier 3) se demandent pourtant "en quoi la menace du stéréotype et le sentiment d’impuissance acquise pourraient être impliqués dans les performances" de ces élèves.
Ils ont donc proposé à 429 élèves, de Segpa ou de classe ordinaire la même épreuve, sur une feuille de papier, des dessins de dominos par séries ; "le but est de terminer chacune des 13 séries, i.e. compléter pour chaque série le dernier domino, vide, avec le nombre de points qui semble correct". L'épreuve est relativement difficile puisque, en moyenne, les élèves ne réussissent que 5 items bien qu'ils en réalisent 12. Elle était présentée tantôt comme une évaluation de leur niveau en mathématiques, ou comme un test de leurs capacités intellectuelles, "ou bien présentée comme un jeu de dominos. Les résultats montrent que les élèves de SEGPA sont moins performants que les élèves ordinaires dans les conditions mathématiques et capacités intellectuelles, mais pas dans la condition jeu de dominos."
Il s'agit alors "d’explorer deux processus psychologiques particuliers, liés aux croyances des élèves, et notablement connus pour détériorer les performances scolaires : la menace du stéréotype et l’impuissance acquise". Les auteurs, après avoir détaillé les résultats du test, nombre d'items tentés (et donc engagement dans la tâche) et nombre d'items réussis selon leur présentation, mathématiques, capacités intellectuelles ou jeu, font l'hypothèse suivante : "un individu peut dans un premier temps être victime d’un phénomène de menace du stéréotype, il va donc mobiliser ses ressources et faire des efforts pour contrer ce stéréotype auquel on l’associe. En voyant qu’il n’arrive pas à démentir ce stéréotype suite à plusieurs échecs, il peut, pour sauvegarder une bonne estime de soi, se désengager du domaine où il échoue, basculant ainsi dans de l’impuissance acquise."
Reste, pour une prochaine étude à mesurer plus précisément les effets des "stratégies d’auto-handicap et de préservation de l’ego" ainsi que "l’impact qu’une consigne peut avoir selon que l’on présente une tâche aux élèves de SEGPA comme étant facile ou difficile".
L'article "Les performances scolaires des élèves de Segpa sont-elles liées aux croyances qu’ils ont sur eux-mêmes ? Ou aux croyances d’autrui ?", Sara Mekki, André Tricot, La nouvelle revue - Éducation et sociétéinclusives, 2023, 96, pp.163-182. hal-04171757 (ici)