Climat scolaire : Une érosion continue chez les enseignants du 1er degré (ASL)
Paru dans Scolaire le vendredi 13 octobre 2023.
Il y a “une érosion continue, depuis plus de 10 ans, de la perception du climat scolaire“ chez les enseignants du 1er degré, indique l’Autonome de Solidarité Laïque (ASL) dans le deuxième volet de son enquête de victimation (la première portant sur le second degré, voir ToutEduc ici) publiée ce vendredi 13 octobre.
Le climat scolaire reste “encore majoritairement positif“ souligne l'association de défense des personnels d’éducation face aux risques de leur métier, avec 58,5 % de personnes tout à fait satisfaites ou plutôt satisfaites, cependant ils étaient 64,2 % à le penser en 2016 et 73,5 % en 2011. Un effet lié en partie “à la relation avec les parents d’élèves“, avec près de 15 % de personnels qui ne se sentaient pas respectés par les parents en 2011, contre 27,5 % en 2023. "Ce ne seraient pas les parents des écoles situées dans un dispositif de l’éducation prioritaire qui sont jugés les moins respectueux.“
Surtout, ce sentiment serait “dépendant de la fonction exercée“ : 21 % des directrices et directeurs ne s’estiment pas respectés, 29 % des enseignants et 36 % des personnels “qui exercent des fonctions pouvant être jugées subalternes (personnels de service, AESH, autres)“.
Quant au sentiment de sécurité à l’intérieur de leur école, il reste “largement dominant, poursuit l'ASL, même s’il s’est légèrement effrité“ avec 9,4 % des répondants qui disent ne pas se sentir en sécurité en 2023, versus 7 % douze ans plus tôt. La violence physique “reste très rare“ et les principales victimations restent verbales, 38 % des personnels ont été insultés, l'identité des auteurs ayant très peu évolué, avec une proportion non négligeable de parents d’élèves. Aucune différence quantitative n’est notable entre l’éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Au total, 17,6 % des répondants estiment avoir été harcelés dans l’année, 1,4 % cyberharcelés, avec pour auteurs des membres de l’Éducation nationale (8,5 % par des collègues ou la hiérarchie) ou des parents (7 % par des parents).
Au total, les réponses font percevoir “un sentiment de déclassement social“ en augmentation, “avec une forte rancœur contre la haute hiérarchie et les ministres en charge de l’Education nationale ces dernières années“. Entre autres, “la manière de faire réforme est totalement décriée, avec le sentiment d’un décalage absolu avec les réalités vécues dans les classes et un sentiment de mépris par le politique (ministres comme président) et par bien des parents.“
L’enquête met également en exergue l’atteinte “d’un point de bascule“ concernant le décrochage professionnel, plus de 52 % des personnels se sentant insatisfaits de leur métier en 2023 (contre un peu moins de 40 % en 2016). Dès lors, “une priorité absolue doit être mise sur l’école inclusive et par suite sur une réelle formation pédagogique des personnels“, indiquent les chercheurs Éric Debarbieux et Benjamin Moignard.
La préoccupation majeure des personnels concerne en effet les difficultés rencontrées pour la mise en œuvre de l’école inclusive face aux situations qu’ils rencontrent avec des élèves “présentant des troubles du comportement“, 73,5 % des répondants indiquant avoir connu des difficultés fréquentes ou très fréquentes avec des enfants “gravement perturbés“ en 2023, contre près de 40 % en 2011.
Dans leur grande majorité, les personnels ne “s’estiment pas assez formés" (68 %) sur la question et pensent que l’inclusion scolaire “se fait à l’économie, avec trop peu d’aide spécialisée réelle“, ce qui fait craindre aux deux chercheurs que soit en cours “une bascule idéologique dangereuse“, risquant “de remettre en cause la possibilité même de cet accueil“. D'ailleurs, sur la formation, les résultats de l’enquête “sont assez préoccupants“ avec 68,5 % des répondants qui estiment n'avoir pas été du tout ou plutôt mal formés pour exercer leur métier, et les besoins de formation portent sur les “nécessités liées à la gestion des élèves à besoins éducatifs particuliers“ ainsi que la “question spécifique des troubles du comportement“.
En conclusion pour L'ASL, “ce ne sont pas ces élèves qui posent un problème en tant que tel, mais les conditions de leur accueil“ et selon son président, ces témoignages constituent plus largement “une véritable alerte destinée aux acteurs institutionnels afin qu’ils assument les responsabilités qui leur incombent“.
L'enquête ici