Que se passe-t-il quand sont lus des livres aux tout-petits enfants ? (Quand les livres relient)
Paru dans Petite enfance, Périscolaire, Culture le dimanche 24 septembre 2023.
“Et si c'étaient les bébés qui nous apprenaient l'observation et l'attention ?“ interroge avec malice Dominique Rateau, fondatrice de l'agence “Quand les livres relient“ devant les invités réunis à la Maison de la Poésie.
Ce vendredi 22 septembre, la lecture en tant qu'objet de découverte et de transmission était au centre des débats et pour Corinne Do Nascimento, éducatrice de jeunes enfants (EJE) et collaboratrice au sein de l'association “Lire à Voix Haute Normandie", l'important “ce n'est pas de lire à des bébés, mais de lire avec des bébés. L'accompagner dans sa propre découverte des livres et des récits“. Avec Sylvie Joufflineau, elles racontent la passion de la lecture aux bébés, ce qu'elle peut produire chez eux, et ce qu'apporte l'observation de leurs comportements, que cette dernière pratique depuis plus de 20 ans. Cette observation assidue de la lecture aux enfants leur a notamment permis de comprendre par exemple qu'un enfant peut écouter à distance, ou bien en mouvement. “On attend les signaux conventionnels de l'attention (s'asseoir, regarder les images) mais on en est souvent très loin“, explique-t-elle à l'image d'une toute-petite capable d'être attentive au récit tout en reculant pendant qu'il lui est conté.
A travers sa “tentative théorique“ sur la cognition incarnée, Cécile Boulaire (U. Tours) ne dit d'ailleurs pas autre chose quand elle évoque la prise en compte à la fois de l'esprit, du cœur et du corps lors de reception de la lecture, du fait d'une “forme d'action sensori-motrice qui s'active en nous lorsqu'on savoure une oeuvre de fiction“. Une expérience corporelle et imaginaire dont il est justement question dans l'intervention de Christine Morault, des éditions Memo, sur l'importance des albums et leurs auteurs : “Avant tout, ce qui permet à l'enfant de se projeter ailleurs, de construire son monde, c'est la fiction“.
Joelle Turin et Nathalie Virnot ont justement écrit un livre à paraître, “Petits enfants, grands lecteurs“ destiné à “faire évoluer le regard sur l'enfant et l'album, et ce que c'est que la lecture“. De leurs observations de terrain, elles tirent de nombreuses idées, sur la matérialité de l'album qui peut ouvrir de multiples possibilités par les nombreux modes de lecture qu'il offre, ou encore sur le jeu, avec l'appropriation de la langue qui “devient leur trésor“. Mais la lecture peut également être un outil de remédiation dans la relation parent-enfant. A l'hôpital parent-enfant d'Amboise et au CHU néo-natologie Tours, les observations de cette activité complémentaire aux soins ont montré que l'album libère souvent la parole et aide à l'éveil des nourrissons.
“Fabrique de l'intelligence“, la lecture “favorise la stimulation sociale“, considère également Valérie Travier, cheffe du breau de la lecture publique au ministère de la Culture. Elle explique pourtant que la lecture “n'est pas un don“ et que cette faculté peut se perdre, de quoi se demander parfois si le combat “est bien utile“, quand on voit les titres de presse indiquant la baisse de la lecture chez les jeunes. Mais elle veut “inventer des nouvelles façon de faire“, et pour cela annonce un “plan d'attaque“ de la lecture qui aura pour but de viser davantage les territoires (bibliothèques départementales) dès 2024, avec entre autres des moyens supplémentaires qui seront attribués au dispositif Premières pages (voir ici) pour que tous les départements y participent (contre 63 actuellement).
Le site “Quand les livres relient“ ici