Evaluations nationales : pour s'y opposer, le SNUIPP-FSU s'appuie sur la recherche et en appelle à une intersyndicale
Paru dans Scolaire le mardi 19 septembre 2023.
Le SNUIPP appelle les autres organisations syndicales à une réflexion commune, et à la création d'une intersyndicale capable de s'opposer aux "évaluations nationales". Le syndicat FSU du 1er degré estime en effet qu'il n'y a "rien dans ces évaluations qui puisse aider les enseignants", elles ne servent qu'à "contrôler leurs pratiques" et elles permettent que passe ensuite "un rouleau compresseur" qui impose aux professeurs des écoles, et aux dépens de leur liberté pédagogique, leurs pratiques, par exemple telle méthode de lecture. Mais, souligne Guislaine David (co-secrétaire générale), il est "très complexe de s'opposer à des injonctions descendantes" lorsqu'on est isolé.
Elle intervenait en conclusion, ce 19 septembre, d'un colloque qu'organisait l'organisation syndicale avant son université d'automne le 20 octobre, et des universités de printemps dans les départements. Le SNUIPP affirme ainsi sa volonté d'offrir aux professeurs des écoles des éléments pour leur formation continue que le ministère n'assure pas suffisamment, mais aussi de leur donner des moyens pour argumenter, pour discuter avec leurs collègues et mener le "combat", "résister".
Que peut-on attendre des évaluations nationales ?
Personne n'est "anti-évaluation", encore faut-il s'entendre sur ce que sont les évaluations et ce qu'on peut en attendre. Jean-François Chesné rappelle que le CNESCO avait organisé une "conférence de consensus" sur "l'évaluation en classe au service de l'apprentissage des élèves", et insiste sur la nécessité d'une articulation entre les pratiques des enseignants et les travaux des chercheurs. Ceux-ci n'ont de légitimité que lorsqu'ils répondent aux préoccupations des premiers, lorsque ceux-ci "voient ce que ça peut donner sur le terrain".
Xavier Pons (Lyon-I) s'interroge sur la part que prennent les évaluations, notamment les "évaluations nationales" des élèves et les évaluations conduites par le CEE (conseil d'évaluation de l'école) dans le paysage qui se crée peu à peu, à mesure que s'ajoutent les autres pièces du "puzzle" : l'autonomie des "écoles du futur", le décret d'application de la loi Rilhac qui évoque l'autorité du directeur en oubliant l'adjectif "fonctionnelle", la politique d'encouragement des innovations par des "appels à manifestation d'intérêt", et une éventuelle réforme de la gouvernance académique qui verrait disparaître les circonscriptions. Le chercheur résume ainsi : plus d'autonomie et plus de contrôle, donc un pilotage par les chiffres dont Stéphane Bonnery (Paris-VIII) montre le danger : on n'enseigne plus que ce qui est évaluable, quantifiable.
Le processus ou le résultat ?
Si elles ont un impact sur les enseignements, Sébastien Goudeau (U. de Poitiers) a montré que les évaluations avaient également un impact, éventuellement négatif, sur les performances des élèves. Marie-Alice Medioni (Lyon-II et GFEN) distingue les évaluations qui portent sur le processus, qui sont éthiquement justifiées et celles qui portent uniquement sur les résultats. Cécile Allard (U. de Créteil), Morgane Beaumanoir-Secq (U. de Paris Cité) ont d'ailleurs ridiculisé les évaluations nationales, mal conçues puisqu'elles ne permettent pas d'évaluer les connaissances des élèves. Un enfant à qui on demande de lire un texte de quelques lignes et de souligner les quatre adjectifs, mais qui, dans le doute, souligne des morceaux de phrases entiers, sera considéré comme ayant mieux réussi que son camarade qui n'a souligné que trois adjectifs, mais aucun des autres mots du texte. Et cette petite fille qui a entouré le trois plutôt que le six a-t-elle réellement compris que c'était le résultat d'une soustraction ? "Le résultat peut être juste et le raisonnement faux, on ne se donne pas les moyens de savoir ce que savent les élèves."
Les évaluations nationales témoignent surtout d'une volonté de "contrôler et de normer les pratiques des enseignants" conclut la porte-parole du SNUIPP. Elle considère en effet que la première préoccupation du ministre est d'assurer sa communication et elle dénonce des "affirmations à l'emporte pièce" ainsi que des "tromperies". Le ministère comme le président de la République disent aux enseignants ce qu'ils doivent faire, mais ne savent pas ce qui se passe réellement dans les classes. C'est donc aux professeurs qu'il revient de "réinventer leur métier", de "s'appuyer sur la recherche" pour "résister" à "la deuxième vague d'évaluations qui va arriver". Elle n'ignore pas que ses collègues seront en difficulté.