Les recteurs sont-ils là pour décliner une politique nationale ? (RFP)
Paru dans Scolaire le vendredi 15 septembre 2023.
Les académies sont-elles des "courroies de transmission" des politiques nationales ? C'est la question posée par le dossier de la RFP (Revue française de pédagogie) dans son dernier numéro. Xavier Pons, qui coordonne le dossier, note que "le pouvoir de cadrage des autorités déconcentrées (les rectorats dans le cas d'espèce, ndlr) dépend grandement des contextes, notamment des jeux de négociation politique entre acteurs locaux, comme dans l'exemple des politiques d'équipements pédagogiques des conseils régionaux que les acteurs étatiques déconcentrés parviennent plus ou moins à orienter".
Mais peut-on réellement parler d' "acteurs étatiques déconcentrés" ? Certains chercheurs n'ont-ils pas montré que "l'académie est moins un acteur qu'un environnement" ? L'universitaire met en garde : "les académies sont des territoires (...) qui agrègent des dynamiques et des variables nombreuses" qu'il est bien difficile d'isoler quand on s'interroge par exemple sur les inégalités territoriales en matière d'éducation. "D'autres échelles, départementales ou plus locales encore, permettent de pointer des variations significatives."
Il ne faudrait pas, à l'inverse, "minorer l'importance des dynamiques territoriales, institutionnelles et politiques à l'oeuvre dans un espace administratif qui se renforce et se recompose (...). L'impératif fonctionnel de symétrie administrative entre le préfet de région et le recteur, qui s'accentue au fur et à mesure de l'affirmation d'un échelon régional, joue en faveur des initiatives du recteur".
La contractualisation qui a été développée entre les rectorats et l'administration centrale aurait pu constituer pour celle-ci "un outil de réorientation forte des politiques rectorales mises en oeuvre", mais il n'en a rien été : "on n'assiste pas au développement d'un pilotage des académies à distance par le biais d'outils comme la contractualisation." C'est ainsi qu'en ce qui concerne la gestion des enseignants contractuels, "derrière l'uniformité apparente des procédures", les pratiques sont différentes. Il en va de même, autre exemple, des politiques d'accueil et de scolarisation des élèves primo-migrants, le cadrage national "s'avère plutôt faible" et les acteurs se trouvent pris entre la tradition hospitalière de l'école française et la logique "sécuritaire - répressive". Les interprétations locales "dépendent grandement des agencements institutionnels à l'oeuvre dans les différentes académies".
Au total, "les effets des contextes académiques sur la mise en oeuvre des politiques de l'Etat éducateur semblent importants", mais "nous manquons encore cruellement de recherches sur la façon dont se structure le débat public en éducation à cette échelle", ajoute X. Pons.
"Déconcentration et territorialisation de l'Etat en éducation : les nouveaux visages des académies", Revue française de pédagogie (ENS Lyon - IFE) n° 218, ENS éditions, 18€