Entre crise humanitaire et école en souffrance, les cris d'alarme se multiplient dans les DROM (SNUIPP-FSU)
Paru dans Scolaire le jeudi 14 septembre 2023.
“Nos écoles dans les DROM sont dans un état déplorable“ s'indigne Suley Jair, représentante syndicale FSU des enseignants du 1er degré en Guyane, alors que des photos de bâtiments délabrés se succèdent sur l'écran mis à disposition des journalistes.
C'est pour dénoncer ces “conditions que personne ne supporterait dans l'hexagone“, entre crise humanitaire et école à l'abandon, que le SNUIPP rassemblait jeudi 14 septembre à Paris tous les secrétaires des régions et départements d'Outre-Mer. Car même à Marseille, où la situation est également difficile, un plan a été mis en place, explique Guislaine David, secrétaire nationale, or la situation “devient de plus en plus grave et on s'habitue“ regrette-t-elle, d'autant que prévenir les ministres de l'Education nationale et de l'Outre-Mer “reste sans effet“, ceux-ci se renvoyant sans cesse la balle sur la question.
Pour l'organisation syndicale il y a donc urgence, notamment du fait d'inégalités plus marquées dans ces départements que sur le reste du territoire national. A Mayotte par exemple, le PIB par habitant est de 9 700€, pour 34 500€ en moyenne dans l'hexagone. Le taux de chômage est de 19,3 % en Guadeloupe contre 9 % en France métropolitaine.
Malgré ces inégalités sociales, les collectivités sont sous-dotées, poursuit-elle, ce qui contraint les familles “à acheter elles-mêmes les fournitures scolaires“. Il en est de même pour le bâti scolaire, un des problèmes majeurs relevé dans tous les DROM. A la Réunion par exemple, il est question de la taille des écoles qui ont souvent plus de 20 classes, et même jusqu'à plus de 600 élèves. Seulement, aucun plan de rénovation n'est prévu et des préfabriqués sont empilés dans les cours d'écoles. Par manque de locaux, le dédoublement des classes (GS, CP, CE1 en REP et REP+) ne peut ainsi pas se faire, et de la même façon on retrouve des sureffectifs à Mayotte où est mis en place un système de rotation pour qu'un nombre plus important d'élèves puissent accéder à l'école. Sont également comptabilisés entre 5 000 et 10 000 enfants de 3 à 15 ans qui ne sont pas scolarisés sur l'île, malgré la loi "Pour une école de la confiance" de 2019, tout comme en Guyane avec plus de 1 000 enfants du 1er degré dans ce cas.
En Guyane justement, Suley Jair raconte en arriver “à rationner les élèves en ce qui concerne le savon“, tandis que dans des écoles qui ont été vandalisées “le butin était du matériel scolaire“. A la Martinique, “25 % des écoles ne respectent pas les normes sismiques“, constate Jennifer Louis-Joseph, et si les chaleurs sont intenses, 38 % n'ont pas de brasseurs d'air. Il y a encore la question de la pollution de l'eau avec le chlordécone, cette eau qui fait défaut à Mayotte, comme l'ont également récemment dénoncé la FCPE ou le SE-UNSA..
Et la conséquence de ces multiples problèmes se ressent sur le niveau des élèves, qui pâtissent de conditions ne permettant aux professeurs de transmettre de la même manière le savoir : “Nous demandons que les choses soient vues de la même manière que cela est fait à Paris“, insiste le secrétaire départemental de Guadeloupe Tony Pioche, pour qui ces demandes “ne sont pas des caprices“. Surtout que les territoires ultra-marins ont pour certains un manque d'attractivité, une des raisons étant que les professeurs des écoles de l'hexagone évitent le mouvement car “ils ne savent où ils vont arriver et quand ils vont pouvoir revenir“, complète Guislaine David, ce qui entraîne le recrutement de nombreux contractuels insuffisamment formés au métier et aux conditions particulières d'exercice, par exemple la présence de nombreux élèves allophones. D'où la demande d'enseignants spécialisés exprimée par Rivalomalala Rakotondravelo, sachant qu'à Mayotte il y aurait un UPE2A pour 120 élèves, contre 1 pour 12 en métropole.
Que ce soit pour obtenir davantage de postes, le classement total en réseau d'éducation prioritaire, pour la rénovation du bâti scolaire ou pour simplement aider à rattraper le retard scolaire, il s'agit avant tout pour les représentants syndicaux FSU du 1er degré de “montrer la réalité du service public d'éducation dans les DROM“ afin d'ouvrir très largement un débat sur la nécessité “d'un véritable investissement pour les élèves“ dans les territoires d'Outre-Mer.