France Stratégie : comment l'Ecole construit les inégalités
Paru dans Scolaire le vendredi 08 septembre 2023.
Par où et comment se forment les inégalités à l'école ? C'est ce qu'a cherché à savoir France Stratégie à travers une étude des mécanismes de la fabrique des inégalités de diplôme, “déterminant clé des futures inégalités sociales“.
La note, publiée mercredi 6 septembre, fait valoir que “sept ans après l’entrée en 6ème, près des deux tiers des élèves d’origine favorisée gagnent l’enseignement supérieur, contre un quart des élèves d’origine modeste“, les autrices ajoutant que c’est “l’origine sociale qui, dans notre pays, pèse le plus sur les trajectoires des élèves. Même avec de bons résultats en début de scolarité, les enfants de famille modeste ont des parcours en moyenne plus heurtés, aux débouchés nettement moins favorables.“
En revanche, “les inégalités nettes liées à l’ascendance migratoire et au genre sont plutôt moins prononcées en France qu’ailleurs“, poursuivent Johanna Barasz et Peggy Furic, et malgré un poids toujours “significatif“, les effets du genre sont “paradoxaux“, les filles ayant en moyenne de meilleurs résultats mais des orientations moins valorisées que les garçons sur le marché du travail, notamment dans les filières scientifiques et industrielles qu'elles “désertent“. Par exemple, seuls 14 % des élèves en spécialité numérique et sciences de l’ingénieur sont des filles, alors qu’elles représentent 56 % des élèves de terminale générale.
Et si comme pour les autres enfants, le déterminant majeur des trajectoires des enfants d’immigrés est d’abord l’origine sociale et le capital culturel, il n'en reste “que des caractéristiques spécifiques influent aussi sur leur parcours, contribuant à accroître leurs désavantages ou à les compenser“, par exemple “le fait de parler une langue étrangère en famille, mais aussi les contextes de scolarisation et la forte ségrégation, notamment territoriale, qu’ils connaissent.“
Au-delà de ces situations, est intégrée la dimension de parcours dans ces inégalités, des parcours qui se construisent selon un processus de “stratification de couches successives“ pouvant crée un effet de sédimentation. Les parcours des élèves seront également de “nature“ et de “dureté“ différentes, les élèves progressant en moyenne “de manière différenciée“ selon leurs caractéristiques héritées et profitant “diversement“ des étapes de la scolarité.
Par exemple, sont évoquées les compétences en littératie précoce développées dès la petite enfance et soutenues par les activités proposées dans le cadre familial, formant une “empreinte massive“ que “n’effacent ni l’accueil des jeunes enfants ni le passage par l’école primaire“. Mais malgré les difficultés de l’école à faire progresser tous les enfants équitablement, l'école élémentaire semble cependant favoriser les élèves issus de l’immigration, “qui y progressent davantage que les autres (mais de façon distincte selon les matières, ndlr), améliorant en conséquence leur position relative entre le CP et la sixième".
Vient ensuite le collège, “accélérateur des inégalités scolaires“, lieu où se produisent les premières “bifurcations de trajectoires“, les premiers décrochages apparaissant, tout comme “le recours plus massif et socialement différencié à l’enseignement privé et au contournement de la carte scolaire“.
En fin de troisième, arrivent les orientations qui “amplifient les divergences“ du fait qu'elles ne sont pas neutres mais au contraire reflètent les performances et les aspirations construites au cours des étapes antérieures. Aux inégalités d’accès et de niveau de diplôme se superposent au lycée des inégalités liées à la nature et aux spécialités des formations, dont les choix sont eux-mêmes fortement dépendants de l’origine sociale et du genre des élèves. “Moment charnière“, la transition vers l’enseignement supérieur viendra parachever la construction scolaire des inégalités de chances, notamment du fait que l’absence de poursuite d’études est souvent un choix par défaut.
Des variables et des itinéraires qui, selon les autrices, offrent de quoi “interroger la question du ciblage des politiques de lutte contre les inégalités scolaires“ au niveau de leur temporalité, tout autant que des publics qu’elles visent.
La note ici