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Le service civique n'est pas le lieu du militantisme (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le lundi 04 septembre 2023.

La loi du 28 octobre 1997, voulue par Jacques Chirac n’a prononcé qu’une suspension du service militaire, susceptible d’être rétabli à tout moment si l’évolution de la situation internationale l’exige. Son texte, légèrement modifié en 2010 et codifié à l’art. L. 111-1 du code du service national, laisse donc à la charge des citoyens l’obligation de concourir à la défense et à la cohésion de la Nation, ce devoir s'exerçant notamment par l'accomplissement du service national. Ce dernier, ajoute l’article L. 111-2 modifié, "comprend des obligations : le recensement, la journée défense et citoyenneté et l'appel sous les drapeaux (et) il comporte aussi un service civique et d'autres formes de volontariat qui peuvent comporter des séjours de cohésion".

Selon l’article L. 120-1, le service civique est un engagement volontaire d'une durée continue de six à douze mois qui offre à toute personne volontaire âgée de seize à vingt-cinq ans l'opportunité de s'engager en faveur d'un projet collectif en effectuant une mission d'intérêt général en France ou à l'étranger auprès d'une personne morale agréée. Cette personne doit assurer une formation civique et citoyenne dont le volet théorique, qui offre plusieurs dizaines de thématiques à choisir par le stagiaire, dure au moins deux jours.

C’est à l’Agence du service civique, groupement d’intérêt public créé par l’association de l’Etat et de l’association France Volontaires et placée sous la tutelle du ministère chargé de l'Éducation nationale, qu’il appartient de définir le contenu de la FCC. (formation civique et citoyenne), ce qu’elle a fait par l’émission d’une instruction de sa directrice portant cadrage de la FCC du 3 avril 2021, qui attache une valeur toute particulière au principe de laïcité. L’offre de formation peut être satisfaite par l’organisme d’’accueil ; elle est plus généralement externalisée à un organisme de formation spécialisé.

L’association "Une idée dans la tête" était inscrite sur la liste des organismes dispensant en Ile de France des FCC. Suite à une des sessions organisées, ayant donné lieu à un module intitulé "Peut-on être qui on veut en France Laïcité = Vivre ensemble", dont la fréquentation était obligatoire pour valider le service civique, elle a été rayée de cette liste par le recteur d’académie, auquel avait été communiqué un enregistrement des propos tenus par des intervenants de l’association à l’occasion de la session. L’association avait saisi le juge des référés du TA de Paris qui avait suspendu l’exécution de la décision rectorale.

Le juge du Conseil d’Etat, dans une ordonnance du 22 août 2023, annule celle du juge du TA. Il lui reproche de ne s’être préoccupé que des incidences financières de la décision administrative sur l’association, qu’elle privait de sa principale source de revenus, ce qui mettait en danger l‘emploi de la seule salariée qu’elle employait et ce qui justifiait, selon le juge du TA, l’urgence d’une suspension de l’exécution. Le juge du TA négligeait totalement, ce faisant, la question de fond posée par le DRAJES de la région Ile-de-France touchant au contenu de la formation concernée et, juge le Conseil d’Etat, il a "entaché son ordonnance d’insuffisance de motivation".

Evoquant l’affaire, le juge du Conseil rejette la demande de suspension de la décision rectorale, en estimant que les propos contestés, tenus par des intervenants de l’association, "portent atteinte aux objectifs tant du service national, lequel vise … à renforcer la cohésion nationale et la mixité sociale et à offrir à toute personne volontaire l’opportunité de servir les valeurs de la République que des formations civiques et citoyennes, financées par des fonds publics, auxquelles s’attachent des exigences spécifiques, précisées notamment par le référentiel de l’Agence du service civique" (sic). Selon Charlie Hebdo, qui a consacré à cette affaire un article antérieur à la procédure juridictionnelle, si l’objectif déclaré du module était de lutter contre les discriminations religieuses, les propos tenus, comme le choix des "témoins" invités à intervenir dans la formation, étaient clairement orientés et traduisaient une volonté manifeste de mener une activité militante contre la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école.

Le juge du Conseil d’Etat estime qu’au "regard du jeune âge des personnes volontaires effectuant un engagement de service civique et assistant aux formations civiques et citoyennes, du nombre important de personnes ainsi formées par l’association chaque année et, partant, de l’intérêt public s’attachant à l’exécution de la décision attaquée, la condition d’urgence ne peut être considérée comme satisfaite" : la demande de suspension est donc rejetée.

La décision 472024 ici

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