Réforme du lycée général et technologique : “On fait tout en fonction de Parcoursup, ce n’est pas normal !“ (IGESR)
Paru dans Scolaire le vendredi 01 septembre 2023.
“Le libre choix des triplettes de spécialités, l’abandon nécessaire d’une spécialité en fin de première, sont perçus comme contribuant à une concurrence malsaine entre les disciplines, en lieu et place d’une collaboration et de croisements féconds que permettaient l’organisation en séries“ estiment les enseignants de 18 lycées interrogés par l'IGESR à propos de la réforme du lycée général et technologique.
Dans son rapport publié mardi 29 août, l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche constate que cette critique s’articule principalement “autour de la disparition de structures perçues comme protectrices, comme la classe ou les séries en voie générale, au profit d’un éclatement des choix et de la vie scolaire des élèves". En revanche, et bien qu’il constitue la majeure partie de l’horaire des élèves, le tronc commun se trouve peu mentionné, “si ce n’est pour déplorer que l’absence, pour certaines matières, d’épreuve terminale et les faibles coefficients dévaluent les enseignements qui y sont dispensés par rapport aux spécialités“. Les enseignants soulignent également les conséquences de la réforme sur les élèves, décrits comme “fortement stressés par le contrôle continu, mais aussi à la fois de plus en plus guidés par des considérations stratégiques dans des choix qui déterminent pour eux les poursuites d’études possibles, et perdus du fait de la disparition du groupe classe en cycle terminal de la voie générale.“
D'ailleurs pour les élèves, il semble pour l'IGESR y avoir “décalage“ entre les logiques induites par le nouveau système (suivi plus individualisé, espaces de vie repensés, clarté des attentes du supérieur) et une organisation scolaire “encore largement conçue en fonction de l’ancien système“ qui ne parait “pas tenable à long ni même à moyen terme“. Les chefs d’établissement, “mis sous pression“, évoquent quant à eux “la charge de travail dont une partie est pour eux imputable à une communication institutionnelle parfois perçue comme défaillante, les décisions étant souvent jugées trop tardives et nécessitant des adaptations dans l’urgence“.
La majorité des personnes auditionnées ressentent au final une “impression d’instabilité constante portant sur les fondamentaux mêmes de la réforme“, une impression “confirmée par un cadre réglementaire qui n’a cessé d’évoluer depuis la mise en œuvre de la réforme en 2018“, celle-ci n’étant “pas encore pleinement aboutie“ : “aucune année n’a été identique à la précédente“, l’année de terminale connaissant par exemple en 2023 son quatrième changement successif de modalités de passage des épreuves de spécialités.
Pourtant au départ, rappelle l'IGESR, cette réforme avait pour ambition “de réaffirmer“ le rôle du lycée général et technologique “comme propédeutique d’études supérieures réussies, en renforçant l’exigence des programmes, en créant un tronc commun solide et ambitieux, en renforçant l’éducation à l’orientation et en réaffirmant le rôle du baccalauréat comme premier grade de l’université par l’intégration des notes de spécialité dans le processus d’accès à l’enseignement supérieur“. Seulement, la cohérence quant à cet objectif “n’est pas perçue clairement“ tandis que “le lien fort avec l’enseignement supérieur est souvent ressenti comme une sujétion plus que comme un lien“. Calendrier des épreuves, qualité de l’information sur les formations, transparence des critères d’admission, fiabilité de l’évaluation au lycée... tous ces éléments, suivant qu’ils sont ou non concertés, pouvant conduire “à créer un climat de défiance réciproque entre le lycée et l’enseignement supérieur.“
La mission souligne le besoin de nombreuses modifications, par ce qu'elle appelle des “ajustements“ à la réforme du lycée professionnel et technologique, comme “le renforcement de la connaissance du parcours des élèves (et leur bien-être)“, la création d’indicateurs incluant les résultats des épreuves de spécialité et du tronc commun ainsi que la diffusion de ces informations.
En ce qui concerne l’orientation, elle considère que “la multiplicité d’initiatives souffre d’un manque de cohérence et de professionnalisation, y compris pour gérer les conséquences potentiellement négatives pour les élèves, voire leurs parents comme le stress ou l’angoisse de faire les mauvais choix“. Doit ainsi être garantie “l’effectivité des 54 h annuelles dédiées à l’orientation pour permettre aux établissements de formaliser leur projet“, et les attendus nationaux “doivent être précisés, notamment sur le rôle des différents acteurs (région, académie, PsyEN, enseignants…) pour faciliter la mise en œuvre d’une adaptation locale".
De plus, la disparition du groupe classe impose “de repenser les modalités pour le suivi individuel des élèves, le format du conseil de classe n’étant plus adapté“ et la fonction de professeur référent d’un groupe d’élèves “apparait parallèlement plus propice que celle de professeur principal d’un groupe classe à un suivi individualisé des élèves en termes de résultats et d’orientation.“
Le rapport ici