Architecture scolaire: l'accueil, valeur ajoutée à l'établissement. (publication)
Paru dans Scolaire le mardi 03 août 2010.
"Pendant très longtemps, l'accueil en établissement scolaire a été ignoré, en raison notamment d'une école refermée sur elle-même, focalisée sur la transmission des savoirs. (...) L'école reconnaît à présent l'importance de la socialisation dans ses murs", estime Maurice Mazalto, membre des Céméa, qui propose, dans un ouvrage paru aux éditions Fabert en partenariat avec les Céméa, une réflexion sur l'architecture des établissements scolaires. "L'école doit sortir de ses espaces traditionnels et s'ouvrir au monde; elle doit également laisser pénétrer la vie qui l'entoure, accepter de montrer son fonctionnement quotidien", ajoute t-il.
Comment l'architecture scolaire peut-elle porter cette vision de l'acte éducatif? L'ouvrage donne la parole aux architectes, enseignants, élèves, chefs d'établissements mais aussi conseils généraux, pour faire émerger des conceptions éducatives "en repérant des besoins plus ou moins immédiats", et "façonner des réponses croisées mettant en lumière la diversité des approches et demandes".
L'auteur propose plusieurs voies d'amélioration: La mutualisation des savoir-faire entre collectivités, maîtres d'ouvrages, conseils généraux et conseils régionaux, sous l'égide de l'Association des Régions de France et de l'Assemblée des Départements de France; La possibilité pour les architectes de défendre leur projet lors des appels d'offres; La prise en compte du point de vue des différents acteurs des collèges et lycées dans les décisions d'aménagement, notamment celui des élèves: "Trop souvent les usagers sont représentés par le chef d'établissement, unique représentant de l'Education nationale".
Un dialogue préliminaire entre tous les partenaires des projets, architectes, collectivités territoriales, élèves, enseignants, lui apparait nécessaire: "C'est la certitude de dialogues féconds et d'engagements ultérieurs pour faire vivre son établissement".
"L'acceuil est indissociable de l'ouverture de l'école sur le monde". Plus concrètement, il s'agit de penser l'articulation entre sécurité et convivialité. Sur cette question, l'ouvrage souligne l'hétérogénéité des conceptions selon les usagers: "Si certains considèrent, comme les collectivités, que l'accueil intègre la sécurité, d'autres sont plus réservés, voire en désaccord." L'ouvrage insiste sur l'importance de la présence humaine à l'entrée: "En aucun cas l'accueil ne doit être sacrifié sur l'autel sécuritaire (...) Les responsables, pas uniquement ceux de la vie scolaire, échangent quelques paroles de bienvenue, un bonjour qui exprime la reconnaissance et la considération". Face aux réponses institutionnelles (tolérance zéro, sanctuarisation des établissements), il préconise de laisser à l'établissement une marge de manoeuvre suffisante "pour adapter ses régles de sécurité à la situation du moment".
"Si l'école a en charge la transmission des savoirs, elle doit également aider à la socialisation des usagers qui la fréquentent". L'ouvrage dresse d'autres pistes d'améliorations des espaces scolaires: l'augmentation du nombre de "Maisons de Lycéens" ("On souhaite que les collectivités territoriales fassent preuve de volontarisme pour les préconisations à venir"); La mise en place d'espaces de travail autonomes, à la charnière entre les apprentissages et la détente, permettant par exemple le travail en petits groupes ("Lorsque ces espaces n'existent pas, les élèves cherchent des substituts: foyer, circulations, bancs..."); L'aménagement des espaces extérieurs qui, s'ils sont plébiscités par les élèves, feraient moins l'objet de l'attention des collectivités. ("Les aménagements de ces espaces sont souvent dignes d'intérêt lorsque leur importance est reconnue. (...) Parfois l'espace existe mais n'est pas investi faute de politique volontariste"). Il établit la nécessité de faire figurer les lieux de parole et d'échange dans les cahiers des charges donnés aux architectes: "ces derniers savent faire preuve d'imagination lorsque la commande est clairement passée par le maitre d'ouvrage".
L'ouvrage met également en lumière la demande, de la part des adultes, "d'une salle de détente commune" , qui rejoint le constat d'une "fragmentation des lieux" avec pour conséquence le regroupement du personnel entre pairs: enseignants, personnel de direction, agents d'entretien... Or, "ce souci de l'entre soi, s'il peut parfois se comprendre, n'en demeure pas moins un frein à la constitution d'une communauté d'intérêt que constitue l'établissement scolaire", considère l'auteur. Quant à l'intégration des parents, "la démarche est parfois bien difficile à faire", la porte étant pour certains difficile à franchir. "Des collectivités apportent des réponses importantes en prévoyant des salles de réunion pour l'accueil des parents à proximité de l'entrée", note l'ouvrage, qui rappelle que le fil rouge de toute réflexion sur l'architecture reste la volonté des individus de se rencontrer et d'échanger. "D'une façon générale, selon leur configuration, les espaces et bâtis peuvent favoriser des pratiques différentes, innovantes; ils appartient aux personnes de l'établissement d'en faire bon usage".
Maurice Mazalto, l'accueil au collège et au lycée, éditions Fabert, 2010.