Amasco, une solution pour les vacances des enfants qui ne partent pas
Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 13 juillet 2023.
Les vacances d'été sont-elles trop longues et occasionnent-elles une perte en termes d'apprentissage ? La réponse donnée par la DEPP à cette question est loin d'être aussi affirmative que ne l'affirment les politiques (voir ToutEduc ici), mais de fait, elles sont très longues pour les enfants qui ne partent pas. L'association Amasco (je commence à apprendre en latin) leur propose une solution originale, estime son président, Arnaud Langlois-Meurinne.
ToutEduc : Combien d'enfants allez-vous accueillir cet été ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Nous avons à ce jour 1 154 enfants inscrits, mais les inscriptions ne sont pas closes. Nous aurons cette année 61 semaines-ateliers réparties sur trois semaines en Juillet et une semaine fin août dans 27 villes en Ile-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Alsace, Centre-Val de Loire*. Les enfants que nous accueillons sont des enfants de 6 à 11 ans scolarisés en école élementaire. 20 % des enfants sont des enfants "à besoins éducatifs particuliers" et les trois quarts des familles se situent sous le seuil de pauvreté.
ToutEduc : Vous n'hébergez pas les enfants ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Non, ce sont des accueils sans hébergement. Les ateliers sont organisés sur une journée complète, les enfants mangent sur place, mais le repas est apporté par les familles. Nous comptons un adulte encadrant pour 5 à 6 enfants, donc pour un groupe de 20-25 enfants, nous avons un responsable d’atelier qui est enseignant, 1er ou 2nd degré, ou qui est directeur de centre de loisirs, un animateur titulaire du BAFA, un étudiant en Master MEEF, un stagiaire en animation. Comme vous le voyez, nous avons des équipes mixtes. C’est en grande part notre singularité.
ToutEduc : Vous voulez éviter que les vacances ne soient l'occasion d'une perte en termes de compétences, pouvez-vous préciser ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Les activités mises en œuvre dans nos semaines d’ateliers permettent de travailler six compétences transversales incontournables : "Dire et exprimer sa pensée et ses émotions par la parole, le corps et les arts", "Mettre en place une démarche de résolution de problème et utiliser des outils", "Lire et écrire pour communiquer, raconter et laisser une trace", "Découvrir des cultures, des histoires, des objets, des langues", "Apprendre à se connaître, identifier les autres, se faire confiance", "Gérer ses émotions". Ces compétences ne sont pas stricto sensu scolaires mais elles servent de socle aux apprentissages fondamentaux et elles leur donnent sens.
En fonction de ses appétences et des ressources de l’environnement, l'équipe pédagogique va bâtir un planning sur la semaine autour de cinq ou six activités quotidiennes qui vont exercer ces compétences incontournables. Les activités sont reprises d’un jour à l’autre pour que chaque enfant puisse en fin de semaine constater sa progression.
D’un atelier à l’autre, les activités pourront être ainsi très variées. Les enfants peuvent réaliser un journal télévisé, faire des tours de magie, utiliser le "Robot Matatalab" pour apprendre les rudiments du codage, faire du théatre, écrire un conte, jouer aux échecs, participer à un atelier philo, réaliser des expériences scientifiques, construire des maquettes, faire du yoga, etc… Une seule activité sert de fil rouge à l’ensemble des ateliers sur une même semaine. Elle donnera lieu à la production en fin de semaine sur chaque site d’un petit film vidéo qui sera partagé avec plusieurs autres sites et un jury attribuera à chaque atelier participant un trophée particulier, le meilleur scénario, celui de l’humour, de la réalisation, etc…"
ToutEduc : Vous prévoyez que les animateurs donnent aux parents un compte-rendu hebdomadaire. N'est-ce pas "mettre la pression" sur les enfants ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Il s’agit au contraire de valoriser la progression des enfants dans une restitution d’abord orale faite devant l’enfant ; puis un compte rendu écrit. Ce n’est pas une évaluation, on souligne seulement les compétences et connaissances qui ont été mobilisés grâce aux activités.
En complément, les enfants vont présenter avec fierté à leurs parents toutes les activités réalisées pendant la semaine en s’appuyant sur les affichages qui restent présents et sont autant de témoignages de l’activité et des compétences développées.
ToutEduc : Les initiatives associatives et municipales, avec le soutien de l'Education nationale pour les “vacances apprenantes”, donc sur des principes proches de ceux d'Amasco, sont nombreuses. En quoi votre action est-elle différente ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Nos ateliers sont construits et animés par les enseignants et les animateurs. Ce mix d’équipe est très rare aujourd’hui alors qu’il était très présent à l’âge d’or des colonies de vacances. Notre proposition se différencie des stages de réussite scolaire organisés par l’Education nationale qui sont centrés sur de la remédiation, autant que celle des centres de loisirs pour lesquels l'inscription à la journée ne permet pas la progression dans les apprentissages, et où les enfants les plus fragiles sont marginalisés dans de trop grands groupes. Quant aux colonies de vacances, outre leur coût, elles se heurtent aux réticences culturelles de certaines familles qui ne veulent pas y envoyer leurs enfants. Nous assumons une démarche pédagogique de type inductive, les apprentissages passent par le jeu, par le projet et l’expérience.
ToutEduc : Qui finance Amasco et quel est le prix de revient d'un enfant / journée ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Notre budget est constitué à moitié de ressources publiques (CAF, communes, État via la politique de la ville…) et à moitié de ressources privées (contributions des familles, les dons et mécénat.). Le prix de revient d'une journée se situe entre 60 et 80 euros par enfant, et la participation des familles est fonction de leur quotient familial
ToutEduc : L'année dernière, votre action a été évaluée par le Socialab. Quelles en étaient les principales conclusions ?
Arnaud Langlois-Meurinne : Ce cabinet d'études spécialisé dans l'innovation sociale et éducative a réalisé une étude qualitative de nos ateliers. Dans ses conclusions, il met en valeur notre base théorique et une base d’outils et de ressources solides, une formation des équipes d'animation de grande qualité, avec une réelle préoccupation qu'elles s'approprient notre pédagogie. Le SociaLab juge nos impacts sur les enfants significatifs en termes de "bien-être et épanouissement de l'enfant", d'estime de soi, de confiance en les autres, de découverte d’autres compétences et connaissances que celles acquises à l’école, de sécurisation face aux apprentissages et envie d’apprendre.
En dehors de l’été, nous accueillons les enfants pendant toutes les petites vacances scolaires, sauf celles de Noël. En moyenne, les enfants viennent un peu moins de deux fois dans l’année dans nos ateliers et le SociaLab nous engage à augmenter la fidélisation pour accroître notre impact et jouer à plein la complémentarité éducative avec l’école.
* 12 villes en Île de France (Paris ; Fontenay-aux-Roses ; Saint-Denis ; Villepinte ; Dammarie-les-Lys ; Plessis-Robinson ; Pantin ; Aubervilliers ; Évry ; Pierrefitte ; Bondy ; Vitry-sur-Seine) - 9 villes en Aura (Lyon ; Caluire ; Saint-Etienne ; Oullins ; Vénissieux ; Pierre-Bénite ; Villeurbanne ; Givors ; Saint-Fons ; Saint-Genis-Laval) - 3 villes en Grand-Est (Strasbourg ; Schiltigheim ; Bischheim) - 3 villes en Centre-Val-de-Loire (Orléans ; Joué-Lès-Tours ; Sully-Sur-Loire)