Apprentissage : la Cour des comptes porte un jugement sévère sur la loi Pénicaud
Paru dans Scolaire, Orientation le lundi 10 juillet 2023.
"L’apprentissage est de loin le dispositif le plus coûteux de la politique de l’emploi", estime la Cour des comptes qui calcule que "le coût annuel moyen par contrat d’apprentissage s’élève à 19 200 €" (tous niveaux confondus, ndlr) et qui rappelle que "le coût annuel moyen d’un élève en lycée professionnel (est) évalué à 12 680 € et celui d’un étudiant dans l’enseignement supérieur à 11 580 €". L'une des "contributions" de la Cour à "la revue des dépenses publiques", qui vient d'être publiée, porte donc sur la nécessité de "Recentrer le soutien public à la formation professionnelle et à l'apprentissage".
A aucun moment les "sages de la rue Cambon" ne remettent en cause "la valeur ajoutée de l’apprentissage (...) pour les jeunes présentant les plus bas niveaux de qualification, qui sont ceux qui rencontrent le plus de difficultés pour accéder à l’emploi". Mais ils constatent que "la libéralisation du cadre de la formation professionnelle des salariés et de l’alternance" par la loi "pour la liberté de choisir son avenir professionnel" ainsi que "l’absence de limite posée au financement de ces deux dispositifs sont à l’origine d’une très forte dynamique de la dépense" sans que celle-ci soit "prioritairement orientée vers la réponse aux besoins des populations les moins qualifiées, qui sont pourtant celles qui en tireraient le plus grand bénéfice".
Et ils ajoutent que "les objectifs visés par la réforme de 2018 sont essentiellement d’ordre quantitatif (...) sans préoccupation suffisante quant à l’utilité de la dépense". Le nombre des "nouveaux contrats d'apprentissage de niveau inférieur ou égal au baccalauréat" a pourtant augmenté, passant de 193 000 en 2017 à 233 000 en 2020 et à 315 000 en 2022. Mais l'année dernière, "les apprentis visant l’obtention d’un diplôme de niveau baccalauréat ou inférieur ne représentaient plus que 37,6 % des nouveaux contrats contre 63,2 % en 2017".
Autre sujet de préoccupation pour la Cour, avec le système de rémunération à l’activité, l’équilibre du modèle économique des CFA dépend "beaucoup de la capacité des organismes de formation à attirer des jeunes nombreux", ils ont donc "tendance à ouvrir des formations ou des places en apprentissage dans les métropoles ou les villes où les viviers de jeunes sont nombreux et les activités de services très présentes, plutôt que dans les zones rurales".
Les sages notent encore que c'est "sur la base d’une méthodologie fruste et très prudente" que France compétences a tenté début 2019 "d’encadrer la première fixation des niveaux de prise en charge des contrats d’apprentissage par les branches professionnelles sans viser à fixer ceux-ci au plus près des coûts réels des centres de formation des apprentis, faute de les connaître. La Cour a estimé, qu’en moyenne, les niveaux de prise en charge des contrats étaient supérieurs d’au moins 17 % aux coûts réels."
Elle invite donc à moduler le soutien financier public à l’apprentissage "au bénéfice des jeunes qui rencontrent le plus de difficultés pour s’insérer durablement sur le marché du travail, y compris en améliorant l’orientation vers cette voie de formation". Il s'agit de "redonner aux aides à l’embauche d’alternants leur finalité d’aides à l’insertion professionnelle des jeunes - plutôt que d’aides aux entreprises - et de faire davantage participer celles-ci au financement du développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur."
Le site de la Cour des comptes ici