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Prise de parole : deux études en détaillent les effets et conséquences sur les inégalités à la maternelle (U. Poitiers / CNRS)

Paru dans Petite enfance, Scolaire le lundi 03 juillet 2023.

Les élèves de milieux populaires parlent “moins souvent et moins longtemps que les élèves de milieux plus favorisés“ analyse Sébastien Goudeau (CERCA, U. Poitiers, CNRS) dans une étude menée avec une équipe internationale de chercheurs et publiée dans le Journal of Experimental Psychology.

Leur travail a consisté à filmer 100 élèves de plusieurs classes “relativement mixtes en termes de statut socio-économique“ de grande section (GS) de maternelle, durant 8 à 19 moments de discussions collectives pour en étudier le comportement. Il s'agit par exemple, explique l'université dans sa présentation, des rituels du matin, de dire ce qu’on a fait à la maison le week-end, d'échanger autour d’un album de littérature jeunesse ou d'une œuvre artistique, ou même faire de la numération ou un débat philosophique.

Ces “moments de regroupement“ peuvent avoir lieu plusieurs fois par jour et varier dans leurs contenus et objectifs, et s'avèrent cruciaux car ils font partie des temps de langage, ces derniers occupant “une place centrale dans les apprentissages“ durant les premières années d’école et pouvant être perçus “comme un outil au service de la réduction des inégalités préexistantes à l’école“.

A partir de la fréquence, de la durée et du type de contribution orale de chaque enfant, les chercheurs ont constaté que, par rapport aux élèves de milieux populaires, ceux issus de milieux plus favorisés sont plus souvent interrogés, prennent davantage la parole sans qu’elle leur ait été donnée explicitement, coupent davantage la parole, et lorsqu’ils parlent, parlent plus longtemps que les autres.

Ils estiment que “les élèves de faible statut socio-économique ne parlent pas moins parce qu'ils n’auraient pas les compétences nécessaires pour le faire“, car les différences relevées “ne s’expliquent pas de façon importante par des différences de compétences en langue orale“, mais qu'elles s'observent davantage “par une proximité culturelle entre les pratiques de socialisation des familles de milieux favorisés et ce qui se joue dans la salle de classe“.

En effet, “lors des discussions en classe entière, les élèves sont souvent encouragés à exprimer leurs opinions, intérêts, et partager leurs expériences personnelles - des comportements qui sont davantage socialisés dans les familles de classes moyennes et favorisées -“. De plus, ces élèves disposent d'un "capital culturel" (par exemple, connaissances des albums de littérature jeunesse, expériences de voyages, etc.) qui leur permettent plus aisément de contribuer aux discussions en classe entière par rapport à leurs camarades de classes populaires ayant des compétences linguistiques similaires.

La deuxième étude qui accompagne cette recherche s'intéresse à la perception de ces différences de participation orale par les élèves eux-mêmes, du fait de possibles “conséquences importantes sur leur sentiment de compétence et in fine leurs apprentissages“, comme la réduction des ressources attentionnelles disponibles et la dégradation du niveau d’engagement dans la tâche.

Via l'encodage de scénarios mettant en scène des élèves fictifs, les chercheurs “montrent que les enfants de 5 ans perçoivent les élèves qui parlent le plus comme possédant davantage de caractéristiques internes positives“. Les différences de participation orale semblent ainsi interprétées par les élèves comme révélant des différences de qualités propres (facteurs internes) plutôt que liées au milieu du protagoniste ou au contexte de la classe (facteurs extrinsèques). Le problème, c'est que les élèves qui prennent le plus la parole pourraient “développer une image positive d’eux-mêmes, contrairement aux élèves les plus éloignés de la culture scolaire“, ce qui conduirait à amplifier les inégalités pré-existantes à l’école.

Il serait alors question de “repenser l’organisation des moments de langage à l’école maternelle“, notamment en favorisant l'égale participation des élèves, “afin de favoriser l'engagement de tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale“. Un défi malgré tout “loin d’être évident à résoudre vu les contraintes qui pèsent sur les enseignant·e·s“, concluent les auteurs.

L'article ici (en anglais)

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