Evaluation et "évaluationnite" : ce qu'en dit le mouvement Freinet
Paru dans Scolaire le mardi 04 juillet 2023.
"Je me sens tiraillée entre l'obligation institutionnelle de renseigner le LSU (livret scolaire unique, ndlr) et mes objectifs pédagogiques", écrit une enseignante dans le dernier numéro de la revue Educ' Freinet. C'est aux questions qu'elle se pose sur la distance entre la conception dominante de l'évaluation, telle qu'elle se manifeste dans les textes officiels et les pratiques en cours chez les militants de ce mouvement pédagogique que répond ce dossier qui aurait pu être titré "comment résister à l'évaluationnite ?"
Célestin Freinet n'a-t-il pas écrit que "les notes et les classements sont toujours une erreur" ? D'ailleurs, "dans les classes Freinet, l'évaluation revêt trois aspects important, l'évaluation de l'enfant par lui-même, l'évaluation de l'enfant par le groupe, la classe, l'évaluation de l'enfant par l'enseignant. L'interaction de ces trois aspects aboutit à une autre sorte d'évaluation, qui profite en premier à l'enfant." Il s'agit donc bien d'adapter des pratiques pédagogiques à la nécessité de donner des notes sur 20, au lycée notamment, pour remplir les dossiers et livrets. "A la fin du trimestre, je consacre une séance pour demander aux élèves de remplir une feuille d'autoévaluation (...) et à se mettre une note pour le travail du trimestre. Je fais le même travail de mon côté (....). Si l'écart est supérieur ou égal à quatre points, je rencontre l'élève. Ce n'est arrivé que deux fois par classe."
Mais, dit une de ses collègues, "la meilleure évaluation reste celle que Freinet appelait 'le chef d'oeuvre', celle où l'élève partant d'une question qu'il se pose (...) va faire une recherche de A à Z, un exposé, un texte libre, un bricolage, une pièce de théâtre, etc.". Et pour un autre, "l'évaluation, armée du numérique, devient un instrument de contrôle social bureaucratique généralisé", il ne voit "à tout cela qu'une destination, la poubelle".
Dit autrement, "évaluer, c'est donner une valeur à ce qu'on a appris, et pour cela, il faut que ces apprentissages confèrent aux enfants de nouveaux pouvoirs sur le monde et non pas une échelle de la soumission à nos exigences (...). La technique utilisée importe peu. On peut avoir des couleurs, des points, des compétences et donner du courage à chaque enfant. On peut avoir les mêmes outils et asservir chaque enfant à un 'travail' dont l'évaluation fait rémunération et l'échec sanction. C'est le même marteau qui peut planter un clou et écraser les phalanges. Cessons de parler de l'outil et concentrons-nous sur la position de l'enfant."
Educ'Freinet n° 263, 10€