Remise des prix éco-délégués 2023 : A l'école, la transition écologique se donne-t-elle tous les moyens ?
Paru dans Scolaire le vendredi 23 juin 2023.
“Des projets, des idées qui permettent de transformer l'Education nationale“. Vendredi 23 juin, au ministère de l'éducation, étaient remis les 3èmes prix de l’action “éco-déléguée“ qui ont récompensé quatre établissements (catégories école, collège avec 2 ex-aequo et lycée). Face à l'urgence climatique, aux objectifs de développement durable ainsi qu'à la montée de l'éco-anxiété présente chez de plus en plus d'élèves, le ministre de l'Education mettait en avant trois dimensions.
L'enseignement, le bâti et les élèves
Il faut d'abord adapter le bâti scolaire (rénovation du bâti, végétalisation des cours, transformation des modes de chauffage) qui est soutenu par le “fonds vert“ (2 Mds d'€) récemment pérennisé par Elisabeth Borne, mais renvoyé au travail des collectivités.
Interrogé par ToutEduc, Pap Ndiaye évoque ensuite les pratiques pédagogiques avec des enseignants qui sont “au cœur des enjeux“ d'environnment et qui ont besoin de formations initiale et continue. Il explique également que “le verdissement des programmes est à l'oeuvre depuis deux ans“, et qu'il est désormais nécessaire “de mieux vérifier les compétences“ des élèves. Il s'agit là de la mise en place d'un “référentiel de compétences“, présenté à partir du mois de septembre et faisant partie d'une liste de 20 mesures développée par le ministère en matière d'écologie.
Le ministre indique avoir surtout constaté “à quel point les enseignants se sont emparé“ de la question. Ainsi, “l'enseignement de la révolution industrielle ne se fait plus du tout en histoire comme on le faisait il y a une vingtaine d'années avec l'étude d'une grande transformation sociale et économique, aujourd'hui on prend en considération la transformation de l'environnement, un rapport changé à la nature, et des modifications dont nous payons aujourd'hui les conséquences à l'échelle de la planète“.
La troisième dimension mise en lumière est la mobilisation des élèves, qui passe notamment par les référents Education au développement durable ainsi que par les éco-délégués, des délégués de classe dont le rôle est de construire des projets concrets prenant en compte des enjeux environnementaux. Ils seraient quelque 250 000 élèves éco-délégués en France. Seulement pour Simoa Ntoni, éco-délégué du Conseil national de la vie lycéenne rencontré lors de la remise des prix, sur le terrain “plus de la moitié“ seraient élus par défaut, avec “beaucoup d'établissements où certaines classes n'ont pas de candidat“ et un enseignant qui “se retrouve à choisir par défaut un élève qui se retrouve là sans avoir fait vraiment le choix de s'engager“. Il regrette que ces élections soient dans l'ombre de celles des délégués classiques, et souhaiterait “communiquer, éduquer encore plus à ce que les jeunes s'engagent réellement“.
Lauréats
Sur 263 établissements participant au total à cette édition des prix de l’action “éco-déléguée“, 70 lauréats académiques ont été désignés pour concourir au niveau national. Parmi les vainqueurs, le lycée du Couserans dans l'académie de Toulouse a été sélectionné pour son projet “Vélolycée“ de développement des éco-mobilités scolaires. Il s'agissait, concernant l'École primaire Arc-en-ciel dans l'académie de Reims, d'une démarche liée à la réduction des déchets et la protection de la biodiversité dans le cadre d'une “aire terrestre éducative“, un terrain de 2 500 m2 prêté par la Mairie. Le Collège Blanche-Odin dans l'académie de Toulouse a lui été récompensé pour son projet à la fois transfrontalier de sensibilisation aux enjeux climatiques et de réaménagement de la cour de l'établissement.
Enfin, coup de cœur du jury, le collège de Janzé dans l'académie de Rennes a construit tout un projet de sensibilisation et d'actions concrètes destinées à réduire la précarité menstruelle. Ont été constatées, pour certaines collégiennes, des difficultés d'approvisionnement en protections périodiques, qui participent par ailleurs à la production de déchets plastiques. Les élèves se sont lancées dans la production et la distribution de serviettes hygiéniques lavables. Des ateliers de couture ont été organisés pour les confectionner.
Les élèves de la classe racontent :
“Au début les garçons ne comprenaient pas trop pourquoi on faisait ça, ils ne savaient pas ce que c'était pour nous les règles.“
“Certains pensaient que les serviettes lavables c'était sale, que ça consommait beaucoup plus d'eau à produire et laver que les jetables.“
“Après on leur en a parlé, on a fait le tour des classes, et ils ont compris le but du projet.“
“L'intérêt de l'atelier couture c'est que c'était un espace où on pouvait parler librement. Certaines filles ont eu leur règles alors que d'autres non.“
“Il a fallu ensuite expliquer où jeter les serviettes périodiques. En plus on n'avait pas envie que une seule fille les prennent toutes pour chez elle.“
Audrey Chevalier, professeur d'anglais référente EDD du collège Saint Joesph, a constaté qu'“il y a eu un vrai rayonnement des filles dans tout le collège“. Elle raconte que le projet a nécessité énormément de travail, qu'il était né au sein de l'établissement avant de le présenter pour le concours, dès lors “il fallait travailler encore plus“ avec la création d'une vidéo d'une minute trente pour y participer.
Très engagée sur le sujet de l'environnement, elle se remémore les heures passées au téléphone, les portes fermées en raison d'un manque de budget.. “On ne savait pas toquer aux bonnes portes et on a parfois baissé les bras“, avoue-t-elle. De même, “quand on demande à des gens de travailler bénévolement, ils ne sont pas forcément partants".
A l'inverse, Valérie Masson-Delmotte considère que “le premier moteur de l'anxiété c'est l'impression d'une inaction, d'une sorte de fatalisme et justement ces projets d'éco-délégués permettent d'avoir un cadre pour faire avancer de petites choses à l'échelle des établissements mais dans une dynamique d'action.“ La présidente du jury et paléoclimatologue estime d'ailleurs que les éco-délégués “sont très lucides sur ce qu'ils arrivent à faire dans le peu de temps qu'ils ont à l'intérieur d'un établissement et puis l'ampleur des transformations à mener“.
Elle souligne la volonté “de mettre en place des démarches scientifiques“ et constate les résultats produits : “ce que je vois, c'est des élèves qui ont été éco-délégués au collège et au lycée, qui sont dans l'enseignement supérieur ou dans la vie active et qui ont une capacité à porter des projets, à faire avancer des choses en ayant approfondi des compétences et des clés pour pouvoir agir, donc au-delà de ce qui peut être fait dans le temps scolaire, c'est aussi une capacité à se prendre en main, à monter des initiatives qui est un résultat intéressant.“
La référente Audrey Chevalier se félicite du succès de l'opération mais note cependant deux écueils. La subvention du département a permis de financer le tissu bio pour fabriquer 2 500 serviettes censées durer deux ans mais au-delà, “il va falloir trouver le budget nécessaire pour réapprovisionner les distributeurs“, s'inquiète-t-elle. Autre problématique, celle des moyens “humains“. Comme elle, plusieurs intervenants ont fait part au ministre d'un lourd travail effectué “en off“: “Ce temps-là n'est pas fléché dans l'emploi du temps des profs, dans notre établissement quelques heures nous ont été données mais c'est très compliqué, il n'y a pas de budget Développement Durable dans notre collège, on a dû se débrouiller par nos propres moyens“. Une question fondamentale pour penser la mise à l'échelle nationale de ces intiatives.
Les 20 mesures ici