Violences sexuelles chez les mineurs : une parole qui “reste difficile“ pour beaucoup (INED)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 21 juin 2023.
Comment caractériser les violences sexuelles durant l’enfance et l’adolescence, notamment celles qui surviennent dans la sphère familiale ? Quels facteurs favorisent la prise de parole des personnes qui les ont subies ? Les autrices de l'article publié par l'INED ce mercredi 21 juin se sont appuyées pour qualifier les violences sexuelles intrafamiliales, parafamiliales ou hors cercle familial, sur l'enquête sur les abus sexuels dans l’église catholique réalisée par une équipe de recherche de l’Inserm.
Typologie des agressions
Celle-ci indique, en premier lieu, que les violences sexuelles perpétrées avant 18 ans concernent 13 % des femmes et 5,5 % des hommes. Surtout, elles concernent tous les milieux sociaux. Par exemple les hommes dont le père était cadre supérieur sont 5,8 % à rapporter de telles violences et ceux dont le père était ouvrier 5,1 %. Il serait davantage question de l'importance du “contexte de vie“ pour expliquer ces actes, les femmes et les hommes dont le père n’avait pas d’emploi stable ou dont le père était décédé ou inconnu déclarant plus de violences sexuelles que les autres
Avec un taux d'inceste avant l’âge de 18 ans de 4,6 % chez les femmes et de 1,2 % chez les hommes interrogés, la famille “est la sphère de socialisation où se produisent le plus de violences sexuelles pour les femmes“. Mais elles sont également le fait des ami.es de la famille (2,2 % des femmes et 0,7 % des hommes). Quant aux violences sexuelles exercées hors de la famille, 6,1 % des femmes et 3,7 % des hommes les dénoncent.
L'institut national d'études démographiques révèle également que près de 40 % de ces violences sexuelles ont lieu avant l’âge de onze ans, ce qui est le cas pour plus de la moitié des femmes, comme des hommes, lorsque l’auteur était un membre ou un ami de la famille. Ces violences sont en outre plus souvent “répétées sur plusieurs années“ quand il s’agit d’un membre de la famille, et les hommes agressés sexuellement sont plus souvent victimes de viols que les femmes.
Plus de déclarations, mais peu sur les violences intra-familiales
Quels que soient l’âge ou le milieu social, les femmes rapportent plus de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans que les hommes. Est de même constatée chez les jeunes générations une “fréquence plus élevée“ des déclarations de violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, pouvant traduire “une augmentation des actes de violences dans le temps“, ou “une déclaration plus aisée au fil des dernières décennies, du fait d’une plus grande attention portée à la parole des victimes et d’un élargissement des faits susceptibles d’être qualifiés de violence“.
Elise Marsicano, Nathalie Bajos et Jeanna-Eve Pousson soulignent pourtant que, malgré cette libération de la parole, cette propension à déclarer plus de violences dans les jeunes générations “n’es pas observée pour les violences perpétrées par un membre de la famille“. C'est pourquoi la prise en considération croissante des violences depuis le début des années 1970, portée par les mouvements féministes et renforcée récemment par le mouvement #metoo, “n’a peut-être pas eu autant d’effet sur l’énonciation de ces violences sexuelles intra-familiales que sur d’autres types de violence sexuelle".
Parole
Cependant, la parole au sujet des violences sexuelles subies avant 18 ans “reste difficile“ selon les trois chercheuses. 51,4 % des femmes et 39 % des hommes concerné.es déclarent en avoir déjà parlé, et plus les personnes sont jeunes, plus elles déclarent en avoir déjà parlé à quelqu’un. De même, plus les violences sexuelles ont duré longtemps, plus les personnes rapportent en avoir parlé. Ainsi, la période de l’agression, le contexte des violences sexuelle et la durée semblent jouer sur la propension à avoir parlé des violences sexuelles subies dans l’enfance et l’adolescence.
Les personnes qui évoquent les violences subies se sont tournées le plus souvent vers leurs proches : les parents pour 21,1 % des femmes et 12,9 % des hommes, le ou la partenaire pour 17,5 % des femmes et 12,5 % des hommes, un ou une ami.e pour 17,2 % des femmes et 10,3 % des hommes.
Le rôle des acteurs de l'éducation
En revanche, hors du cercle familial, les agressions sont peu discutées. Par exemple, un.e professionnel.le de santé a été informé.e dans un peu moins d’un cas sur sept. Et si la propension à en parler est toujours plus élevée chez les femmes que chez les hommes, estiment les autrices de cette analyse, ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de se confier aux représentant.es de la police ou de la justice, pour lesquelles les proportions sont les mêmes pour les femmes et les hommes (7,9 % versus 7,4 %), synonyme d'une “plus grande méfiance des femmes vis-à-vis d’institutions perçues comme n’étant pas à l’écoute de leurs paroles“.
Est enfin indiqué que seulement 8,4 % des femmes et 8,3 % des hommes agressé.es par un membre de leur famille en ont parlé à la fois à leurs parents et à des professionnels de la santé, de la police ou de la justice. “Il est certes indispensable de favoriser à la fois la parole et l’écoute, estiment alors les chercheuses, mais aussi d’assurer, notamment aux plus jeunes, un accès facilité à d’autres personnes que celles de leur entourage familial afin d’améliorer la prise en charge des personnes concernées. On pense notamment au rôle majeur des professionnel.es de l’éducation, l’école étant la seule instance de socialisation avec laquelle tous les enfants sont en contact.“
L'étude l'INED ici