Qu'est-ce que la laïcité ? La réponse du CNAL
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 21 juin 2023.
"La laïcité est d’abord une foi en l’homme." C'est par cette formule que Jean-François Chanet a conclu le colloque que le CNAL, le Comité national d'action laïque organisait à Montpellier le 15 juin. L'historien constate en effet que "beaucoup de nos contemporains ont perdu la foi des instituteurs mécréants de la IIIe République en la science." Il propose donc de remplacer cette foi par une autre, et rappelle des mots de Péguy sur le rôle de l'école. Le poète "avait bien vu que, dans le développement des États nationaux modernes, les moments que l’on dirait aujourd’hui de crise identitaire sont des moments de mise en question de l’enseignement et ses résultats". Mais faut-il parler de crise, ou d'un état permanent de tension : "Il ne se passe guère de rentrée sans que se fassent entendre de nouveaux cris d’alerte (...) E pur si muove !"
Si l'Ecole continue "de tourner", l'ancien recteur ne considère pas pour autant "que les alarmes soient sans fondement", la présidente du Conseil des sages de la laïcité, Dominique Schnapper, n'a-t-elle pas évoqué "les conditions dégradées dans lesquelles, depuis cinq ans, les sages s’efforcent d’apporter des réponses" aux questions que se posent les enseignants ? "Quand la laïcité apparaît comme un instrument de tyrannie plutôt que de liberté, c’est le symptôme d’un échec pédagogique, au sens large du terme." Jean-François Chanet refuse pour autant de considérer que l'Institution a failli, "la qualité des ressources produites (par les "Sages", ndlr) en appui de la formation n’a rien à envier à celle des manuels d’autrefois". Mais sont-elles utilisées ? L'orateur évoque "une défiance accrue à l’égard de l’institution et en particulier de l’administration centrale (...). L’élévation en un siècle du niveau des diplômes requis pour enseigner n’empêche nullement les professeurs en exercice d’exprimer un désarroi grandissant devant les difficultés du métier (...). Le nombre des professionnels qualifiés pour accompagner, comme on dit, les enseignants ou les chefs d’établissement en difficulté s’est élevé, lui aussi, dans le même temps, d’une façon non moins incontestable (...). Or trop souvent ces interlocuteurs de proximité inspirent le soupçon d’être les instruments de la hiérarchie plutôt que la confiance due à des coéquipiers."
Autre difficulté, "la manière dont la laïcité est comprise et respectée par les élèves ne se joue pas seulement à l’école (mais aussi dans les quartiers, ndlr), et n’est donc pas seulement de la responsabilité des enseignants". S'y ajoute le fait "qu’on s’éloigne d’une logique de service public (...), et qu’on installe l’éducation nationale dans une logique de marché, donc de libre concurrence". Dès lors, le président du CNAL en appelle "à l’esprit de résistance", non sans dresser un tableau très sombre du contexte : "sentiment de déclassement répandu dans le monde enseignant tout entier, regard sur l’enfance dominé par l’intuition que l’avenir ne sera pas meilleur que le passé qu’on a connu, doutes sur la possibilité même de reconstruire du commun dans l’empire de l’individualisme, crainte de voir l’attrait de la République universelle telle qu’on la rêvait encore au sortir de la Seconde Guerre mondiale effacé dans le monde comme il va... "
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