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Rendez-vous de carrière et détachement : le Conseil d'Etat donne le mode d'emploi (une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le lundi 19 juin 2023.

Une enseignante certifiée d’économie gestion a été mise à disposition du Parlement européen, en deux fois, pour une durée totale de 46 mois, entrecoupée d’un congé de maladie de longue durée, entre 2001 et 2008. Malgré ses demandes en ce sens, le ministère de l’Education nationale a refusé de procéder à sa notation pendant ces périodes. Et le TA de Nancy a refusé d’annuler cette décision. La CAA de Nancy a annulé la décision du TA, mais en limitant la portée de sa décision à l’année 2007. L’enseignante a porté l’affaire devant le Conseil d’Etat, en demandant l’élargissement de cette décision à l’ensemble de la période de mise à disposition.

Le TA Avait estimé que les chefs des services parlementaires au sein desquels la requérante avait exercé son activité n’avaient communiqué au MEN aucune proposition de notation, ce qui faisait obstacle à ce que le ministre puisse la noter. Pour la période de 2001 à 2004, la Cour reconnaît que le MEN n’a jamais demandé au Parlement européen de lui transmettre un rapport sur sa manière de servir, mais elle estime que "cette circonstance, pour regrettable qu’elle soit, est par elle-même sans incidence sur la légalité de la décision refusant de procéder à sa notation ". Elle estime que les éléments dont disposait le MEN (pour l’essentiel des travaux, pour beaucoup fournis par la requérante), s’ils permettent "d’établir l’activité qu’elle a déployée lors de sa mise à disposition du Parlement européen ne sont pas suffisants pour porter une appréciation sur sa manière de servir au cours des périodes en litige ".

Au total le MEN n’a disposé d’éléments suffisants que pour la période allant de novembre 2006 à février 2008, après le retour de congé de maladie de la requérante, sous la forme d’une attestation établie par un chef de division du Parlement européen, où celui-ci décrit les missions de la requérante et porte une appréciation sur sa manière de servir. Ce document aurait dû permettre au MEN de procéder à sa notation pour l’année 2007 et, en refusant d’y procéder pour cette année là, la décision su ministre encourt l’annulation.

Le Conseil d’Etat annule l’arrêt de la Cour. Il reproche à celle-ci d’avoir jugé que la circonstance que le MEN n’ait jamais demandé un rapport au Parlement européen sur la manière de servir de la requérante était sans incidence sur la légalité de la décision de refuser de procéder à sa notation et que par ailleurs le MEN ne disposait pas d’éléments suffisants pour apprécier sa valeur professionnelle. Selon le décret du 4 juillet 1972 relatif au statut des professeurs certifiés, dans sa version applicable au litige, le ministre doit attribuer une note accompagnée d’une appréciation, y compris aux "professeurs certifiés en position de détachement, mis à disposition ou exerçant dans un service ou un établissement non placé sous l’autorité d’un recteur d’académie". En l’espèce, il ne pouvait donc légalement s’abstenir de procéder à la notation qu’après avoir vainement sollicité la transmission d’une proposition de notation, ou, à défaut, d’un rapport sur la manière de servir de l’intéressée. La CAA s’est donc rendu coupable d’une erreur de droit en jugeant comme elle l’a fait et la requérante obtient l’annulation des décisions refusant de procéder à sa notation pour la période allant de décembre 2001 à août 2004.

Le Conseil d’Etat confirme par ailleurs sur le fond la décision de la CAA annulant le refus de notation pour l’année 2007, tout en rectifiant la motivation de cette annulation.

On sait que le système d’évaluation des fonctionnaires a été modifié de fond en comble par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019. La notation a disparu et elle a été remplacée par une évaluation de la valeur professionnelle de l’agent fondée sur des entretiens. S’agissant du statut du corps des certifiés, le décret du 5 mai 2017 modifiant en particulier celui du 4 juillet 1972, instaure trois rendez-vous de carrière. Dans cet objectif. L’article 72 de ce décret abroge l’article 31 du décret de 1972, mais son article 30-2 maintient la compétence du ministre "pour évaluer, examiner les demandes de révision de l’appréciation finale de la valeur professionnelle, prononcer les promotions, attribuer les bonifications d’ancienneté, arrêter les tableaux d’avancement et classer les professeurs certifiés en position de détachement ou exerçant dans un service ou un établissement … non placés sous l’autorité d’un recteur d’académie". L’entretien professionnel reste une obligation statutaire et l’exigence posée par le présent arrêt à l’égard du ministre de réclamer un rapport sur la manière de servir à l’autorité de détachement reste donc entière. Un(e) enseignant(e) placé(e) dans cette situation ne pourrait donc plus exiger d’être noté(e) chaque année. Mais il ou elle pourrait exiger de bénéficier d’un entretien professionnel et d’être évalué(e) aux échéances prévues par le statut.

 

André Legrand

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