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Mixité sociale : pourquoi les contrats des établissements privés sont-ils à durée indéterminée ? (une tribune du SNEP-UNSA)

Paru dans Scolaire le mardi 16 mai 2023.

Alors que le ministère de l'Education nationale a annulé la conférence de presse prévue ce 17 mai à l'occasion de la signature (maintenue) d'un protocole avec le SGEC (secrétariat général de l'enseignement catholique), Franck Pecot, secrétaire général du SNEP, le syndicat UNSA de l'enseignement privé, nous adresse, sous le titre "Plan ministériel de mixité sociale : l’enseignement public impliqué sauf s'il se déroule dans des murs privés ?" cette tribune que nous publions bien volontiers. Les opinions exprimées n'engagent que leur auteur.

Le ministre de l’Éducation nationale a présenté aux recteurs et inspecteurs d’académie le très attendu plan d’amélioration de la mixité sociale en milieu scolaire. Ce projet est la suite logique de la publication des IPS à l’automne 2022. Les indices de positionnement social ont révélé l’ampleur de la ségrégation sociale en milieu scolaire dans notre pays. Le ministre a annoncé des ambitions pour l’enseignement public donc, légalement, aussi pour les classes et établissements privés associés à l'enseignement public par contrat. Rappelons que les directeurs de ces établissements ont librement choisis ce régime légal.

L'objectif de mixité sociale n'est pas une lubie du ministre Pap Ndiaye. Cet objectif est inscrit dans le code de l'Éducation à l'article L111.1. C'est donc une des missions du service public d'éducation concernant tous les établissements d'enseignement sauf s'ils ont retenu le cadre légal du "hors contrat".

Rappelons aussi que l'accord de l'administration à l'octroi d'un contrat d'association est lié à un besoin scolaire reconnu* dans un périmètre géographique défini. Concrètement pour répondre à la construction de logements nouveaux et dans le cadre de la carte des formations, les rectorats déterminent s'ils ouvrent une classe dans des murs publics ou dans des murs privés. Le Conseil constitutionnel a validé ce dispositif en 1985 (ici).

Pourquoi dès lors les classes sous contrat ne sont-elles pas intégrées à la carte scolaire ?

Par quelle bizarrerie une classe ouverte au regard d'un besoin local n'est-elle pas soumise à une inscription des élèves selon leur adresse géographique ? Au nom de quoi l'inscription des élèves par la direction, parfois des agents publics comme dans le premier degré privé sous contrat, échappe-t-elle à la sectorisation géographique ? Quelles instructions sont données aux directeurs agents publics par l'autorité administrative au sujet des inscriptions ?

A minima, le phénomène de la ségrégation à l'inscription des élèves interroge sur la tutelle qu'exerce le ministère sur les directeurs ayant pourtant sollicité une mission de service public.

Les mesures visant à améliorer de 20 % la mixité sociale au sein de l’enseignement public reposent sur une méthode et des outils. La méthode est celle de la concertation des différents acteurs de l’éducation, dans une instance qui devra donner une feuille de route pour les quatre années à venir. Une boîte à outils sera mise à disposition pour atteindre les objectifs fixés.

Le SNEP-UNSA est naturellement favorable à l’orientation prise par le ministre, qui contraste nettement avec le bilan inexistant de son prédécesseur sur ce sujet. Cependant, comment comprendre que les établissements d’enseignement privés sous contrat ne soient pas mis effectivement à contribution ?

Depuis des mois, le réseau catholique des directeurs et propriétaires d’établissements d’enseignement privés sous contrat brandit la menace de "guerre scolaire". Ce vocabulaire rappelle le temps où les évêques, au début du XXe siècle, dénonçaient la morale enseignée dans les "écoles sans Dieu". Plus près de nous, il fait référence à l’opposition, au début des années 1980, entre les tenants du SPULEN (service public unifié et laïque de l’Éducation nationale) et les défenseurs de l’école privée, prétendument qualifiée de "libre". Cette opposition a conduit le président Mitterrand à retirer la loi Savary, ce qui entraîné la démission du ministre de l’Éducation nationale, ainsi que celle du Premier ministre Pierre Mauroy.

Récemment, cette menace de "guerre scolaire" a été reprise par des élus de droite, traditionnellement proches du réseau catholique d’établissements privés, comme le président du Sénat, la secrétaire générale du parti "les Républicains" ou le président de l'association "secrétariat général de l'enseignement catholique".

Une guerre scolaire ou une guerre sociale

Visiblement, l’Élysée et Matignon ont été touchés par ce tir de barrage ; cela explique pourquoi leurs arbitrages n’ont pas été rendus. Sans doute a-t-on besoin, au sommet de l’État, de ménager ces groupes de pression dans l’espoir de rallier ses voix à l’Assemblée et au Sénat, pour préserver la suite d’un quinquennat si mal engagé. À présent, il est question que les annonces concernant les établissements privés et classes associés à l'enseignement public par contrat soient dévoilées dans quelques semaines…

Le SNEP-UNSA l’affirme, lui aussi, ce qu’on appelle "guerre scolaire" est aujourd’hui en réalité une guerre sociale visant les enfants et les familles de la frange la plus défavorisée de la population. Cette forme de relégation devrait mobiliser contre elle l’ensemble des pouvoirs publics, puisqu’elle aboutit à la séparation de la jeunesse de notre pays.

Il est naturellement à prévoir que les établissements d’enseignement privés sous contrat ne cèderont pas facilement leur privilège de trier les enfants. Mais, au-delà de l’égalisation des chances entre les élèves, c’est notre avenir démocratique qui en dépend.

Des propositions

Un protocole pour mettre en place une disposition du code de l'éducation ? Le SNEP-UNSA a quelques propositions. Déjà titulariser, fonctionnariser, l'ensemble des personnels de direction et les personnels enseignants, actuellement majoritairement contractuels de l’État. La République à ce jour, n'a pas trouvé de meilleurs moyens pour assurer le service public que la titularisation de ses agents. En effet un agent contractuel est par nature plus exposé aux pressions locales.

Si ce n'est pas suffisant pour atteindre les objectifs de la loi, alors réintroduire la notion de durée pour les contrats d’association aujourd'hui à durée indéterminée. Rappelons nous, qu'à l'origine les décrets découlant de la loi dite "Debré" prévoyaient une durée déterminée, de quelques années. Ce n'est pas les sénateurs emmenés par le sénateur Brisson qui s'opposeraient à une disposition, la contractualisation dans le temps, dont celui-ci fait la promotion ?

* Le "besoin scolaire reconnu" comprend des éléments quantitatifs et des éléments qualitatifs tels que la demande des familles et le caractère propre de l'établissement d'enseignement, décision n° 84-185 DC du 18 janvier 1985

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