Les apports du "Quoi de neuf" et de "l'Entretien" (Revue Educ' Freinet)
Paru dans Scolaire le vendredi 07 avril 2023.
“Faire entrer la vie dans la classe“. C'est ce que propose d'étudier la rédaction du magazine Educ' Freinet à travers l'exploration de l'“Entretien“ ou du “Quoi de neuf“. L'on y découvre différentes formes de ces rencontres, pouvant ici impulser un projet de visite au Colorado Provençal pour des collégiens, provoquer là des recherches sur les conversions de mesure entre mètres et centimètres..
Véronique Decker questionne l'apport de ces pratiques, comme le Quoi de neuf qui consiste à “tisser du savoir autour de l'événement“ exprimé par les enfants, et qui se veut un “espace de transition entre famille et école“. Nécessitant d'être nourri par l'enseignant, il “alimente l'imaginaire et aide à l'écriture de textes libres, car chaque événement permet d'évoquer des souvenirs, une histoire, des hypothèses, des aventures“. Par ce biais, “les enfants sont incités à apprendre des choses nouvelles, dans le désordre réel de la vie et non dans des ‘programmations‘ qui ne font pas sens pour eux“.
Si l'enfant est au centre de ce moment “convivial“, “de parole et d'écoute“ comme le mentionne Daniel Carré, il est au départ, étymologiquement in-fans, “celui qui ne parle pas encore“, explique de son côté Nicolas Go. Par extension, il sera “celui qui ne parle pas“, une connotation négative qui lui confère un statut péjoratif dans le langage ordinaire (puéril, infantiliser..). Il en est de même pour son positionnement : celui qui ne parle pas, c'est celui qui ne pense pas. Ainsi, “il n'a pas de légitimité à parler, et “il lui reste, notamment s'il veut apprendre, à écouter“. Face à “la scolastique, la parole autorisée de ceux qui savent“, il y a “le silence obéissant de ceux qui écoutent.“ C'est de cette manière que l'ordre scolaire hiérarchisé figure l'ordre politique inégalitaire. A contrario, note l'auteur, l'émancipation “est toujours un travail de dérégulation, une action qui fait dérailler l'ordre inégalitaire.“
Il s'agit donc d'un processus de souveraineté collectif, de voir la pédagogie affirmer la capacité de “ceux qui ne parlent pas“. La parole n'est pas autorisée, mais s'autorise. Prendre la parole, c'est donc “prendre la pouvoir sur la parole“. C'est donc prendre grand soin de ce qu'on en fait, conclut l'auteur car c'est un bien commun.“
Educ' Freinet n° 262 Avril 2023 - 10€