Loi Rilhac et directeurs d'école : 3 décrets et une opposition intersyndicale
Paru dans Scolaire le vendredi 31 mars 2023.
Le "loi Rilhac" créant la fonction de directrice ou de directeur d'école a été promulguée le 21 décembre 2021 (ici), mais ce n'est qu'avant-hier, 29 mars 2023, que les projets de décrets d'application ont été présentés aux organisations syndicales. Ils seront soumis à l’avis du CSA du 16 mai et au CSE du 17 mai. ToutEduc a pu se les procurer.
Le premier vise à définir "les conditions de nomination et d’exercice des directeurs d’école“ et à mettre en place "un dispositif d’avancement accéléré en faveur des professeurs des écoles et des instituteurs exerçant la fonction de directeur d’école".
Il prévoit que la direction d'école "est assurée par un directeur d'école appartenant au corps des instituteurs ou au corps des professeurs des écoles". Pour candidater, un enseignant doit avoir au moins trois ans de services d’enseignement, "avoir suivi une formation à la fonction de directeur d’école" et avoir été "inscrit sur une liste d'aptitude" établie chaque année par le département. "L'inscription sur une liste d'aptitude départementale demeure valable durant trois années scolaires", y compris en cas de changement de département. Les candidatures sont soumises à l'avis d'une commission départementale présidée par le DASEN. "Le nombre d'inscrits sur la liste d'aptitude ne peut excéder quatre fois le nombre total des emplois à pourvoir".
En cas de vacance d’emplois de directeurs d’école, les enseignants peuvent demander à être nommés dans la fonction sans avoir été inscrits sur la liste d’aptitude. Ils bénéficient alors d’une formation "au plus tard six mois après leur prise de fonction".
Les directeurs d’école sont évalués après trois ans d’exercice dans leurs fonctions puis une fois tous les cinq ans par l’inspecteur de l’éducation nationale de la circonscription dont ils dépendent.
Les personnels nommés dans cet emploi "poursuivent leur carrière dans leur corps", mais ont droit, après un an, "à une bonification d'ancienneté de trois mois" chaque année (ils passeraient donc à l'échelon supérieur au bout de trois ans au lieu de quatre, par exemple, ndlr) .
Un deuxième projet de décret "définit les missions des directrices et directeurs d’école".
L'article 1er porte sur l'école maternelle et prévoit que, pour ce qui est des heures de classe prévues l'après-midi, "l'obligation d'assiduité peut être aménagée en petite section à la demande des responsables légaux de l'enfant". C'est le directeur qui "arrête les modalités de l'aménagement sur proposition de l'équipe éducative".
L'article 2 crée une nouvelle section du code de l'éducation, R.410, consacrée au directeur d’école". L'article R. 410-1 qui serait ainsi créé prévoit que le directeur "veille à la bonne marche de l’école (...) dont il a la charge (...)." L'article suivant dispose qu'il "procède à l'admission des élèves" et "répartit les élèves dans les classes", qu'il organise leur accueil, leur surveillance "ainsi que le dialogue avec leurs représentants légaux". Il contrôle leur assiduité . L'article 410-3 prévoirait qu'il organise les élections des représentants des parents d'élèves", qu'il "réunit et préside le conseil d’école et le conseil des maîtres", veille au respect du règlement intérieur de l’école "par tous les membres de la communauté éducative".
C'est aussi lui qui "répartit les moyens d’enseignement", qui "organise le travail des personnels communaux" et il "a autorité sur l’ensemble des personnes intervenant dans l’école pendant le temps scolaire". Il est consulté "pour l’élaboration du plan particulier de mise en sûreté" et il "organise les exercices nécessaires à sa réalisation". Il prend "toutes dispositions pour assurer la sécurité des personnes et des biens, l'hygiène et la salubrité de l'école sur le temps scolaire".
Le directeur "pilote le projet pédagogique d’école", il "assure l’intégration des membres nouvellement nommés dans l’équipe pédagogique", il "organise la coopération" avec "les intervenants extérieurs". Il s’assure aussi "de la continuité des apprentissages de tous les élèves entre l'école maternelle et l'école élémentaire et entre l'école élémentaire et le collège".
Il contribue encore à la protection de l’enfance.
Un troisième projet de décret prévoit qu' "à l’école primaire, une activité physique et sportive d’une durée minimale de trente minutes est organisée quotidiennement à l’exception des jours d’enseignement de l’éducation physique et sportive".
Il prévoit également que "les directeurs d’école du secteur de recrutement du collège" sont membres du conseil école-collège, que le conseil des maîtres est "consulté par le directeur d’école en vue d’identifier les besoins de formation de l’équipe pédagogique et de proposer des actions de formation à l’inspecteur de l’éducation nationale chargé de la circonscription".
La présentation de ces projets de texte a provoqué une réaction intersyndicale. Les fédérations CGT, FO, FSU, SUD et le SNALC constatent que "la direction d’école est en crise depuis de nombreuses années" et que "les directrices et les directeurs d’école réclament des moyens supplémentaires : un temps de décharge suffisant, une simplification des tâches administratives souvent annoncée mais jamais réalisée, une revalorisation de leur rémunération (...), une formation continue à la hauteur des besoins et enfin, et peut-être surtout, la mise à disposition d’une aide administrative pour la direction et le fonctionnement de l’école", mais qu'ils et elles "ne revendiquent pas (...) l’autorité fonctionnelle" instaurée par la loi Rilhac.
Ces décrets "risquent d’engendrer de nouvelles missions et des pressions locales supplémentaires sur les directrices et les directeurs qui souhaitent (...) rester des pairs parmi les pairs".
La FNEC a publié sur son site (ici) un compte-rendu de son dialogue avec les représentants du ministère. La fédération FO de l'enseignement dénonce "un véritable flicage" des directeurs qui serait mis en place puisque ceux-ci "seraient évalués" tous les trois ou cinq ans et non pas, comme leurs collègues, en fonction des rendez-vous de carrière. Ils seraient "placés sur un siège éjectable" puisqu’ils pourraient "se voir retirer cet emploi par le DASEN, dans l’intérêt du service". Alors que l'autorité hiérarchique est actuellement assez éloignée de l'école, l'IEN ayant en règle générale plusieurs dizaines d'écoles dans sa circonscription, le ministère voudrait "mettre la pression" sur les directeurs "pour qu’ils appliquent les consignes" et jouent donc un rôle de "courroie de transmission" des politiques pédagogiques.