Protection de l'enfance: les enfants placés attendent de recevoir en partage des valeurs (recherche).
Paru dans Petite enfance, Justice le mardi 06 juillet 2010.
De quelle manière les aides à l'enfance sont-elles perçues par les premiers intéressés? Quelle place ont les enfants, en tant que sujets, dans ces dernières? Pierrine Robin (observatoire national de l'enfance en danger) a mené une recherche à partir d'entretiens avec 16 enfants et adolescents de 11 à 25 ans, pris en charge par la protection de l'enfance. Ce travail, commandité par le conseil général de la Drôme au CREI Rhône-Alpes, est donné en aperçu dans la revue des Cahiers dynamiques (numéro d'avril 2010).
La majorité des jeunes interrogés ont bénéficié d'aides multiples: conseil, thérapie familiale, aide éducative à domicile. Ils attribuent peu d'effets à l'aide éducative en milieu ouvert, souvent perçue comme "adressée à leur parent ou située du côté de parents", analyse P. Robin. Les échanges révèlent que le conseil et la thérapie familiale n'ont pas fait "sens" pour les jeunes. "Là encore, cette aide est perçue comme un soutien à leur parent dans lequel ils se sentent oubliés".
Selon l'enquête, les usagers mineurs portent un jugement négatif sur les aides antérieures au placement, "alors que tous s'accordent sur les bénéfices du placement". Pour certains, "le placement est apparu dès le début comme la meilleure solution"; pour les autres l'acceptation de la décision passe par une "maturation": "Certains précisent qu'une mesure d'aide éducative n'aurait pas été suffisante dans leur situation". Les enfants mettent en avant les bénéfices en terme de "confiance en soi" retrouvée, de responsabilisation et d'affirmation de soi.
La recherche fait le point sur la perception des différents lieux d'accueil par les jeunes, qui "peut aider les professionnels dans la construction de critères d'orientation". En foyer, les mineurs apprécient particulièrement le "cadre sécurisant", la "relation de confiance" avec les éducateurs, mais perçoivent négativement "l'absence de suivi", "d'intimité", le "contrôle". En famille d'accueil, ces éléments se retrouvent, mais sont également cités: "la réponse aux besoins affectifs" et "la transmission de valeurs et d'une spiritualité". Quand le passage en famille s'est mal passé, les jeunes l'attribuent à un "manque de collectif", et/ou à une difficulté "à se sentir chez soi" dans l'espace familial.
Quels que soient les lieux d'accueil, la principale attente vis à vis de la "figure éducative" est le suivi: "être présent pour eux dans le passé et dans le futur". L'"attachement", le lien affectif crée est présenté également comme central. L'enquête renseigne en outre sur une attente de transmission de valeurs et d'une spiritualité: "Les enfants et jeunes majeurs insistent sur la transmission de valeurs religieuses, alors que les professionnels jugent avec circonspection le rôle des lieux d'accueils dans ce domaine". "Deux univers de croyance s'entrechoquent", considère P. Robin, avec d'un côté des professionnels de la protection de l'enfance se "référant exclusivement aux parents biologiques", et de l'autre, des jeunes exprimant "la vision d'une famille plurielle et élective".
La recherche rappelle enfin que certaines initiatives ont vu le jour, afin de renforcer l'influence des jeunes dans les décisions et les situations les concernant, notamment le séminaire "Nice to meet you" (Bucarest) qui avait permis à des jeunes de 16 à 25 ans d'élaborer des "recommandations" concernant leur sortie des dispositifs.
Pierrine Robin, Mesures de protection de l'enfance, le point de vue des jeunes, Les Cahiers dynamiques, n°46, éditions érès, avril 2010.