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Et si la priorité restait l’école primaire ? (Daniel Bloch)

Paru dans Scolaire le jeudi 08 décembre 2022.

Après avoir proposé aux lecteurs de ToutEduc une série de tribunes sur l'enseignement professionnel et sa réforme, le recteur Daniel Bloch revient sur l'école primaire. Selon la formule traditionnelle, ses propos n'engagent que leur auteur.

Pap Ndiaye a affiché sa volonté de "s’attaquer" au Collège, qu’il qualifie d’ "homme malade du système". Son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, avait placé l’école primaire au premier rang de ses priorités. Il s’agissait de sa part d’un choix raisonnable compte tenu des insuffisances révélées notamment par les enquêtes internationales PIRLS et TIMSS, enquêtes situant notre pays, à cette étape de la scolarité, aux tous derniers rangs en Europe tant en mathématiques, en sciences qu’en lecture.

Cette priorité attribuée par le nouveau ministre au Collège présuppose une École remise en bon état de fonctionnement. Ce qui permettrait alors d’ouvrir, en cohérence, sur un socle solide, le chapitre consacré au Collège, celui de ce second quinquennat.

Examinons tout d’abord ce qu’a été la politique développée en faveur des classes en REP+, celles des Réseaux d’Éducation Prioritaire (REP), qui concentrent le plus de difficultés sociales. A priori, on ne pouvait qu’applaudir à la division par deux des effectifs des classes concernées. Les premières évaluations établissent pourtant que ces dédoublements ont certes produit un effet, mais de très faible ampleur : des résultats extrêmement décevants.

De fait la stratégie choisie avait peu de chances de donner les résultats conformes à ceux qui étaient supposés devoir être atteints. Tout d’abord elle ne prend en compte que moins du quart des élèves en grande difficulté, car la grande majorité de ceux-ci ne sont pas en REP+, mais présents, de façon diffuse, partout ailleurs. Et, inversement, tous les élèves en REP ne sont pas en grande difficulté. Une stratégie "plus d'enseignants que de classes" permettant de cibler prioritairement, et plus individuellement, les élèves en grande difficulté, pris alors en charge de façon spécifique, là où ils se trouvent, mais sur une partie seulement du temps scolaire, aurait été sans doute été plus efficace – à coûts identiques.

Aujourd’hui les enseignants des cours préparatoires peuvent prévoir la réussite ou l’échec de leurs élèves, pour les dix années qui suivent, avec moins de chances de se tromper qu’en ont les météorologues dans leurs prévisions météorologiques à dix jours. Inacceptable. Ainsi, rien ne justifie le calendrier de mise en œuvre de ces dédoublements, engagés au niveau du CP, avant de se poursuivre l’année suivante en CE1, pour s’appliquer, ensuite, en marche arrière, vers la grande section de maternelle. Il faudra attendre ainsi encore trois années pour pouvoir évaluer les effets cumulatifs espérés de ces dédoublements, pour des élèves qui en auront alors bénéficié trois années de suite, de la grande section au CE1. Plus important encore, il eût fallu engager ces dédoublements plus tôt, dès la moyenne section de maternelle, pour tendre à ce qu’au bout de trois années d’efforts continus, de l’entrée en moyenne section de maternelle jusqu’à la fin de cours préparatoire, tous les élèves aient atteint un niveau de compétences permettant de poursuivre sereinement leur scolarité.

Le Collège n’accentue pas l’échec scolaire, mais il ne parvient pas aujourd’hui à le réduire autant qu’il serait nécessaire. Si une action particulière doit être menée au niveau des Collèges, en ligne avec l’attention particulière qui leur est portée par Pap Ndiaye, celle-ci devrait être centrée, en priorité, sur les nombreux élèves qui aujourd’hui y accèdent sans avoir les moyens d’en tirer pleinement profit. Il est difficile, aujourd’hui pour le Collège, sur le court terme, de porter une autre grande ambition.

Jean-Michel Blanquer, en de nombreuses reprises, a présenté les réformes engagées sur le premier degré comme répondant aux analyses effectuées par des chercheurs. On ne peut qu’être étonné, à propos de la question de l’efficacité des dédoublements ou encore du choix des années-clés d’application de ces dédoublements, qu’il n’ait pas davantage pris en compte l’abondante littérature scientifique consacrée à ces deux thèmes, ou qu’il l’ait ignorée. Cinq années perdues.

 Bibliographie

James Heckman, Prix Nobel d’économie 2000. Démonstration des gains économiques engendrés par un investissement massif en petite enfance, particulièrement dans celui destiné aux enfants défavorisés de moins de cinq ans (ici)

Les recherches sur la réduction de la taille des classes : Janvier 2001 : Rapport établi à la demande du Haut Conseil de l'évaluation de l'école / Denis MEURET, Université de Bourgogne, IREDU - Détail (education.gouv.fr)

Daniel Bloch, École et démocratie. Pour remettre en route l’ascenseur économique et social, Presses universitaires de Grenoble, 2010.

Évaluation de l’impact de la réduction de la taille des classes de CP et CE1 en REP+ sur les résultats des élèves et les pratiques des enseignants, DEPP, 2021 (ici)

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