Assises des mathématiques : Un constat très sombre sur l'état de la discipline
Paru dans Scolaire le mardi 15 novembre 2022.
Aux assises des mathématiques, qui se tiennent à l'Unesco jusqu'à mercredi, les intervenants se sont succédé, hier 14 novembre pour décrire, comme le directeur du CNRS, une situation “préoccupante et même très préoccupante“ pour les mathématiques en France. Antoine Petit estime même que, malgré son excellence et sa place reconnue dans le monde, “si nous ne faisons rien elle va devenir catastrophique“.
Constat sévère
“Les résultats des élèves français dans les classements européens, Timm's, Pisa, considère-t-il encore pour l'enseignement primaire et secondaire, sont de plus en plus mauvais, ils deviennent même honteux“. C'est pourquoi il faut agir dès aujourd'hui car, poursuit-il, “si nous ne sensibilisons plus assez d'élèves, il sera trop tard“.
Antoine Petit entend profiter de ces assises à la fois pour “partager ce constat sévère“ et “réfléchir à comment sortir de cette spirale négative“. Sylvie Retailleau a souligné l'enjeu majeur des décennies qui viennent au regard de “l'impact croissant des mathématiques sur l'emploi comme sur le PIB“, indiquant la nécessité de “dédramatiser“ à tout niveau d'étude l'apprentissage des mathématiques.
Pap Ndiaye a également appelé à “déconstruire une représentation parfois trop élitiste“ des mathématiques, un de ses objectifs consistant à réconcilier les élèves avec la discipline, l'autre de hausser le niveau. Le ministre de l'éducation assure savoir “que le niveau mathématiques moyen de nos élèves n'est pas satisfaisant“, avec 25 % des élèves qui n'ont pas le niveau attendu à l'issue de la classe de 3ème, un chiffre qui monte à 70 % d'élèves qui ont un niveau trop faible en maths pour ceux qui s'orientent vers un lycée professionnel.
“C'est que tout commence à l'école“, assure-t-il, rappelant le besoin “essentiel d'avoir un bagage mathématiques suffisant dans sa vie adulte“, avant de détailler les mesures annoncées la veille.
Au collège par exemple, il a mis en avant des groupes à effectifs réduits dès la 6ème pour consolider les connaissances fondamentales, ou encore l'importance des “clubs de maths“, estimant que “c'est en jouant collectivement que l'on apprend à résonner et que nous prenons du plaisir“. Invité à présenter ses travaux, le récent lauréat de la médaille Fields Hugo Duminil-Copin s'est dit “très heureux que le ministre veuille aider ce genre de médiation“.
Filles
“L'avenir de l'excellence française en mathématiques c'est largement du côté des filles qu'il se trouve“, a surtout assuré Pap Ndiaye, avec un objectif de parité, 50 % de filles dans les spécialités du lycée général à la fin du quinquennat sans utiliser “le levier des quotas“ mais au contraire par un travail sur les vocations (notamment grâce à des associations) et la lutte contre les stéréotypes dès la maternelle.
Pour ce faire, est mis en avant le rôle des professeurs et des chefs d'établissement. Alors qu' “il suffirait de convaincre quatre filles supplémentaires par lycée pour atteindre la parité en maths expertes“, le ministre de l'Education souhaite qu'un objectif cible soit fixé par chaque proviseur à son rectorat.
Besoins et évaluations
Les nouveaux besoins en enseignement de mathématiques étaient le thème d'une table ronde clôturant la journée, durant laquelle Louise Nyssen (U. de Montpellier) s'est faite l'écho du “décalage entre les intentions de l'institution et ce qui se passe sur le terrain“. L'annonce des 1h30 dans le tronc commun est selon elle positive, “maintenant se pose tout un tas de questions sur la mise en œuvre“, du fait notamment qu' “il faut associer tous ces acteurs pour que cette partie-là soit réussie“.
“Les maths ne sont pas exempts des règles de l'organisation“ a par la suite expliqué Charles Torossian. Se pose la question du contenant, l'établissement scolaire avec des questions de gouvernance, de formation, “pas uniquement de programmes“.
Viennent alors les sujets de l'accompagnement pédagogique des chefs d'établissements, du travail des professeurs “ensemble“, comment incarner et porter cette théorie du changement alors que “c'est souvent mal compris, mal expliqué“.
D'ailleurs, pour le directeur de l'IH2EF, “cela fait depuis 2015 que les politiques publiques sont en action au MEN“, et si “à chaque fois il faut remettre du carburant dans la machine pour ne pas qu'elle s'épuise (…) il ne faut pas dire que nous ne faisons rien, nous agissons et nous avons des résultats.“
Thomas Renault du Conseil d'Analyse Economique a présenté une étude sur les résultats d'évaluation (toujours PISA et TIMM'S) en rapport avec la productivité, et “ce qui est ressorti du constat c'est qu'il y a une baisse dans le niveau des tests, et une baisse relativement aux autres pays“. De plus, un résultat un peu moins vu dans le débat public montre une baisse du niveau des Français (même si moins marqué) dans le décile supérieur.
Cependant, Antoine Bodin invite à “relativiser“ les résultats de tests comme PISA, “les replacer dans l'histoire, ne pas les lire comme des absolus“. Il considère qu'on les regarde avec des échelles qui ne sont pas comparables, que les comportements de réponse des japonais ne sont pas les mêmes qu'en France, et que d'autres éléments mériteraient d'être évalués, comme la créativité.
Le site des Assises des méthématiques ici