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Redoublement: Pourquoi les réformes ont-elles peu d'effets sur les pratiques en classe? (recherche)

Paru dans Scolaire le vendredi 02 juillet 2010.

"Un des reproches centraux des enseignants à l’égard des réformes de lutte contre les
redoublements est celui de la difficulté à mettre en oeuvre leurs prescriptions, voire de
l’impossibilité de le faire". Sabine Kahn (Université Libre de Bruxelles) souligne, dans un article publié dans la revue Recherches en éducation (juin 2010), que si les recherches sur le redoublement se sont traduites dans le champ politique en injonctions aux enseignants, "prenant souvent la forme de dispositifs à appliquer par ces derniers", il n’y a jamais d’application "stricto sensu" de ces réformes par les enseignants "mais aménagements des dispositifs" pour les adapter aux contraintes de la pratique enseignante, aménagements "parfois et même souvent contre-productifs" par rapport aux intentions initiales des réformes.

En Belgique (Communauté française) et en France, deux ministres socialistes de
l’éducation, respectivement Elio di Rupo, en 1994, et Lionel Jospin, en 1989, ont participé à la mise en place dans leur pays respectif de politiques de lutte contre le redoublement. Or, Sabine Kahn souligne que le redoublement est toujours une pratique courante en France et en Belgique.

Les enseignants se seraient emparé de certains traits de la réforme des cycles censée limiter drastiquement le recours au redoublement, sans les "charger" de ce qui pouvait les rendre intéressants en termes d’apprentissages et de réussite pour tous. Les moments de décloisonnements sont "souvent réservés aux disciplines les moins valorisées dans le monde scolaire", les classes multi-degrés sont liées à des questions d’effectifs d’élèves dans l’école et "non à des choix pédagogiques", le "choix" de suivre la classe pendant la durée du cycle (cas fréquent en Belgique) est "une imposition de la hiérarchie", note S. kahn.

D'autres limites à l'aplication de la réforme apparaisent nettement pour la chercheuse: Un enseignant "ne souhaite pas recevoir dans sa classe un élève qui aurait des lacunes", et "redoute d’envoyer dans la classe de son collègue un élève qui n’aurait 'pas le niveau'". Le redoublement peut apparaitre en outre comme une pratique de lutte contre l’hétérogénéité et "contre le désordre potentiel qu’elle comporte". L'une des caractéristique du métier d'enseignant est d'intervenir devant un groupe d'élèves qui soit homogène. "Tous les enseignants ont été formés et fonctionnent dans cette forme qui s’impose à eux comme une évidence. Il faut toute la force d’un positionnement militant pour s’arracher à cette manière de faire et de penser".

"La méconnaissance ou le peu de prise en compte des contraintes de la pratique enseignante et des problèmes qu’elle pose, a mis à mal une réforme qui visait la limitation drastique des redoublements (et de lutte contre l’échec scolaire)" estime Sabine Kahn, qui rappelle par ailleurs que pour qu'une réforme s'impose, les enseignants doivent pouvoir la traduire "de telle façon qu’ils trouvent leur intérêt à sa mise en oeuvre." Or, aucun des textes ne désigne aux enseignants des voies possibles pour faire tenir ensemble les exigences des réformes (respect des rythmes des élèves, mais absence de redoublement, par exemple). Les gestes qui permettraient de réduire les contradictions des réformes et qui leur assureraient le succès "sont laissés à l’initiative et à l’invention des seuls enseignants". La recherche interroge au final les limites des relations entre savoirs issus de la recherche, savoirs issus de l'expérience des enseignants, et décisions des acteurs politiques. "Dans cette rhétorique à laquelle les statistiques confèrent une apparente neutralité, la figure du praticien disparaît". Elle pointe les impasses d'une recherche menée "sur" les enseignants plus qu'"avec" les enseignants, alimentant la défiance des praticiens vis à vis des chercheurs perçus comme éloignés de la réalité des classes, et vis à vis des recherches reprises par les intsitutions et se traduisant par des "injonctions surplombantes".

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