Un film grand public peut-il rendre compte de la réalité de l'école ?
Paru dans Scolaire, Culture le jeudi 28 juillet 2022.
Comment raconter l'école dans un film grand public ? Deux films qui traitent d'éducation, “La cour des miracles“ d'Hakim Zouhani et Carine May "en salles le 28 septembre) ainsi que “L'école est à nous“ d'Alexandre Castagnetti (en salles le 26 octobre) nous amènent à poser la question. Ces deux long métrages parviennent à aborder quantité de sujets de fond propres à l'éducation, et ils s'inscrivent (parfois un peu, parfois beaucoup) dans la réalité contemporaine des sujets de société ayant trait à et par l'école. Il y est donc question de pédagogie, celle de la “liberté“ dans “L'école est à nous“ et celle de la nature dans “La cour des miracles“. Une pédagogie pratique dans et hors la classe, avec la vision politique qu'elle sous-tend et donc les choix de société dans ce qu'elle reflète du positionnement de leurs auteurs.
Les personnages donnent à réfléchir par leur position dans l'institution (la maîtresse de “l'Ecole est à nous“ revient après deux ans d'absence, son vécu l'a rendue hypersensible voire borderline), mais également par leur parcours ou même leur absence (dans “La cour des miracles“ les enfants sont moins visibles que le système, la machine Education nationale qui apparaît comme facteur de dysfonctionnement). Cependant, la construction narrative fait disparaître cette matière féconde par la création artificielle d'une fiction. Pour faire avancer l'histoire, telle les bulles d'une BD, les auteurs doivent créer du drôle, inventer des situations d'humour et d'aventures où l'esprit d'équipe amène de “petites victoires“. “L'école est à nous“ en use et en abuse jusqu'à ne voir en ces questionnements initiaux que de simples prétextes destinés à disparaître dans la satisfaction finale du spectateur-consommateur pour qui l'échec ne peut être la réalité qui s'impose derrière les bons sentiments imposés par l'exercice de la “comédie“.
Paradoxalement “La cour des Miracles“ malgré quelques grosses ficelles se finit mal, et le film montre une société qui cède face aux injonctions de la loi du plus fort, du chacun pour soi sans pour autant voir l'école renoncer complètement au combat contre les inégalités qu'elle mène de l'intérieur, à savoir éduquer ses élèves quels qu'ils soient. C'est peut-être même à une redéfinition de ce combat dont il s'agirait alors, mais cette réflexion a-t-elle besoin de passer par l'humour scénarisé, situations excentriques et personnages aux traits caricaturalement opposés ? Le grand public ne doit-il voir des sujets passionnants uniquement au prisme d'une comédie rapide et en manque de finesse ?
Le dossier de presse de “La cour des miracles“ ici, celui de “L'école est à nous“ ici.