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Liberté pédagogique : controverse sur les limites d'un principe intangible

Paru dans Scolaire le lundi 04 juillet 2022.

L'éditorial de la dernière "lettre" de la direction des affaires juridiques de l'Education nationale suscite la polémique. Guillaume Odinet s'y appuie sur une décision du Conseil d'Etat (voir ToutEduc ici) pour relativiser la portée du principe de "liberté pédagogique". Les magistrats avaient estimé que cette libertés ne faisait pas obstacle à ce que le ministre "modifie les modalités d’évaluation des candidats au baccalauréat. Le directeur de la DAJ rappelle que le code de l'éducation précise déjà que "cette liberté s’exerce dans le respect des programmes et des instructions du ministre d’une part, dans le cadre du projet d’école ou d’établissement d’autre part. Il en conclut qu'elle "n’est pas un principe de limitation des pouvoirs du ministre en matière pédagogique", même si "le cœur de la mission (des enseignants) repose sur des choix individuels". Il commente : "rares sont les fonctionnaires à disposer, pour l’exercice de leurs fonctions, d’une telle liberté ; et rares sont ainsi les ministères dont l’action repose de manière aussi forte et aussi irréductible sur des choix individuels effectués au plus près de l’usager."

Paul Devin, président de l'Institut de recherche de la FSU, estime sur son blog que l'interprétation du DAJ est "tendancieuse". Il revient sur les débats parlementaires qui ont précédé le vote de la loi de 2005. François Fillon, alors ministre de l'Education nationale" avait notamment déclaré : "l'enseignant est considéré comme un maître, dont la compétence, fondée sur la maîtrise des savoirs à enseigner, s'étend naturellement à la manière de les enseigner", et la liberté pédagogique "n'a de sens qu'appliquée individuellement". Certes le Conseil d'Etat "confirme le pouvoir ministériel de réglementation des modalités d’évaluation du baccalauréat", mais on ne peut "en conclure un pouvoir illimité du ministre en matière de pédagogie". C'est ainsi que le "Guide orange" de Jean-Michel Blanquer sur la bonne méthode pour l'apprentissage de la lecture (que Paul Devin cite implicitement) n'avait "valeur (que) de recommandation, de conseil, de suggestion". Le ministre détermine des priorités, fixe des objectifs, définit des programmes, mais "le choix des méthodes relèvent de l’exercice des compétences professionnelles".

Dans sa décision, le Conseil d'Etat rappelle les dispositions de l'article L. 912-1-1 du code de l'éducation relatives à la liberté pédagogique, lesquelles "ne font pas obstacle (...) à ce que le ministre (...) modifie les modalités d'évaluation des candidats au baccalauréat", quand bien même "elles dénatureraient la relation pédagogique entre les enseignants et leurs élèves ainsi que l'objet de l'évaluation des élèves". Il rappelle que le Conseil constitutionnel avait alors considéré que "l'utilisation de dispositifs d'harmonisation entre établissements" permet de "s'assurer de l'absence de discordances" entre les notes de contrôle continu.

A noter que ce principe a d'abord été mis en avant par les "conservateurs" au plan pédagogique lorsqu'ils craignaient de se voir imposer des méthodes "actives" (ce qui n'a jamais été le cas, même si la hiérarchie intermédiaire a pu, ici ou là peser en ce sens). Cette liberté a été consacrée comme un principe intangible, mais dans un cadre donné par la "loi Fillon". Les "pédagogues" l'ont à leur tour revendiquée lorsqu'ils ont estimé qu'elle était menacée par les conceptions pédagogiques de J-M Blanquer.

La décision du Conseil d'Etat ici, la lettre de la DAJ ici, le blog de Paul Devin ici

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