Quelle valeur ajoutée pour les maisons d'assistant.e.s maternel.le.s ? (étude publiée par la CNAF)
Paru dans Petite enfance le jeudi 02 juin 2022.
"Depuis leur création en 2010, les Mam (maisons d'assitant.e.s maternel.le.s) suscitent beaucoup d’interrogations sur leur place dans le paysage des modes d’accueil du jeune enfant", constate la CNAF qui publie une enquête qualitaitive assez consistante (160 pages et une quarantaine de pages d'annexes) sur ces lieux "dans lesquels les assistantes maternelles accueillent en dehors de leur domicile les jeunes enfants qui leur sont confiés". Cette organisation collective dans un lieu aménagé spécifiquement "rend visible leur travail, et notamment son volet éducatif et pédagogique auprès des parents". En effet, ce mode d'accueil "semi-collectif" combine les avantages de la crèche, "permettant à leur enfant de s’ouvrir aux autres, tout en bénéficiant d’un accueil individualisé sécurisant du fait de sa petite taille", 16 enfants maximum.
Elles ont d'ailleurs un vif succès puisque, depuis leur institutionnalisation par la loi de 2010, le nombre de MAM est passé d'un peu plus de 500 en 2012 à près de 3500 en 2019. Elles permettent de rompre l'isolement des assistant.e.s maternel.le.s, de "différencier le cadre domestique et le cadre professionnel", mais aussi de lutter contre la sous‐activité, de trouver "une nouvelle dynamique et émulation liée au travail en équipe", de se protéger des "craintes croissantes liées au métier", notamment les accusations de pédophilie ou de maltraitance. Les parents évoquent "leur souplesse, notamment au niveau des horaires atypiques", et la socialisation de l’enfant plus importante.
Des débats, parfois des conflits
"Pour autant, cette 'souplesse' des MAM fait l’objet de débats (...) : s’agirait‐il d’un mode d’accueil collectif de moindre qualité, ou du moins, moins exigeant en regard de la qualification et de la formation réduite des professionnelles" ? D'autre part, en leur sein même, ces organisations collectives ne sont pas exemptes de débats, voire de conflits au point que les assistant.e.s maternel.les peuvent se séparer. L'étude, qualitative, rapporte ainsi le témoignage d'un assistant maternel à propos d’un grand toboggan. Les deux autres AM aimeraient s’en débarrasser : "J’sais qu’les filles, le toboggan..., elles en peuvent plus, si j’les écoutais il serait déjà parti, mais non... J’veux pas dire que c’est la pièce moteur de la Mam mais... y a beaucoup de choses qui se passent autour du toboggan, y a des histoires qui se font en dessous, y a des copains qui sont obligés d’attendre que les autres descendent... c’est les règles, y a la découverte... partir un p’tit peu à grimper là‐haut... Voilà c’est plein plein de choses qui se passent autour de ça, mais c’est pas toujours simple à gérer." Et les auteures de l'étude confirment l’intérêt des enfants pour ce toboggan "à la fois pour glisser et pour jouer en dessous".
D'ailleurs, les AM de maisons d'assitant.e.s maternel.le.s, les "mameuses", "ne seraient par n’importe quelles AM (...). Intégrer une Mam, ça demande aussi de la remise en question pour pouvoir confronter ses pratiques professionnelles avec d’autres". Et cela ne va pas toujours dans difficultés : "Une communauté d’égaux est‐elle possible quand ses membres sont différents ?", demandait déjà le phillosophe Jacques Rancière. Et les auteures de se demander si ces maisons n'auraient pas "à nous apprendre de nouvelles modalités de coordination des pratiques professionnelles dans un cadre collégial".
L'étude "Les maisons d’assistantes maternelles : des pratiques professionnelles hybrides entre accueils individuel et collectif" du laboratoire Experice (Sorbonne Université Paris Nord) menée par Pascale Garnier, Catherine Bouve et Martine Janner Raimond est disponible ici