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Cités éducatives, un “dispositif de plus, bientôt remplacé par un autre“ ? (INJEP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 18 mai 2022.

L'INJEP est chargée de l'évaluation nationale des cités éducatives dont le rapport paraîtra mi-2023 à l’issue de trois années de mise en œuvre des 80 premières cités éducatives retenues dans le cadre de ce dispositif. Elle livre les premiers enseignements de son étude qualitative conduite par trois équipes d'évaluation (agences Jeudevi, Phare, et Pluricité) et qui portait sur l'appropriation du programme en matière de continuité éducative, d'orientation-insertion et de place des familles (enquête que ToutEduc présentait en décembre, voir ici). Chaque équipe d’évaluation mène ses travaux auprès de cinq cités volontaires labellisées en 2019.

Sous la plume de Tana Stromboni et Romane Urbano, l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire explique que les cités éducatives “reposent sur le renforcement d’une communauté éducative“, qu'elles “visent à intensifier les prises en charge éducatives des enfants et des jeunes, de la naissance à l’insertion professionnelle, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire“, c'est à dire “assurer des parcours sociaux et éducatifs cohérents en favorisant la continuité entre les acteurs, les espaces et les temps scolaires et périscolaires.“ L’enveloppe moyenne de financement attribuée par l'État est d'un million d'euros pour 3 ans.

Sont rappelées les problématiques de ces territoires, “stigmatisation et absence de mixité sociale des quartiers et des établissements scolaires, frontière importante entre éducation nationale et politiques éducatives locales et difficulté à mobiliser les parents.“

L'INJEP explique que “le parti pris stratégique du programme est celui de la gouvernance et de la mise en place d’un cadre organisationnel susceptible de produire une transformation des pratiques“, et que ces principaux outils sont “un pilotage tripartite (collectivité, État, éducation nationale), une coordination dédiée et une évaluation réflexive à conduire au fil de l’eau".

Les cités éducatives ont notamment pour objectif “de favoriser la construction de politiques locales adaptées au territoire, selon une logique bottom up (du bas vers le haut).“ Cependant, “plusieurs acteurs locaux ont appelé à clarifier les attentes et priorités nationales“, en raison d'un certain “flou conceptuel“ qu'entraînerait la dimension expérimentale du programme.

Ainsi, “le caractère globalisant du programme, touchant de nombreuses dimensions, associé à des définitions et des objectifs larges, sans prioriser d’attentes spécifiques au niveau national, peuvent inquiéter certains territoires qui ne savent plus sur quelles dimensions travailler au risque de s’éparpiller“, tandis que “la dimension expérimentale, appelant les cités à s’approprier les axes nationaux en les adaptant à leur contexte local, n’a pas toujours été bien saisie par les territoires, qui craignent de ne pas répondre à toutes les attentes nationales et ne s’autorisent pas toujours à prioriser les actions en fonction des ressources et du contexte local'.

Premier élément étudié, la continuité éducative décrite comme “une notion complexe appréhendée de manière incomplète“. Et bien qu'elle soit un des “objectifs centraux“ du programme et des cités au niveau local, “elle ne fait que peu l’objet d’une définition approfondie par les territoires“, aussi “des écarts dans la conception de la notion persistent entre acteurs, notamment concernant la place à donner aux référentiels scolaires.“

L'INJEP s'intéresse également aux partenariats, pour lesquels “l’Education nationale est l’acteur le plus impliqué“ avec une présence “dans 60 % des actions analysées“, suivie par les collectivités et les associations qui sont impliquées dans la moitié des actions. En revanche, les actions qui impliquent conjointement Education nationale, collectivités locales et secteur associatif sont “moins fréquentes“ et la “vocation des cités éducatives à faire travailler ensemble des acteurs éducatifs variés est donc plus ou moins respectée selon les territoires“.

Deuxième item de l'enquête, l'orientation-insertion. Il apparaît que 12 % des actions relèvent de l’orientation, de la formation ou de l’insertion, avec d’importantes disparités selon les cités. "L’orientation fait davantage l’objet de développements, parfois au détriment des actions visant l’insertion et surtout la formation.“ Autres écueils listés, la lutte contre le décrochage scolaire et le public ‘décrocheur‘ qui “ne font pas forcément l'objet d'actions à part entière“, les actions de repérage des jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET ) qui sont “très réduites“. Enfin, “si de nouveaux partenaires peuvent émerger sous l’impulsion des cités, ces dernières mobilisent avant tout des partenariats préexistants.“

Concernant la place des familles, il est souligné que les différents acteurs éducatifs “arborent des positions différentes autour de la place à donner aux parents ou le type d’actions à développer à leur égard“ et que “si la relation aux parents et aux familles est souvent mentionnée dans les axes stratégiques, la part d’actions qui leur est réservée reste finalement limitée et surtout très variable d’une cité à l’autre". En moyenne, ce sont d'ailleurs 17 % des actions recensées qui mentionnent les parents ou les familles dans leurs publics cibles.

Le rapport constate en outre une appropriation partielle et inégale des enjeux du programme. Ainsi, “si les ambitions du programme sont parfois mieux appropriées au niveau institutionnel, le programme parait souvent avant tout technique (et chronophage) pour les acteurs agissant à un niveau plus opérationnel, et il reste difficilement appréhendable pour les habitants.“

De même, “pour une part non négligeable de cités, le manque de perspectives à long terme associé au manque de moyens humains pour engager une démarche de fond limite le programme au rôle de levier financier. Il est perçu comme un ‘dispositif de plus‘, bientôt remplacé par un autre. Pour ces cités, les actions sont développées sans cohérence et peuvent demeurer cloisonnées et circonscrites à un établissement.

L'INJEP constate encore “des compromis plus que des consensus et des approches sectorielles encore bien présentes“. Il indique que “des approches territoriales visant la continuité éducative et le renouvellement de la place des familles n’ont pas encore été constituées“ et que “les acteurs ne s’accordent pas toujours sur les publics à cibler, les actions à développer, voire les objectifs à poursuivre.“

Est enfin décrite la perception redondante, dans le discours des acteurs d'une “juxtaposition d’approches sectorielles antérieures aux cités, principalement structurées par les enjeux et objectifs propres à chacune des institutions. Dans ce contexte, plus que des consensus, on observe principalement des compromis, voire des ‘cohabitations d’approches‘ qui peuvent parfois entrer en tension.“

De plus, “la diversité et le manque de cohérence des actions développées par une partie des cités éducatives interrogent sur le niveau d’appropriation de la philosophie du programme dans plusieurs territoires“ considère l'institut qui craint que la diversité “soit également le reflet d’une dilution des ambitions nationales“, surtout dans certains territoires “où les actions d’ordre procédural et les postes visant à la coordination sont particulièrement réduits.“

En conséquence, “une partie des cités s’éloigne de l’esprit du programme, qui est avant tout de proposer de nouvelles démarches de travail plus concertées et participatives et non pas de multiplier des actions à destination des bénéficiaires sans réelle coconstruction.“

Le rapport ici

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