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La Mission laïque française fête ses 120 ans, dans un contexte mouvant qui l'oblige à évoluer

Paru dans Scolaire le lundi 09 mai 2022.

La mission laïque française fête à Rabat son 120ème anniversaire, en même temps que le 25ème anniversaire de l’OSUI* (la forme qu’a adoptée la MLF au Maroc). Chef.fe.s d’établissement et enseignant.e.s, ils viennent de Casablanca, Lomé, Londres, Florence, Austin ou Los Angeles, 37 pays en tout, avec d’autant plus d’émotion que ce temps annuel de retrouvailles a été annulé en 2020 et 2021, pandémie oblige et que ce moment était très attendu. C’est que, comme nous le confie Claude Ronxin, qui a créé une école MLF au Maroc, cette association "a une âme", "un état d’esprit particulier", et l’une de ses collègues, venue de Murcie, ajoute, "pour nous, les congrès sont importants, c’est là qu’on se rend compte qu’on fait partie d’un réseau".

C’est le 6 juin 1902 que Pierre Deschamps réunissait au Liban le congrès fondateur de la "mission laïque française" et en définissait les valeurs en des termes qui n’ont plus cours aujourd’hui mais dont l’esprit reste d’actualité, fait remarquer François Perret, le président de la MLF : "amener les indigènes à se perfectionner eux-mêmes." Et alors que triomphait le colonialisme, il militait pour le respect de la liberté de conscience, pour le développement de l’esprit critique, pour un enseignement "scientifique et rationnel". Cette position, qui allait à l’encontre de l’esprit du temps, se retrouve aujourd’hui dans le positionnement de la mission que le diplomate Yves Saint-Geours invite la France à conserver, "répéter sans cesse nos valeurs, laïcité, parité, universalisme", mais "un universalisme qui n'écrase pas, qui ne se présente pas comme un modèle", qui est "compréhension du monde".

De la réponse à la demande...

C’est justement ce que demandent, de plus en plus, les familles. Marc Mino-Matot est chargé du développement du Cours Lumière à Lomé. L’établissement s’adresse à des parents qui veulent que leurs enfants soient éduqués dans la culture française, mais sans renier la culture togolaise, ils attendent des enseignants qu’ils fassent dialoguer les deux cultures. Or cela n’a rien d’évident. Comme le fait remarquer Jean-Martial Kouamé (université d’Abidjan), les enseignants ont tendance à penser le français de France comme une évidence. Or beaucoup de leurs élèves parlent au Cameroun le "camfranglais", le "nouchi" en Côte d’Ivoire, le "tolibangando" au Gabon… Même s’ils ont appris avec leurs parents, même si c’est une des langues officielles du pays, le français s’hybride avec la langue locale, trouve des mélodies nouvelles, ajoute une voyelle quand la suite des consonnes heurte leurs habitudes phonétiques, utilise des phonèmes qui n’existent pas en français, c’est la construction de la phrase qui change, le sens des mots… Et si l’enseignant ne prend pas garde à la distance entre la langue de ses élèves et "la langue de l’école", il les perd, d'abord parce qu'ils ne suivent pas en classe, puis parce qu'ils quittent l'école.

C’est que chaque établissement, même s’il a un statut associatif, est comme une entreprise qui doit équilibrer ses comptes, répondre à une demande lors de sa création et continuer d’y répondre alors qu’elle change. J-C Deberre ne cache d’ailleurs pas ses inquiétudes, les établissements perdent des élèves de maternelle, et il met en garde son auditoire : "ceux que vous perdez à ce niveau, vous ne les retrouvez jamais." Or dans certains pays, l’offre est aujourd'hui supérieure à la demande, les créations d'établissement internationaux se multiplient, alors que les expatriés emmènent de moins en moins souvent leur famille avec eux. Certains peuvent alterner, deux semaines sur place, deux semaines chez eux en télétravail. Les entreprises prennent de moins en moins souvent en charge les frais d'écolage des enfants et s'ils sont sur place, ils s'interrogent, est-ce vraiment nécessaire de les scolariser dès la maternelle ? Surtout dans des pays comme l'Espagne, où le système scolaire public a beaucoup progressé.

... à une politique de l'offre

C'est que les frais de scolarisation sont élevés dans des établissements qui, contrairement à ceux de l'AEFE, ne touchent pas de subventions, et qui s'adressent davantage aux élites locales qu'aux Français de l'étranger. On savait déjà que l'éducation est un marché, mais la tendance s'accélère. "Pour les établissements anglo-saxons, il est depuis longtemps tout à fait normal de faire du marketing, d'aller chercher les clients en mettant en avant ce qui les différencie", note Jean-Marc Merriaux. Pour son prédécesseur à la direction générale, Jean-Christophe Deberre, "le vrai sujet", ce qui peut faire la différence, c’est l’enseignement des langues, au Maroc par exemple, où les élèves devraient maîtriser à la fin de leur cursus l’arabe, l’amazigh, le français, l’espagnol et l’anglais.

La mission est donc amenée à évoluer, d’autant que le "bac français international" représente "une opportunité", ouvre des "perspectives nouvelles". Un tel objectif suppose des moyens de formation, d’où l’ouverture de deux CDP (centres de développement professionnel) à Abidjan et Rabat, notamment pour les "contrats locaux". Le pourcentage d’enseignants détachés par le ministère de l’Education nationale est en effet faible, 20 % environ, et il fallait permettre aux enseignants recrutés sur place d’obtenir un master reconnu internationalement, précise François Clauzel (directeur du CDP d’Abidjan) qui a contracté avec l’INSPE de Caen, l’UPEC (Créteil) et l’université de Laval (Québec)... Et des discussions sont en cours avec les autorités locales pour ouvrir ces formations à des étudiants des pays du Golfe de Guinée, et en faire un "outil de coopération". Pour François Perret, la MLF qu'il préside est "obligée de mieux définir sa place", et si chaque établissement doit avoir les moyens de s'adapter à des contextes changeants, "l'objectif commun doit être la qualité de l'enseignement".

* Office scolaire universitaire et international

Au total, la MLF rassemble 108 écoles, collèges, lycées, 15 écoles d'entreprise, plus de 61 000 élèves dans 37 pays.

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