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Dérives communautaristes dans les domaines Jeunesse et Sports : ce sont surtout les compétences qui font défaut (Inspection générale)

Paru dans Périscolaire le vendredi 29 avril 2022.

"La croissance progressive, même si elle reste faible en valeur absolue, de l’instruction à domicile et des écoles privées, et le lent développement des dérives communautaristes dans le monde du sport, de la jeunesse et de l’éducation populaire interrogent les membres de la mission sur la capacité de la jeunesse de notre pays à faire nation", estime l'IGESR dans un rapport sur "les phénomènes de communautarisme au sein des associations sportives et de jeunesse, dans les accueils collectifs de mineurs ou les autres structures d’accueil de jeunes". Ce rapport de l'Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche vient d'être publié, mais il date de juillet 2021, c'est à dire qu'il est contemporain de la loi "respect des principes de la République".

La mission note que c'est "en lien avec l’islam, et souvent avec un islam politique, que la mission a recensé les principaux phénomènes de communautarisme, en nombre limité et à l’intensité variable, mais parfois préoccupants, tandis que les alertes en lien avec des catholiques intégristes, juifs ultra-orthodoxes ou protestants évangéliques, sont plus rares". Elle évoque également "certaines communautés (notamment turques et tchétchènes)". Elle distingue les "comportements ou demandes alimentaires et vestimentaires, le plus souvent d’origine individuelle, (qui) sont autorisés dans le cadre législatif et règlementaire actuel" mais qui peuvent provoquer des tensions, comme le refus de la douche, les "prières discrètes", le "port du voile à l’entrainement et parfois en compétition", et "d’autres demandes et comportements, plus souvent collectifs" qui sont "relativement moins fréquents mais plus problématiques", qu'il s'agisse du refus de laisser les filles participer aux activités, des prières collectives dans les vestiaires... Elle évoque "de rares cas" d’entrisme dans des clubs, associations ou centres sociaux, "ainsi que l’existence de clubs partiellement ou totalement communautaires, le plus souvent masculins".

Certains associations de scoutisme sont visées : "Le site internet des scouts unitaires de France indique qu’un jeune ne peut prononcer sa promesse que s’il chemine vers le baptême." De même, l’association des guides et scouts d’Europe inscrit "le parcours chrétien des enfants au sein de fiches de liaison".

Les 98 fédérations sportives unisport "sont fondées sur leur technicité sportive", et "leur neutralité politique et religieuse est d’autant plus affirmée qu’elle concourt à renforcer leur légitimité disciplinaire". En revanche, parmi les 25 fédérations multisports, une vingtaine sont "affinitaires" et certaines "ont pour origine des préoccupations politiques, syndicales ou religieuse". La mission n’a toutefois "pas relevé d’éléments objectifs" qui permettraient de distinguer des fédérations sportives qui seraient "plus vulnérables aux dérives communautaristes". Mais "un nombre toujours croissant de personnes, de groupes constitués, voire de structures associatives socio-sportives ou socio-culturelles ne voient pas ou plus l’intérêt d’adhérer à une fédération (...). Cette tendance (...) s’est accrue avec le développement de nouvelles pratiques sportives." La mission cite "la musculation, le fitness, le paintball, l’airsoft, ainsi que tous les types d’entrainement à caractère paramilitaire", des pratiques moins "instituées" qui peuvent "accueillir des groupes communautaires" et qui ont pu "figurer dans le parcours de nombreux jeunes radicalisés".

La mission considère que "le sport semble jouer, sur le long terme, un rôle fort dans le processus d’intégration au sein de la société française" et elle souligne que "la grande majorité de ces clubs n’ont jamais posé de problèmes". Mais elle évoque la "pression croissante d’un islam militant" dans les "quartiers populaires" ainsi que "l’activité de structures communautaires 'multiservices', de nature associative ou pas, proposant différentes activités, souvent liées à des structures culturelles voire cultuelles (...) qui proposent une offre d’activités diverses assez larges. Parmi celles-ci figurent l’instruction religieuse ou l’apprentissage de la langue arabe (...) l’aide aux devoirs, des activités sportives et culturelles, voire de courts séjours permettant aux organisateurs de se soustraire à la réglementation en matière d’accueils collectifs de mineurs avec même parfois, comme dans les Hauts-de-France, des personnels de l’éducation nationale intervenant à titre bénévole (dans une perspective de prolongement social de leur mission d’enseignant ou dans une optique plus communautaire, si ce n’est communautariste), ce qui n’est pas, selon la mission, sans poser problème : comment une famille pourrait-elle refuser d’offrir à son enfant 'le meilleur', puisque tout y ressemble à l’école, qu’il s’agisse de la salle de classe, des outils pédagogiques, voire des encadrants ?"

Mais à l'inverse, quand un centre social propose une offre attractive d'activité ou de voyage, seul les parents du "noyau dur" refusent que leurs enfants se mélangent aux autres. Encore faut-il "que la structure sportive, d’éducation populaire, ou d’animation jeunesse (club, centre social, MJC, association culturelle ou d’aide aux devoirs, etc.) dispose d’un projet éducatif, voire pédagogique, fortement ancré dans les principes républicains, alliant émancipation, épanouissement individuel et volonté de vivre et de faire ensemble, combinant souci de mobilité et désir de mixité (sociale et de genre)."

Dès lors, la mission s'interroge sur l'action des services déconcentrés chargés de la jeunesse, de l’engagement et des sports. "D’un côté, l’engagement professionnel des personnels concernés semble intact, mais de l’autre, il ressort clairement un problème d’adéquation entre des moyens humains, d’information et de contrôle en baisse, et des missions qui se sont alourdies et même complexifiées." Les interlocuteurs de la mission évoquent "la baisse des effectifs et la perte de la capacité d’intervention et de l’expertise de ces services du fait de la diminution des agents titulaires". S'y ajoute le fait que "les politiques en matière de sport, jeunesse et éducation populaire relèvent, de plus en plus, de compétences partagées entre les services de l’État et les différents niveaux de collectivités territoriales, sans oublier les CAF (...). Une étude de l’INJEP (...) montre que les régions se sont emparé de manière variable de leurs nouvelles compétences en matière de jeunesse (...). Les mêmes remarques pourraient être formulées en matière de politique de la ville." Il faut aussi compter, au niveau municipal, avec "la volonté de certains élus de répondre à toutes les demandes d’aides et de subventions, par souci de ne déplaire à personne et surtout pas à leurs électeurs", et avec la pratique "d’une politique dite des 'grands frères', c’est-à-dire de régulation sociale du territoire par des pairs", et parfois avec des "pratiques quasi-clientélistes, où on 'achète des voix' pour les élections".

La mission note aussi "que le développement des appels à projets ciblés sur des objectifs précis (sport, aide
aux devoirs, culture, etc.) a pu conduire à négliger une 'philosophie de l’action' soucieuse de présenter des garanties républicaines et à transformer certaines associations locales, notamment les plus modestes, pour les placer dans une course sans fin de 'fabrication de dossiers'. Par ailleurs, force est de constater que les
petites associations et les petits clubs n’ont pas toujours les connaissances et compétences nécessaires, en
matière de laïcité et plus généralement de droit pour  définir, gérer et assumer les revendications religieuses qui se multiplient, sans trop savoir où s’arrêter et où placer les limites (...)."

Les inspecteurs remarquent encore que certains mouvements savent situer leur action dans les défauts de la réglementation : "l’accueil d’une vingtaine de mineurs âgés d’une dizaine d’années réunis une fois par mois (soit moins de quatorze jours au cours d’une même année), le lundi en fin d’après-midi à raison de trois heures, ne rentre dans aucune des deux catégories d’accueil (collectif de mineurs). Il peut alors se dérouler sans être soumis à l’obligation de déclaration prévue par la réglementation des ACM et sans qu’il puisse être reproché à l’organisateur une violation de cette réglementation.

Ils soulignent l'importance de la formation des acteurs, pour laquelle "le module 'Valeurs de la République et laïcité' (2015, ndlr) est le plus cité et semble le plus abouti aujourd’hui". Ils préconisent de "développer, au plan interministériel et en liaison avec la CAF, les collectivités locales et les associations, l’offre d’aide aux devoirs et d’accompagnement à la scolarité (...) tout autant que les activités culturelles et sportives", en synergie avec les PEDT ou projets éducatifs locaux, contrats de ville, Cités éducatives, instances de pilotage des réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+), mesures et dispositifs 'école ouverte', 'plan mercredi', 'vacances apprenantes', 'colos apprenantes','stages de réussite', 'programme de réussite éducative ', 'quartiers solidaires', 'quartiers d’été', etc. (...). Aucun interlocuteur n’a cité spontanément le SNU (Service national universei (...). L’USEP et l’UNSS pourraient être également mobilisées dans le cadre de ces objectifs." Ils appellent à "un large débat politique et citoyen dans l’ensemble du pays (...), en vue de porter à terme un message politique commun et des actions mieux coordonnées dans les territoires concernés", d'autant qu'ils considèrent "qu’il n’existe pas de dispositif approprié au signalement des dérives communautaristes dans le domaine de la jeunesse, de l’engagement et des sports", comme il en existe dans les collèges et lycées. Il conviendrait "d’adosser l’outil de signalement qui serait créé, à une mission de veille et de recherche qui permettrait de traiter, analyser et capitaliser les données recueillies pour proposer une adaptation permanente des politiques publiques et du cadre juridique permettant de prévenir et de lutter contre ces phénomènes. Une collaboration avec le monde de l’université et de la recherche serait à organiser, dans le prolongement de l’étude qui vient d’être confiée à l’IHEMI (Institut des hautes études du ministère de l'Intérieur) sur 'sports et radicalisations'."

Le rapport ici

 

 

 



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