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Cinéma et maternelle, une expérimentation positive malgré des réserves (inspections générales EN et Culture)

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Culture le lundi 11 avril 2022.

Comment faire aimer le cinéma dès le plus jeune âge ? C'est la question posée dans un rapport conjoint des inspections générales de l'Education nationale et des Affaires culturelles, daté du mois de septembre de l'année dernière et publié uniquement sur le site du ministère de la Culture. Il est centré sur le travail de l'association "Passeurs d’images" et sur le programme expérimental "Maternelle et cinéma". Pour la mission conjointe, "le bilan "s’avère positif" du fait de "l’expérience esthétique particulière que peut constituer la projection", des "situations pédagogiques auxquelles (celle-ci) peut donner lieu" et "par sa contribution à la démocratisation culturelle".

Les inspecteurs généraux émettent pourtant de sérieuses réserves. Ils soulignent que "les objectifs régulièrement cités à propos de l’expérimentation sont très divers, et révélateurs d’une difficulté à définir précisément le but poursuivi (...). Du côté scolaire, l’éducation aux images renvoie à l’éducation aux médias et à l’information et donc plutôt à l’éducation du citoyen, éloignant enseignants et élèves du cinéma comme art (...). Du côté des professionnels du cinéma, il invite plutôt à un travail de 'décryptage' des images, de lecture filmique hors de portée des enseignants et surtout des élèves (...). L’éducation au cinéma est ainsi potentiellement dévoyée de son objectif artistique (...). Il conviendrait de recentrer 'maternelle et cinéma' sur son objectif premier qui est de faire aimer le cinéma."

De très jeunes enfants

Ils s'interrogent aussi sur la pertinence de cette expérience. Pour Serge Tisseron, psychiatre, psychologue et psychanalyste, le cinéma souffre "du handicap d’induire un décalage temporel entre le temps de l’émotion qu’il suscite et celui de l’expression de cette émotion". Le pédopsychiatre Bernard Golse se déclare "favorable mais prudent" et il recommande que "l’enfant soit le plus possible à proximité d’un adulte lorsqu’il se retrouve face à un écran, afin qu’il puisse constater que les émotions qu’il ressent sont partagées et se sente rassuré". Sophie Marinopoulos recommande certes "de reconnaître le cinéma pour le tout-petit (en dessous de trois ans) comme une nourriture culturelle" mais "dans le cadre d’une projection partagée avec les parents".

Autre difficulté, disposer de courts-métrages adaptés au très jeune âge. "Parmi les courts-métrages visionnés par la mission, si la plupart d’entre eux ont semblé adaptés, certains lui ont néanmoins paru assez obscurs ou de nature à susciter quelques interrogations s’agissant de très jeunes enfants (histoire du roi faisant décapiter tous ses barbiers successifs ; arrivée – dans 'La pie voleuse' - d’une femme occidentale dans la ville d’un souverain musulman propriétaire d’un harem, etc.). Par ailleurs, la nécessité de programmer des courts-métrages, pour s’adapter à la capacité d’attention limitée de ce jeune public, combinée avec l’obligation d’une durée minimale de la séance, pour justifier son coût, voire un déplacement en car, aboutit parfois à la diffusion d’un grand nombre de courts-métrages (jusqu’à 6) par séance, ce qui excède la capacité d’attention de très jeunes enfants." La mission note encore, parmi les points négatifs, "l'impossibilité de revoir les films".

La découverte d'un lieu culturel

Mais les aspects positifs l'emportent. "La découverte de ce lieu culturel particulier, du grand écran, du son, de la projection dans le noir, d’une histoire originale, d’un art jouant sur l’ensemble des registres intellectuels et sensoriels, comme l’émotion partagée avec ses camarades et les adultes présents, constitue assurément une expérience sensorielle, émotionnelle et esthétique spécifique et forte. Même s’ils sont impossibles à mesurer, des effets positifs en sont indéniablement retirés, selon les témoignages recueillis par la mission, en termes d’éveil et de découverte." Et cette expérience peut servir les objectifs assignés par les programmes à l'école maternelle, pour "développer le sens de la narrativité", "être source de situations pédagogiques originales et stimulantes", "pour faire parler les très jeunes enfants en leur donnant l’occasion de s’exprimer sur de multiples sujets", pour "travailler sur la chronologie"...

"Le taux élevé de satisfaction des enseignants" n'atteste-t-il pas que cette expérimentation "est intéressante et motivante pour eux" ? La mission se défie d'une telle évaluation. Il ne suffit pas que les enseignants soient "satisfaits et (aient) l’impression que les enfants étaient contents 
pour évaluer directement auprès des bénéficiaires finaux que sont les élèves de l’effet des dispositifs d’EAC (éducation artistique et culturelle) (...). Il est à noter, toutefois, que cette absence de cadre propice à l’évaluation, loin d’être propre à 'Maternelle et cinéma' s’avère être une constante dans la mise en œuvre de l’EAC à l’école."

Officialiser le programme

Il faudrait donc officialiser ce programme qui ne serait plus expérimental et qui "rentrerait dans la gouvernance commune à tous les programmes d’éducation au cinéma financés par le CNC (...). Cela permettrait notamment de créer une commission nationale en charge du choix des films" et "de définir un parcours complet d’éducation au cinéma, de 3 à 18 ans, au sein de l’institution scolaire". En ce qui concerne les petites sections, le programme serait "limité à deux séances annuelles plus courtes". La mission recommande également d' "ouvrir un dialogue avec les autres programmes locaux de cinéma pour les enfants de maternelle en vue d’une meilleure circulation des outils et d’une généralisation des bonnes pratiques", mais aussi de s’inspirer du programme mis en place en Seine-Saint-Denis, où, après la projection, sont proposés aux enfants "des ateliers artistiques pluridisciplinaires" qui "ont pour vertu d’inscrire la sortie au cinéma dans un parcours EAC plus complet". Autre recommandation : "Inciter de façon plus soutenue à associer les familles aux séances de cinéma des classes de maternelle."

Au total, avant le confinement, "Ecole et maternelle" a concerné en 2019-2020, 123 569
 élèves de 38 départements. "La sortie au cinéma constitue, et de très loin, la sortie culturelle la plus répandue en maternelle."

Le rapport ici

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