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“L’éloquence tend aujourd’hui parfois à se présenter comme une technique“ (IGESR)

Paru dans Scolaire le lundi 11 avril 2022.

“Le paradoxe de l’enseignement de l’éloquence aujourd’hui consiste sans doute dans le fait qu’il existe souvent de façon très autonome vis-à-vis des autres enseignements, là où, dans l’organisation et la pensée de l’éducation à l’œuvre du XVIe au XIXe siècle, il constituait le couronnement d’apprentissages progressifs et cumulatifs concernant tous les savoirs“ indique l'IGESR dans un rapport de mars 2021 consacré à l'expérimentation d'un enseignement de l'éloquence en 3ème et dont ToutEduc n'avait jusqu'alors pas fait mention.

Les inspecteurs généraux expliquent en effet que “l’éloquence tend aujourd’hui parfois à se présenter comme une technique, un savoir-faire fondé sur des procédés empruntés ponctuellement à la tradition rhétorique et qui font l’économie de ce qu’impliquaient ces procédés dans les civilisations qui les avaient élaborés".

Autre écueil soulevé par la mission d'inspection, l'engagement de l'encadrement. “Selon l’implication des recteurs, des DASEN, des secrétaires généraux d’académie, selon aussi l’engagement des chefs d’établissement, explique-t-elle, la mise en œuvre de l’expérimentation a semblé très inégale.“ Par exemple, “une académie comme celle d’Orléans-Tours a pu, en raison de la volonté affirmée de la rectrice, fortement s’engager dans l’expérimentation“, alors que “d’autres territoires se sont heurtés à une plus forte indifférence des autorités et politiques académiques dont les priorités très marquées ne pouvaient plus s’ouvrir à cette expérimentation, quelle qu’ait pu être l’énergie déployée par les référents académiques de l’expérimentation.“

Malgré tout, dans un contexte “troublé“ par la pandémie, il s'avère que “l’expérimentation a été reçue avec un enthousiasme tout à fait remarquable par l’ensemble de la communauté éducative et a suscité une adhésion extrêmement forte“, et que de la même manière “les équipes enseignantes y ont vu un levier efficace pour mettre en place un travail souvent heureux, a fortiori quand l’ensemble des classes de troisième de l’établissement prenaient part à l’expérimentation.“

Est ainsi expliqué qu'au collège, l'oral est depuis plusieurs années “régulièrement mentionné“ dans les programmes et apparaît “à de nombreuses reprises“ dans ceux de français. Pour autant, il n’est pas sûr qu'il fasse “véritablement l’objet d’un enseignement en tant que tel“, écrivent les inspecteurs généraux pour qui “c’est bien plutôt comme le moyen d’assurer d’autres enseignements qu’il est mobilisé dans les classes“.

Ils évoquent d'ailleurs “une sorte de paradoxe qui fait qu’à la mesure même de son importance, sa consistance propre diminue". Et ce qui “n’apparaît pas directement dans les programmes, c’est le fait de considérer la parole comme impliquant une culture spécifique, ou au moins des modalités linguistiques spécifiques".

Si le débat réglé (expression d'un point de vue dans le cadre d'un échange réglementé, ndlr)) est souvent pratiqué dans les classes, dès les premières années de la scolarité, pour les inspecteurs de l'IGESR “le travail de réflexion sur cette pratique n’apparaît pas toujours“, et plus encore, “il semble se réduire au cours du collège après les premiers cycles éducatifs où l’écriture se développe progressivement“.

Il semble donc “particulièrement pertinent de mettre en place un enseignement qui permette d’accompagner les élèves à ce stade de leur développement“, et principalement pour deux raisons.

D'une part, “à un moment où la massification du système éducatif semble creuser un écart entre ceux qui parlent la langue de l’école et ceux qui échouent à se l’approprier, la considération de cette parole propre de l’élève comme enjeu central de sa formation apparaît bien comme une priorité parce qu’elle peut ensuite permettre à tout élève de s’emparer de la langue de l’école.“ Ils ajoutent d'autre part que le fait de consacrer un espace spécifique à travailler leur parole apparaît comme un enjeu capital à “un moment où la vie discursive des collégiens est fortement marquée par l’influence de la communication numérique et des réseaux sociaux, avec des dérives comme le harcèlement qui apparaissent parfois de façon tragique“.

Par exemple dans un collège de La Rochelle, les inspecteurs relèvent le cas d'un des élèves qui prononce son discours “avec le plus d’assurance et d’élégance“ et se révèle pourtant être (selon les indications données par ses professeurs), “un élève ayant une histoire scolaire compliquée par des problèmes de dyslexie“. Aussi, le travail conduit dans le cadre de l’expérimentation “a manifestement été un cadre permettant à cet élève de se structurer et de se projeter vers l’avenir, en affirmant avec force ce en quoi il croit, et ainsi qui il est (ou qui il veut être)".

Conclusion des inspecteurs généraux, c’est “une éducation à la dignité de la parole que permet l’éloquence : faire percevoir et comprendre à tous les élèves ce qu’un régime éloquent de la parole exige et institue est à cet égard un enjeu décisif révélé par l’expérimentation.“

De même, ils y voient un “véritable levier au service de l’égalité des chances“ qui peut constituer “un outil d’émancipation sociale". A l'aide d'un “programme pour assurer la progression dans les apprentissages et les compétences“, plusieurs objectifs pourraient être atteints “en donnant à tous les établissements les moyens d’agir, en explorant en ce sens les ressources et les potentiels académiques“, comme le renforcement des liens écoles-collège-lycée pouvant “permettre d’inscrire le dispositif dans la continuité des cycles“.

L'expérimentation d’un enseignement de l’éloquence, à raison d'une demi-heure hebdomadaire supplémentaire en français, s'est tenue dans 367 collèges de 25 académies différentes, au cours des années scolaires 2019-2020 et 2020-2021.

Le rapport ici

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