AESH : Les raisons d'une “insatisfaction globale“ avant le mouvement de grève prévu mardi 5 avril
Paru dans Scolaire le mercredi 30 mars 2022.
Une intersyndicale CGT, FSU, SNALC, SNCL, SUD (y compris enseignement agricole) appelle les AESH à la grève le 5 avril. Le SNUIPP évoque "les conditions indignes dans lesquelles elles et ils sont maintenu·es" et le SNALC une dégradation de leurs conditions de travail depuis qu'ont été mis en place les PIAL : "il suffit de (le.la) prévenir 'en amont' - soit du jour au lendemain, pour que l'AESH soit déplacé sans aucune considération pour ses obligations personnelles, ses possibilités de transport ou un éventuel 2ème emploi." L'intersyndicale dénonce "le saupoudrage de l’accompagnement des élèves (en situation de handicap)".
C'est ce que confirme Audrey Chanonat, secrétaire nationale du SNPDEN (le syndicat UNSA des personnels de direction), même si elle ajoute aussitôt qu'il est impossible d'avoir une vision d'ensemble puisque le ministère n'a pas établi de bilan de la mise en place des "pôles inclusifs d'accompagnement localisé" et que les situations sont très différentes d'un département à l'autre. En Seine-Saint-Denis par exemple, le vivier est épuisé, les démissions nombreuses et les recrutements quasi impossibles.
"Avec les PIAL, un.e AESH qui était sur une école ou un collège est actuellement sur un collège et toutes les écoles correspondantes, il.elle change tout le temps et suit en moyenne quatre, voire cinq enfants en situation de handicap au lieu de deux précédemment. Au lieu de consacrer 12 à 15 h à chacun d'entre eux, c'est souvent moins de huit heures."
Interrogée sur les causes de ces dysfonctionnements, Audrey Chanonat (également principale adjointe, ndlr) évoque l'augmentation exponentielle du nombre d'enfants bénéficiant d'un aménagement de leur scolarité, + 9,5 % par an depuis 2006 dans le second degré, 10,5 % l'année dernière. "Dans mon collège, Missy à La Rochelle, sur 580 élèves, 121 bénéficient d'une scolarité aménagée. Cette année, j'ai demandé 17 aménagements supplémentaires, je n'en ai obtenu que deux." Dans un tiers des collèges et lycées, plus d'un quart des scolarités sont aménagées.
Toutefois, l'extension du champ du handicap lui paraît procéder d'un simple rattrapage. "Nous avions vingt ans de retard sur l'Italie." Elle souligne aussi l'absence de corrélation entre les MDPH (maison départementale des personnes handicapées) qui prescrivent et l'Education nationale qui doit mettre les moyens. Et aucun bilan du fonctionnement des MDPH n'a été dressé, et si on assiste à une certaine harmonisation des pratiques entre départements, on est encore loin d'un mode de fonctionnement commun.
Tout n'est pas négatif, ajoute-t-elle. "On connaît mieux les élèves, on intervient plus rapidement en cas de difficulté." Mais c'est au prix d'un surcroît de travail qu'elle estime à 4 ou 6h par semaine. C'est le sujet qui arrive en tête de l'ordre du jour de toutes les réunions de chefs d'établissement, et "l'insatisfaction est globale".