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Enseignement privé sous contrat : le Conseil d'Etat confirme le paiement des heures de délégation syndicale sur les fonds propres de l'établissement

Paru dans Scolaire le mardi 15 mars 2022.

Si la loi Censi du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements privés sous contrat a définitivement tranché la question du statut des maîtres contractuels des établissements privés sous contrats et en fait des agents publics de l’Etat liés à celui-ci par un contrat qui les faisait participer à l’exécution même du service public, la Chambre sociale de la Cour de cassation, qui affirmait au contraire l’existence d’un contrat de travail avec l’établissement, n’a pas rendu toutes les armes et elle maintient des poches de résistance : la question des heures de délégation syndicale prévues par les articles L. 2143-13 et suivants du code du travail au profit des représentants syndicaux pour l’exercice de leurs fonctions en fait partie.

En leur qualité d’agents publics et, en application du principe de l’égalité de traitement entre enseignants du public et du privé sous contrat, ces derniers bénéficient des décharges syndicales et des autorisations d’absence prévues par le décret n° 82-447 du 28 mai 1982 relatif à l’exercice du droit syndical dans la fonction publique. Mais, dans la mesure où ils exercent la totalité de leur activité dans des établissements privés, la loi Censi leur maintient le bénéfice de certains droits prévus par le code du travail. Ils cumulent en quelque sorte les avantages du public et du privé. Pour reprendre les termes d’un avis de la Cour de cassation, le caractère exclusif du contrat de droit public les liant à l’Etat n’a pas eu pour effet de les priver de certains avantages liés à la qualité de délégué du personnel prévus par le code du travail. Et, aux termes d’une jurisprudence constante, s’agissant des délégués syndicaux, il "incombe à l’établissement au sein duquel ils exercent les mandats prévus par le code du travail" de leur payer les heures de délégation afférentes à ces mandats : ces heures, qui ne doivent pas être confondues avec les décharges susmentionnées, rappelle-t-elle, sont considérées comme des heures de travail, qui doivent être payées par l’établissement d’enseignement privé.

Le Conseil d'Etat s'oppose à ce que l'Etat paie ces heures...

Quant au Conseil d’Etat, il s’oppose simplement à ce que ces heures soient payées par l’Etat et il exige qu’elles restent exclusivement à la charge de l’établissement. En effet, ces heures, contrairement aux décharges, n’existent pas dans l’enseignement public, dans la mesure où aucune disposition ne les prévoit dans le cadre du droit de la Fonction publique. Le juge administratif considère donc que les faire payer par l’Etat porterait une atteinte inacceptable au principe de l’égalité de traitement entre les enseignants de l’enseignement public et ceux des établissements privés sous contrat, consacré par les dispositions de la loi Guermeur. Le Conseil vient de confirmer cette position constante dans un nouvel arrêt du 10 mars 2022. "L’Etat est tenu, au titre de la dotation horaire globale destinée au financement des différentes charges de formation de leurs élèves incombant aux établissements d’enseignement agricole privés sous contrat, d’assurer la rémunération à laquelle ont droit les enseignants en service au sein de ces établissements, après service fait conformément à leurs conditions et obligations de service qui sont identiques à celles qui s’appliquent aux enseignants de l’enseignement public, y compris pour le temps passé à accomplir un mandat syndical pendant le temps de service et en exécution d’une décharge d’activité de service. Toutefois, il ne revient pas à l’Etat de prendre en charge la rémunération des heures de délégation effectuées par ces enseignants pour accomplir un mandat électif au sein de l’une des institutions représentatives du personnel, qui sont régies exclusivement par les dispositions applicables à la représentation collective des salariés du secteur privé et auxquelles les personnels de l’enseignement public ne peuvent participer d’aucune manière."

En l’espèce, un établissement privé agricole sous contrat devait payer à un de ses enseignants, élu membre, puis secrétaire de la délégation du personnel, des heures de délégation. Ce paiement s’est apparemment heurté à certaines difficultés, dans la mesure où la direction de l’établissement a imposé au délégué syndical d’imputer les paiements concernés sur ses obligations de service en refusant de les payer en heures complémentaires. Un contentieux s’est donc développé devant les juridictions judiciaires et, à cette occasion, la Cour d’appel de Poitiers a rendu un arrêt avant-dire-droit qui saisissait la juridiction administrative d’une question préjudicielle, lui demandant entre autres de dire si les heures de dotation attribuées à l’établissement devaient ou non être réservées au paiement des seules tâches d’enseignement ou si la direction de l’établissement pouvait les détourner vers d’autres paiements.

La réponse du TA de Nantes est exactement restée dans le cadre des positions constantes de la justice administrative : les heures de dotation accordées aux établissements sous contrat d’association doivent être réservées aux seules tâches d’enseignement et, éventuellement au paiement des décharges ou autorisations d’absence accordées par l’Etat, telles qu’elles sont prévues par le droit de la Fonction publique. En revanche, il reste hors de question qu’elles servent à payer des heures de délégation syndicale prévues par le code du travail.

L’établissement privé concerné s’est pourvu en cassation devant le Conseil d’Etat pour contester cette décision du TA de Nantes. Mais la position de ce dernier est pleinement confirmée par le Conseil. "C’est sans erreur de droit que le TA a déclaré, d’une part, qu’en l’absence de dispositions du droit de la fonction publique relatives aux délégués du personnel, un tel mandat de représentation au sein d’une institution représentative du personnel ne pouvait pas être exercé dans le cadre de l’obligation de service et ne pouvait donc pas faire l’objet d’une décharge d’activité de service décidée par l’école de telle sorte que les heures qui y sont consacrées soient rémunérées par l’Etat au titre de la dotation horaire globale."

Le pourvoi de l’établissement est donc rejeté. Il appartiendra à celui-ci de payer les sommes litigieuses sur ses fonds propres.

La décision n° 441913 du 10 mars 2022 ici

André Legrand

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