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Ecoles hors contrat : au vu de 164 rapports d'inspection, le CNAL demande que le droit qui les régit soit aligné sur celui de l'instruction en famille

Paru dans Scolaire le mercredi 09 mars 2022.

Le CNAL, qui a choisi d'enquêter sur les établissements scolaires hors-contrat, a pu obtenir 164 rapports d'inspection, avec difficulté et après avoir saisi la CADA, et alors que quelque 1 800 établissements sont recensés par le ministère avec ce statut, et, si la loi est respectée, ont fait l'objet d'une inspection. Le Comité national d'action laïque souligne que, même avec un avis positif de la Commission d’accès aux documents administratifs, il s'est heurté à des refus de transmission des rapports, notamment en ce qui concerne les établissements "Espérance banlieues" (2 rapports, dont un d'une seule page), Steiner-Waldorf (2 rapports), musulmans (1 seul rapport), juifs (1 rapport) .

Il présentait toutefois ce 9 mars, la synthèse des données obtenues, non sans rappeler que les organisations qui en sont membres, FCPE, fédération des DDEN, Ligue de l'enseignement, UNSA éducation et SE-UNSA, "sont favorables à la liberté d’enseignement", mais dans le respect "des standards éducatifs fixés par la Nation", notamment en ce qui concerne les valeurs de la République et le socle commun que la loi leur impose d'enseigner. Le CNAL a par ailleurs saisi la Cour des comptes pour lui demander d'inscrire à son programme de travail "une évaluation du montant des sommes versées à des établissements privés hors contrat, en provenance de fondations reconnues d’utilité publique" et "de préciser si la participation indirecte de l’État, par un mécanisme de défiscalisation, au financement d’écoles et d’établissements privés hors contrat religieux contrevient à l’article 2 de la loi de 1905".

En ce qui concerne les 59 établissements catholiques "Fsspx" (Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X) ou s'inscrivant dans la même mouvance et recensés par "La Porte latine", le CNAL estime au vu des 14 rapports obtenus que ce qui en ressort, "c’est une grande fermeture des établissements vis-à-vis de l’extérieur et le maintien des élèves dans une vision du monde réactionnaire". Les rapports obtenus font état "d’une pédagogie à l’ancienne" : "Les élèves sont obéissants, ils récitent les leçons sans que la compréhension soit forcément travaillée." Un rapport évoque dans un établissement, la "présence d’annotations dans les évaluations observées comme 'pitoyable' qui questionne sur le respect dû aux élèves". L'apprentissage de la citoyenneté est défaillant puisque "les chefs de classe sont désignés par les adultes (...). Il n'y a pas d'actions citoyennes organisées par les élèves." De nombreux éléments du socle ne sont pas enseignés ou le sont mal : 'les sciences, l’EPS en général et la natation en particulier, le numérique et l’éducation aux médias et à l’information, l’histoire ainsi que l’éducation à la sexualité et l’éducation morale et civique notamment quand elle aborde les valeurs de la République."

Les 26 rapports portant sur des écoles catholiques ne relevant pas de la Fsspx (sur les 140 existant) sont sévères. Dans l'un d'eux, "les élèves n’ont pas à ce jour accès dans l’établissement à des publications de presse relatives à l’actualité, sous forme papier ou numérique", dans un autre "le socle commun n'est pas véritablement connu de l'équipe". Dans un troisième, "les murs sont décrépis et parfois pleins de salpêtre, des toiles d’araignées sont présentes, la peinture tombe littéralement en morceaux par endroit (...). La température est globalement très basse, 12,5° dans les salles de classe de l’externat, 14° dans les sanitaires de l’internat. Il y a souvent 6 à 8 élèves, voire 10 dans les chambres (20 m² pour 10 lits) (...) La majorité des professeurs n’est pas en mesure d’expliquer sa contribution au projet pédagogique de l’établissement (...). L’EMI (éducation aux médias et à l’information), le numérique ne sont pas enseignés, ni au collège, ni au lycée." Cet établissement a été fermé "jusqu’à la remise aux normes sur le plan bâtimentaire", mais "rien n’indique que les carences pédagogiques soient réglées".

Le CNAL a obtenu communication de rapports sur 52 écoles Montessori, dont "certaines mélangent plusieurs pédagogies ou sont de confession catholique. Quelques-unes sont bilingues (...). La plupart sont des maternelles mais il arrive que des écoles élémentaires, des collèges, voire des élèves de seconde, soient concernés." Il en ressort que "les activités proposées sont très individualisées et n’appellent que peu d’interactions entre pairs", les inspecteurs remarquent "l’absence d’activités sportives ou d’espaces dédiés à l’EPS". Dans de nombreux rapports, "le manque d’abstraction est marqué", les activités proposées sont "insuffisamment réfléchies au regard des compétences fondamentales qu’il convient de travailler avec les élèves de maternelle" au point que "le terme d’innovation annoncé dans le projet (de l'une des écoles) ne correspond à aucune réalité effective dans l’établissement". Ailleurs, "la conduite des apprentissages reste aléatoire, les intervenantes ne maîtris(a)nt pas suffisamment les concepts pédagogiques et la didactique pour permettre une efficacité d’apprentissage". Un rapport cite une enseignante qui, pour ne pas limiter la créativité litttéraire, n'impose pas de respecter l'orthographe. Les inspecteurs soulignent que les coûts de scolarité vont "de 3 000 à plus de 11 000 euros pour une année", que la formation des enseignants est parfois "problématique". Étant donné que le nom n’est pas protégé, "les écoles peuvent s’en réclamer pour des raisons mercantiles, sans compétences pédagogiques avérées". Ils notent encore que leurs rapports ne sont pas suivis d'effets.

Alors qu'on recense une vingtaine d'écoles Steiner, le CNAL n'a obtenu que deux rapports qui témoignent de "pratiques non conformes aux exigences du socle commun". De plus, "les élèves à besoins éducatifs particuliers ou en situation de handicap ne sont pas correctement accompagnés et n’ont pas accès aux prises en charge auxquelles ils ont droit" tandis que "des rituels et des conditionnements semblent contredire l’affichage laïque de ces écoles". Les inspecteurs dénoncent "le peu de livres de littérature de jeunesse mis à disposition des élèves", "les salles de classe ne sont équipées ni d’ordinateurs, ni de vidéoprojecteurs", le jardin d’enfants "ne propose pas d’apprentissages scolaires préparant à l’entrée dans la lecture et l’écriture (...). Les traces écrites en classe de cours préparatoire - cours élémentaire 1 relève du niveau de la maternelle (...). Aucune trace d’activités favorisant la création artistique des élèves n’a pu être observée (...). L’histoire et la géographie ne sont pas traitées en classe (...), la confusion entre histoire et mythologie, entre connaissances et récits mythiques, est permanente." Mais le CNAL se demande si les inspecteurs sont informés de ce qu'est la pédagogie Steiner. Ils voient dans des séances d'eurythmie une activité sportive et artistique, alors qu'elles s'inscrivent dans un projet de nature spirituelle. Il signale que Steiner estimait que les enfants ne pouvaient apprendre à lire avant 7 ans, quand leur seconde dentition a poussé, ni être confrontés à l'abstraction avant la puberté.

Les deux rapports concernant les écoles Espérance Banlieues, au nombre de 17, sont nettement plus positifs, bien qu'ils soient très lacunaires. Les inspecteurs soulignent que "l’instruction dispensée permet l’acquisition des savoirs fondamentaux", même s'ils notent que "les compétences informatiques et celles relevant de la pratique des langues étrangères (...) ne font pas l’objet d’un enseignement systématique" (alors qu'ils sont prévus par la loi), et que la pratique pédagogique des enseignants est "principalement fondée sur (...) une conception mécaniste de la transmission". Là aussi, "les élèves ayant des besoins éducatifs particuliers ne bénéficient pas d’adaptations spécifiques."

Le CNAL n'a également obtenu que deux rapports concernant des "écoles démocratiques", lesquelles ont été fermées et leur directeur ou directrice "condamnés par la justice". Une enseignante est en fait "un service civique", "aucun suivi de l’absentéisme n’est fait", "les locaux sont toujours très sales et dans un désordre important", "plusieurs élèves passent leur matinée à jouer sur des écrans", "dans le classeur d’un élève de 14 ans qui a pour projet se présenter au DNB (brevet des collèges) on trouve "une dizaine de feuilles de mathématiques (...) sans trace d’évaluation (....). Un élève âgé de 9 ans vient apporter un dessin à l’un des inspecteurs. Après échange avec cet élève, il apparaît que celui-ci ne sait pas lire, déclare ne reconnaître qu’un mot à l’écrit, NOËL, et ne connaître aucune lettre ni son associé."

Le CNAL considère que l’ouverture d’un établissement hors contrat devrait passer "d’un régime de déclaration à un régime d’autorisation" avec constitution d'un dossier équivalent à celui prévu pour l'instruction en famille : la demande devrait être accompagnée du "projet pédagogique" de l'établissement et des preuves de "l’existence des ressources humaines et du matériel pédagogique nécessaires". Le préfet pourrait "ordonner la fermeture d’un établissement dès lors qu’il ne met pas en œuvre l’acquisition du socle commun et des valeurs de la République", au moins à titre conservatoire, dans l'attente d'une décision de justice. Il fait remarquer qu'il a fallu trois ou quatre ans avant qu'une école soit fermée, autant de temps perdu pour les enfants.

Le CNAL demande encore "la mise en place d’une grille d’évaluation" permettant pour les inspecteurs d'avoir une vue complète du fonctionnement de ces établissements. Les familles devraient pouvoir consulter les rapports d’inspection puisque les rapports que le CNAL a pu consulter témoignent d' "un décalage important entre les intentions affichées et la réalité".

Interrogé, le CNAL indique que trois des rapports qu'il a reçus étaient "très bons", et que, pour la moitié d'entre eux, décrits comme "un ventre mou", "ça passe". Pour une cinquantaine des rapports reçus, il n'a pas su dans quelle catégorie les classer. Le responsable d'un établissement qui se réclame à la fois de Steiner, de Montessori et de Freinet est "ou bien un incompétent, ou bien un menteur", les trois pédagogies étant difficilement compatibles ! Il se perd en conjectures sur les refus de transmission par l'administration de documents qui devraient, sous certaines réserves, être publics. Contrairement aux familles qui souhaitent instruire elles-mêmes leurs enfants, ces établissements peuvent s'appuyer sur des forces politiques ou de lobbying puissantes. Mais dans certains départements, il a obtenu tous les rapports demandés (les derniers rapports pour chacune des écoles), et dans d'autres, aucun.



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