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Les "têtes de quartier" posent la question "de la reconnaissance institutionnelle des cultures populaires“ (INJEP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture, Orientation le mardi 01 mars 2022.

“Malgré les vagues de massification scolaire et les politiques de démocratisation culturelle, les inégalités face à la culture et aux savoirs continuent à toucher les jeunes des classes populaires et à les différencier“, conclut l'INJEP de son étude des "têtes de quartier" publiée vendredi 28 février.

“A la croisée de plusieurs mondes sociaux“, ces figures sociales “qui échappent aux définitions légitimes et instituées de la culture“, ne se sont pas vu transmettre, au vu de leurs origines sociales, de fortes ressources économiques, ni n’ont été socialisées à la culture légitime par leurs parents. Ces jeunes ont en revanche “souligné l’importance de l’école, de la réussite et ont investi le champ de la culture comme espace possible de mobilité sociale“, des “petits déplacements sociaux“ qui expliquent “en partie la genèse de ces cas dissonants“.

Il y a par exemple Luc, 34 ans, qui a écrit un livre à destination des jeunes des quartiers populaires, mais ne se perçoit pas comme un écrivain. Ou encore Joyce, qui à 18 ans chante du gospel, d’abord seule et en autodidacte, puis dans une chorale à l’église. Elle a développé un goût pour la musique par l’intermédiaire de son grand-père paternel qui était musicien au Congo.

Djibril, Youssouf, Samuel et Assia font également partie de ce casting portant sur les figures d’intellectualité en milieux populaires, et mis en lumière par Akim Oualhaci.

Leurs activités intellectuelles s’exercent en lien avec le quartier, souvent dans un cadre professionnel ou associatif en tant qu’éducateur, animateur, programmateur culturel, artiste, voire entrepreneur. Ainsi les "têtes de quartier", pour qui la culture et les savoirs “sont source d’inégalités mais aussi de ressources“, ont entre autre la volonté de sortir de leur condition sociale, et sont vu transmettre “une disposition à respecter les règles, ou tout du moins à ne pas les transgresser".

Elles se mobilisent politiquement “mais en dehors des partis et des institutions politiques légitimes". Les têtes de quartier sont “engagées dans des luttes sectorielles“ autour de trois thèmes principaux, lutte contre les inégalités, lutte contre le racisme et promotion des quartiers populaires et de la mobilité sociale de leurs habitants.

Leur répertoire culturel est cosmopolite, et elles se saisissent des héritages politiques familiaux, religieux ainsi que postcoloniaux. Elles n’ont pas un parcours scolaire d’excellence. D'ailleurs pour elles, les processus d’acquisition de savoirs ne se réduisent pas à l’institution scolaire et se font également en dehors de celle-ci, dans un cadre formel ou non formel, souvent en autodidactes, produisant un type alternatif d’intellectualité par d’autres moyens que ceux de l’excellence scolaire.

Les têtes de quartier acquièrent des savoirs en dehors d’un cadre formel ou institutionnel, mais également des savoir-faire, culturels, artistiques, scientifiques qu’elles mettent au service des habitants de leur quartier. Elles possède un prestige local basé “sur la reconnaissance, parfois ambivalente, qu’elles obtiennent des habitants, les jeunes plus particulièrement, comme des sachants et des personnes ressources".

Se cumulent chez elles à la fois une influence sur les jeunes, des propriétés sociales en commun ainsi qu'une connaissance très fine des publics jeunes du quartier. "Les savoirs hybrides et les compétences mobilisés par les têtes de quartier servent de ressort à leur engagement en direction des jeunes, dans le cadre associatif notamment, et de support à leurs actions.“ Elles initient une circulation des savoirs et incitent les jeunes à circuler en dehors de leur groupe social afin d’être confrontés à d’autres normes et pratiques.

Leurs productions culturelles et les actions, à l’échelle locale, induisent des transformations de l’espace local en incitant, par effet de socialisation, les jeunes à prendre conscience des inégalités sociales et à faire émerger leurs propres productions culturelles, voire leur propre projet entrepreneurial.

Selon l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, ces jeunes pourraient constituer “un enjeu“ pour l’action publique car ils “posent la question de la reconnaissance institutionnelle des savoirs hybrides acquis et transmis, ainsi que de la reconnaissance des cultures populaires".

Depuis les années 1980, ajoute-t-il, “les politiques publiques en matière de culture et en direction des jeunes des quartiers populaires urbains, notamment dans le cadre de la politique de la ville, ont été pour le moins ambivalentes. S’appuyant sur des projets à court terme, peu financés et peu soutenus par les institutions et collectivités territoriales, elles ont réduit la culture à de la consommation et ont pour partie été utilisées afin de pacifier les quartiers populaires perçus comme un concentré de problèmes sociaux.“

L'enquête de l'INJEP a été menée entre octobre 2018 et juin 2019, par entretiens approfondis et observations auprès de têtes de quartier appartenant majoritairement à la génération des 18-35 ans habitant différents quartiers en Île-de-France.

Le rapport ici

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