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Scolarité, avenir, quotidien : L'impact de l'aidance sur la vie des jeunes qui y sont confrontés (INJEP)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 24 février 2022.

“La dernière année, l’année et demie, je l’ai aidée à marcher, je scrutais ses réactions pour savoir quand elle était fatiguée (..). Sur les derniers mois, je l’ai aidée, enfin je faisais la cuisine, je faisais les courses, des fois il fallait l’aider à écrire les papiers administratifs, il fallait des fois gérer un peu mon frère, il fallait... enfin faire la maison quoi, il fallait faire le linge, fallait ranger, fallait nettoyer, fallait... enfin, fallait gérer une maison quoi ! Voilà tout simplement.“

Ce témoignage est celui de Manon, 17 ans, qui s'est occupée de sa mère récemment décédée d'un cancer. Elle fait partie de 22 jeunes de 17 à 26 ans (dont un seul garçon, d'où le titre de la note au féminin, ndlr) qui ont participé à l'enquête qualitative TRAJAID sur les jeunes aidants menée par l'INJEP. L’étude se focalise sur l’expérience des jeunes et leur point de vue, à partir de leur récit et du sens qu’ils lui confèrent, avec l'idée de “regarder les conditions autant que les processus de socialisation spécifiques aux jeunes aidantes pour en dégager les effets sur l’entrée progressive dans l’âge adulte."

Pour l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, le terme jeunes aidants “regroupe un ensemble de préoccupations concernant le fonctionnement familial et la santé du ou des proches“. Il le décrit comme une “charge mentale“ qui peut prendre des formes différentes selon la dynamique et la configuration familiale considérées (aide physique, comportementale, relationnelle, domestique ou soutien moral).

“La question des jeunes aidants se pose d’emblée sous l’angle du genre." L'institut précise que “cette surreprésentation des filles n’est pas le résultat d’un choix des enquêteurs. Les études sociologiques ont bien montré que la pression normative pousse en effet à désigner le plus souvent les femmes comme aidantes, au sein du couple comme au sein de la fratrie.“

Il ressort de cette étude que “les réponses d’action publique ne semblent pas penser l’amplitude de l’aidance au quotidien : tous les jours, toute la journée et toute la nuit. Pour beaucoup de jeunes rencontrées, les manques dans l’accompagnement des personnes se reportent sur la famille, au sein de laquelle elles sont mises à contribution, voire placées en première ligne.“ L'INJEP ajoute que les solutions avancées par la stratégie nationale à l’égard des jeunes aidants, calquées sur l’aidance adulte “ne répondent que très partiellement aux besoins évoqués“ par les jeunes rencontrées, alors qu'elles “souhaitent pouvoir investir les sphères de socialisation, en particulier l’école, de la même façon que leurs pairs.“

Si le soutien moral est désigné comme un important besoin pour les familles et pour les jeunes aidantes, avec un rôle essentiel des associations, est au contraire souligné “le manque d’empathie des adultes à leur égard, principalement du monde de l’enseignement et du soin, ressenti par nombre d’enquêtées, (qui) ne permet pas toujours d’accompagner le lien avec les proches, en raison du handicap ou de la maladie par exemple".

Il y a également le cas d'Aurélie, âgée de 14 ans lorsque les crises d’épilepsie de sa sœur cadette ont commencé : “Depuis, c’est toutes les nuits, et même le jour maintenant (..). À chaque fois elle peut mourir. Et il n’y a pas de traitement. Ma sœur, elle a un âge mental d’un enfant de 2-3 ans. Voilà (...) Ma mère n’arrête pas de me dire que s’il leur arrivait quelque chose, à mon père et elle, ce sera à moi de gérer ma sœur. Ça s’arrête jamais. Je serai aidante toute ma vie en fait.“

L'INJEP explique en quoi la place de jeune aidante ne relève pas d’une décision individuelle, mais d'une situtation relationnelle, “presque toujours négociée avec les autres membres de la famille (parfois imposée)“, et faite d’ajustements permanents entre les différents membres de la famille. Être jeune aidant ne coupe pas toujours de la vie d’enfant, mais lui donne d’autres dimensions. Articuler temps d’aidance, temps scolaire et temps libre n’est pas aisé et s’avère parfois coûteux pour la santé des jeunes.

La jeune aidance impacte aussi la scolarité de certaines enquêtées “ne serait-ce que pour parvenir à concilier leurs obligations familiales (et celles relatives à l’aidance) avec le rythme et les obligations scolaires. La jeune aidance a touché inégalement le parcours scolaire des enquêtées, certaines ont dû opérer des ajustements et/ou désinvestir une partie des apprentissages tandis que d’autres, au contraire, ont particulièrement investi le champ scolaire.“

L'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire constate enfin que les jeunes aidantes rencontrées apparaissent comme des jeunes “concernées“ et dont les métiers exercés ou envisagés “sont une autre manière de se mobiliser pour le bien commun". L’engagement, qui ressort fortement des parcours des jeunes aidantes, paraît lié à une socialisation articulant “souci de soi“ et “souci des autres“.

A noter l’enquête Adocare de 2019 réalisée sur 1 448 lycéens âgés de 13 à 21 ans, selon laquelle 14 % des élèves prennent en charge un niveau d’aide significatif concernant la maladie ou le handicap d’un proche, y compris s'il ne vit pas sous le même toit. 72 % des jeunes aidants lycéens sont des filles. “Par rapport aux autres lycéens, analyse l'INJEP, les jeunes aidants connaissent de moins bonnes conditions de vie socio-économiques. Ils auraient globalement une moins bonne qualité de vie et de santé mentale que leurs camarades. La catégorie des jeunes aidants émerge ainsi comme une expérience exposant les enfants et adolescents à une forme de vulnérabilité.“

La note de l'INJEP ici

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