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J-P Delahaye : C'est toujours pour les dépenses en direction des plus pauvres qu'on parle de “pognon de dingue“ (ouvrage)

Paru dans Scolaire le mardi 08 février 2022.

“Nous avons le meilleur système éducatif au monde... mais pour la moitié seulement de nos élèves." C'est ce qu'estime Jean-Paul Delahaye dans son dernier ouvrage consacré aux inégalités à l'école, partant du constat que “le poids de l'origine sociale sur les destins scolaires est nettement supérieur chez nous que dans la plupart des pays de l'OCDE“.

L'ancien directeur de l'enseignement scolaire décrit “un pays qui dépense plus pour cloner et préserver ses élites que pour élargir la base sociale de la réussite scolaire“. Il considère que contrairement aux idées reçues, l'école française fait financer les études des plus riches, des études plus longues plus couteuses, par l'argent des pauvres. C'est le ruissellement à l'envers. Le pognon de dingue est d'abord dirigé vers les enfants des classes les plus aisées.“

Pourtant Jean-Paul Delahaye, qui distingue quatre leviers d'action pour réformer l'école, note qu' “à l'image de la République, notre école s'efforce d'être sociale et fraternelle“ mais que si elle “répond aux attentes de la plupart des élèves, elle ne parvient pas à faire réussir 30 % d'entre eux." Il y a d'une part les angoisses des familles par rapport au déclassement social et à l'insertion professionnelle future de leurs enfants qui “provoquent des stratégies individuelles : refus de la mixité sociale, choix d'école, choix de filière, etc..“ D'autre part, “les milieux populaires eux-mêmes ont intériorisé cet état de fait et ne se trouvent donc pas en situation de contester le sort qui est fait à leurs enfants“.

Pour preuve, les 84 % des élèves des sections d'enseignement général et professionnel adapté des collèges (SEGPA) qui sont des enfants de familles de CSP défavorisés, ou encore les enfants d'ouvriers qui obtiennent pour 70 % d'entre eux un baccalauréat professionnel ou technologique, tandis que les enfants de cadres et d'enseignants se retrouvent à 75 % dans la filière générale.

A l'opposé de la solidarité et la coopération qu'il appelle de ses vœux, “le mélange, c'est le nivellement, c'est l'égalitarisme, c'est le péril démocratique à l'école pour les conservateurs". Ainsi aujourd'hui “une partie de la droite, et certains républicains autoproclamés, demandent régulièrement le retour de l'examen d'entrée en sixième, sont partisans d'une certaine étanchéité des filières et de la maîtrise du nombre de transfuges sociaux par le biais, entre autres, des internats d'excellence".

Et si “la carte scolaire est devenue la partie visible, au sein du système éducatif, des clivages sociaux de la société, c'est bien parce que la politique de l'habitat des décennies précédentes a conduit à séparer, de fait, les populations", et "que se pose la question de la mixité sociale à l'école".

“Aux enfants du baby-boom qui avaient de bons résultats scolaires, ajoute l'ancien DGESCO, on ne pouvait offrir qu'un baccalauréat général, ce qui a permis à un nombre non négligeable d'enfants de milieux modestes d'atteindre des formations élitistes préalablement réservées aux enfants de la bourgeoisie.“ Mais l'orientation n'est plus “choisie“, on a démocratisé “en apparence l'accès au baccalauréat mais l'élite sociale s'est réservé la voie qu'elle estime être la plus porteuse“.

D'ailleurs, le caractère redistributif du budget de l'éducation nationale “ne saute pas aux yeux aujourd'hui, et l'argent de la nation ne va pas toujours en priorité aux plus démunis“ explique l'ancien DGESCO. Par exemple, de 1995 à 2019 la part de la dépense intérieure d'éducation dans le produit intérieur brut (PIB) est passée de 7,7 % à 6,6 %. “Un point de PIB en moins, c'est plus de 20 milliards d'euros qui manquent pour l'école“ conclut l'auteur.

Concrètement, à effectifs d'élèves identiques, “un collège en éducation prioritaire, malgré les quelques postes supplémentaires dont il bénéficie, a le plus souvent une masse salariale inférieure à celle d'un collège de centre-ville.“

D'ailleurs, la mission du collège ne devrait pas être, estime-t-il "de se concentrer sur le tri et la sélection des élèves jugés dignes d'accéder à la voie générale du lycée“. Quant à l'enseignement professionnel, il faut qu'il cesse d'être condamné à être une voie de relégation, il est “certes une voie de promotion sociale pour les enfants des milieux populaires mais ce devrait être surtout le moyen d'une formation professionnelle reconnue offerte à tous les enfants, et pas seulement aux enfants du peuple".

Jean-Paul Delahaye pense qu'il faudrait poursuivre la revalorisation des bourses scolaires “dont le montant est encore notoirement insuffisant“. Par ailleurs, il estime que “la France traite très mal ses enseignants“ et qu'il n'y aura pas d'école plus sociale et plus fraternelle si les métiers de l'enseignement et de l'éducation ne sont pas mieux considérés. La formation initiale des professeurs des écoles qui ont une “insuffisante maîtrise des fondamentaux disciplinaires et didactiques“ est trop courte, et il faudra investir “massivement dans la formation continue“, les enseignants doivent également être formés à des approches pédagogiques diversifiées.

Jean-Paul Delahaye, L'école n'est pas faite pour les pauvres, éditions du bord de l'eau, 160p., 14€.

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