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L’actualité législative en 2021 dans le domaine de l’enseignement scolaire

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 03 février 2022.

Comme chaque année, ToutEduc vous propose le bilan législatif de l'année précédente, établi par André Legrand, professeur de droit public, ancien recteur.

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République est l’une des plus importantes votées en 2021. Elle rappelle, dans son article 1er l’un de ces principes essentiels, celui de la laïcité des services publics, en disposant : "Lorsque la loi ou le règlement confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, s'abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité. L’organisme veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l'exécution du service public s'assure du respect de ces obligations."

Tirant les conséquences de cette affirmation service par service, elle prend en particulier un certain nombre de dispositions concernant celui de l’éducation. Ainsi, s’agissant de la protection des droits des femmes, elle apporte deux précisions importantes, d’une part en ajoutant à l'article L. 121-1 du code de l'éducation que les écoles, les collèges et les lycées ont une mission d’information sur les mutilations sexuelles féminines et à l’article L. 312-16 que, dans le cadre de l’éducation à la santé, ils doivent sensibiliser aux violences sexistes ou sexuelles ainsi qu'aux mutilations sexuelles féminines.

Pour éviter le séparatisme, la loi modifie profondément les règles qui s’appliquent à l’instruction dans la famille. Cette possibilité devient clairement une solution dérogatoire et cesse d’être une libre alternative à la scolarisation en établissement scolaire, public ou privé. La loi substitue un régime d’autorisation préalable au système de déclaration qui existait depuis le XIXème siècle. Dans sa décision du 13 août 2021, le Conseil constitutionnel souligne bien le changement opéré, en indiquant que l’instruction au sein de la famille n’est plus une composante de la liberté d’enseignement, mais constitue une simple modalité de mise en œuvre de l’instruction obligatoire.

Le nouvel article L. 131-5 précise que quatre motifs sont susceptibles de justifier un octroi d’autorisation : l'état de santé de l'enfant ou son handicap ; 
la pratique d'activités sportives ou artistiques intensives ; l'itinérance de la famille en France ou l'éloignement géographique de tout établissement scolaire public ; l'existence d'une situation propre à l'enfant motivant le projet éducatif, sous réserve que les personnes qui en sont responsables justifient de la capacité de la ou des personnes chargées d'instruire l'enfant à assurer l'instruction en famille, ce qui peut être vérifié par l’autorité académique ; celle-ci prend l'engagement d'assurer cette instruction majoritairement en langue française et l’autorité académique peut vérifier le passé pénal de la personne appelée à assurer l’instruction.

La loi fixe les règles en cas d’abus (absence d’autorisation ou fraude). Elle crée une instance départementale chargée de la prévention de l'évitement scolaire qui associe les services de l'Etat compétents, les services municipaux concernés, le conseil départemental, l'organisme chargé du versement des prestations familiales et le ministère public, définit les moyens de contrôle des motifs invoqués par les familles pour la justification du recours à l’instruction en leur sein, prévoit, au bout de deux ans, la valorisation des acquis de l’expérience professionnelle des personnes responsables d'un enfant autorisées à donner l'instruction dans la famille.

Par ailleurs, s’agissant de l’ouverture des établissements privés hors contrat, la loi renforce les obligations d’information de l’autorité administrative et alourdit les sanctions pénales applicables aux cas de non-respect des textes. Elle transfère la compétence de fermer les établissements ne respectant pas les obligations légales. Elle ajoute un motif supplémentaire justifiant la fermeture éventuelle d’un établissement : "prévenir toute forme d’ingérence étrangère ou protéger les intérêts fondamentaux de la Nation."

Les établissements qui n'ont pas conclu de contrat avec l'Etat se voient proposer par l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation une charte des valeurs et principes républicains. L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation veille, en lien avec les établissements scolaires publics et privés sous contrat et en concertation avec les collectivités territoriales, à l'amélioration de la mixité sociale au sein de ces établissements.

Un deuxième texte important est la loi Molac, adoptée, malgré l’opposition du gouvernement, en avril 2021 à l’initiative d’un député breton. Cette loi n° 2021-641 du 21/05/2021 "intègre dans les trésors nationaux les biens présentant un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de la connaissance de la langue française et des langues régionales". "L'Etat et les collectivités territoriales concourent à l'enseignement, à la diffusion et à la promotion de ces langues."

S’agissant de l’enseignement, elle atténue fortement les effets de la loi Toubon du 04/08/1994 et, même si elle ne revient pas sur l’interdiction de lui donner un caractère obligatoire, elle prévoit de généraliser l’enseignement des langues régionales comme matière facultative dans le cadre de l’horaire normal d’enseignement (de la maternelle au lycée) : "la langue régionale est une matière enseignée dans le cadre de l'horaire normal des écoles maternelles et élémentaires, des collèges et des lycées sur tout ou partie des territoires concernés, dans le but de proposer l'enseignement de la langue régionale à tous les élèves."

Saisi du texte de la loi votée, le Conseil constitutionnel l’a partiellement censuré. Si, dit-il dans sa décision n° 2021-818 DC du 21 mai 2021, "pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, leur enseignement peut être prévu dans les établissements qui assurent le service public de l'enseignement ou sont associés à celui-ci, c'est à la condition de respecter les exigences précitées de l'article 2 de la Constitution". A ce titre, dans le cadre d’une saisine d’office, il condamne l’enseignement "immersif". Dans la mesure où celui-ci, comme c’est par exemple le cas dans les établissements Diwan en Bretagne, les Calendretas en Occitanie ou les iskastolas au Pays basque, ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l'utiliser comme langue principale d'enseignement et comme langue de communication au sein de l'établissement, il méconnaît l'article 2 de la Constitution. Il est donc contraire à la Constitution.

Devant l’émotion suscitée par cette décision, et après une prise de position du Président de la République en faveur de l’enseignement immersif, le gouvernement a en grande partie reculé. Suite à un rapport des députés Euzet et Kerlogot (un maître de conférences en droit public et un professeur des écoles en filière bilingue français-breton), établi à la demande du Premier ministre et consacré en juillet. S’avançant avec une grande prudence sur le terrain proposé, le rapport écrit : "bien que toute interprétation en la matière doive être considérée avec la plus grande précaution, et que l’on ne puisse présumer ce que jugerait le Conseil constitutionnel s’il était saisi à nouveau de la question, le développement (le rapport lui-même, ndlr) s’emploiera à proposer une interprétation de la décision du Conseil constitutionnel du 21 mai dernier et s’attachera à démontrer qu’il existe des points de convergence entre les exigences constitutionnelles et les pratiques actuelles de l’enseignement immersif, tant du point de vue de la langue de communication des établissements que de celui de leur langue principale d’enseignement."

Le rapport reconnaît que la décision du Conseil constitutionnel semble a priori exclure que soit pratiquée dans le service public de l’enseignement toute méthode pédagogique qui imposerait que la langue principale d’enseignement ou la langue de communication de l’établissement soit autre que le français. Mais, ajoute-t-il, "si la décision doit s’appliquer indifféremment aux établissements publics et aux établissements privés sous contrat, elle paraît aux yeux de vos rapporteurs ne pas emporter de conséquences particulières pour les établissements et classes hors contrat, sous réserve du respect de maîtrise de la langue française qui fait pleinement partie du socle commun de connaissances, de compétences
 et de culture. Dès lors, quelle que soit la lecture qui pourrait en être faite, la décision ne saurait conduire à une interdiction totale de la pédagogie immersive." Il conclut en proposant d’établir, dans la consécration de l’enseignement immersif dans le service public fr l’enseignement, des limites à ne pas franchir : "le caractère nécessairement facultatif et donc volontaire de l’immersion ; l’objectif final de maîtrise des deux langues, la langue française comme la langue 
régionale ; le nécessaire enseignement du et en français sur les trois cycles d’enseignement primaire envisagés comme une globalité ; des clarifications quant à la langue de communication des établissements ; si la langue régionale peut être utilisée à l’intérieur de l’établissement, elle doit s’envisager de manière facultative et sur le fondement de justifications pédagogiques."

Dans la suite du rapport, une circulaire du 16 décembre 2021, signée par le directeur général des enseignements scolaires, qui ne fait aucune référence à la décision du Conseil constitutionnel et fait comme si elle ignorait son existence, n’en prend pas moins le contrepied. "L'objectif des classes bilingues et des sections bilingues, de la maternelle au lycée, est d'assurer une maîtrise équivalente du français et de la langue régionale, que ce soit par la parité horaire hebdomadaire dans l'usage des deux langues ou par l'enseignement bilingue par la méthode dite immersive. Cet enseignement par immersion est une stratégie possible d'apprentissage de l'enseignement bilingue. S'agissant en particulier des trois cycles d'enseignement primaire considérés dans leur globalité, cet enseignement associe l'utilisation de la langue régionale et celle de la langue française pour parvenir rapidement à une certaine aisance linguistique des élèves dans les deux langues. Le temps de pratique de chacune des deux langues peut varier dans la semaine, l'année scolaire ou encore à l'échelle des cycles, en fonction des besoins effectivement constatés.

Le recours à l'enseignement bilingue par méthode immersive est nécessairement facultatif pour l'élève… Le recours au français comme appui à l'expression et à la compréhension de l'enfant au cours des enseignements en langue régionale reste intégré à la démarche pédagogique en tant que de besoin. La langue de communication utilisée par les personnels de l'école ou de l'établissement à destination des parents d'élèves et des partenaires institutionnels est le français. Le cas échéant et selon le contexte, la langue régionale peut également être utilisée en étant associée au français par des documents et une approche bilingues. Afin que soit garantie aux élèves concernés la pleine maîtrise du français et de la langue régionale, des évaluations sont organisées." Dans le même temps, le gouvernement a apporté toutes garanties aux associations pour la poursuite de leurs activités.

La loi n° 2021-1104 du 22/08/2021 visant à lutter contre le dérèglement climatique comprend des dispositions applicables à l’éducation. Elle assigne à la formation scolaire l’objectif de développer les connaissances scientifiques, les compétences et la culture nécessaires à la compréhension des enjeux environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques de la transition écologique et du développement durable. Elle ajoute au code un article L. 121-8 qui instaure une éducation à l'environnement et au développement durable, à laquelle concourent l'ensemble des disciplines. Celle-ci "permet aux élèves de comprendre les enjeux environnementaux, sanitaires, sociaux et économiques de la transition écologique et du développement durable. Elle est dispensée tout au long de la formation scolaire, d'une façon adaptée à chaque niveau et à chaque spécialisation, afin de développer les connaissances scientifiques et les compétences des élèves en vue de leur permettre de maîtriser ces enjeux, notamment ceux relatifs au changement climatique, à la santé environnementale et à la préservation de la biodiversité terrestre et marine, sur l'ensemble du territoire national, de maîtriser des savoir-faire et de préparer les élèves à l'exercice de leurs responsabilités de citoyen." Elle modifie le nom du comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté, qui devient comité d’éducation à la citoyenneté et à l’environnement et réécrit le texte de l’article 421-8 du code. Elle assigne à cet organisme la mission de favoriser et de promouvoir les démarches collectives dans le domaine de l’éducation à l’environnement et au développement durable, en associant les enseignants, les élèves, les parents d’élèves et les partenaires extérieurs. Ce démarches font partie intégrante du projet d’établissement.

On citera, pour terminer, la loi n° 1774 du 24/12/2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle. Même si la plupart de ses dispositions concernent l’enseignement supérieur, elle complète la liste des connaissances exigibles dans la formation des conseillers d’orientation psychologues en y ajoutant "des contenus relatifs à l'égalité entre les femmes et les hommes ainsi qu'à la sensibilisation aux stéréotypes de genre et à la prévention de tels stéréotypes".

 

 

 

 

 

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