La difficile rencontre entre l'éducation à l'écologie et le système scolaire (revue N'autre école)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 01 février 2022.
"La réalité des bâtiments scolaires, ce sont des cours de récréation totalement bitumées, rarement pensées pour et par les élèves, des écoles délabrées, véritables passoires thermiques (...). La surface moyenne par élève est d'environ 2,4 m2 quand les normes d'élevage dans la filière bio sont de 2,5 m2 par poule." Cette remarque illustre la difficulté de faire coïncider les discours sur l'éducation à l'écologie et le système scolaire. C'est le thème du dossier du n° 18 de N'autre école.
La revue, d'ordinaire très critique, ne met pas l'accent sur d'éventuelles lacunes des politiques. Valérie Marchal-Gaillard considère que "la création d'un.e éco-délégué.e par classe, dès septembre 2019, témoigne d'une certaine volonté", même si "la mise en place est laborieuse". Elle évoque plutôt "une ligne de crête", expression qu'emploie Reynaut Laurent à propos des classes dans la nature. "D'un côté, il y aurait le gouffre de la reproduction conforme, il s'agirait d'exporter notre pratique dehors sans rien changer à (...) notre posture professionnelle (...). De l'autre côté, il y aurait le précipice de la spontanéité, (certains pédagogues) évoqu(ant) la classe dehors comme une invitation à la contemplation, une condition suffisante pour qu'il y ait l'émergence spontanée du calme et de l'envie d'apprendre."
Autre difficulté, la culture (au sens Bourdieusien, ndlr) des milieux populaires : "Quand on est pauvre, on dépense. Le plus possible. Le plus possible (...), d'autant que derrière la façade, on se restreint tout le temps (...). Du coup, les consignes écolos tombent à plat (...) et les économies d'énergie sont à des années (lumière) des réflexes quotidiens de la plupart d'entre nous." Dès lors, "comment intégrer ces paramètres sociaux ? (...) Le plus difficile sera de faire passer le message en salle des maîtres/des profs : prendre en compte les conditions de vie des familles populaires."
Bien sûr, "il y a urgence", comme l'a montré le dernier rapport du GIEC, mais l'Ecole et les mouvements sociaux peinent à s'en emparer. "A Questions de classe(s) nous aussi, nous sommes porteurs de notre héritage politique", écrit Arthir Serret au nom du collectif. "Nos références s'ancrent notamment dans l'histoire du mouvement ouvrier qui n'a pas su prendre en charge la question de l'écologie (...). Certes, on peut déjà faire l'inventaire de pratiques 'écolo' à l'école (...), mais est-ce à la hauteur de l'urgence ? (...) Quelle radicalité pédagogique pour répondre à l'urgence ?"
N'autre école n° 18, "Ecole, écologie, blablabla", 106 pages, 5 €, www.questionsdeclasses.org