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Numérique éducatif : ce que contient le rapport adopté à l'unanimité (Assemblée nationale)

Paru dans Scolaire le mercredi 19 janvier 2022.

Le rapport de la mission d'information sur le "cadre juridique et statutaire de l’enseignement hybride ou à distance, dans l’enseignement scolaire et l’enseignement supérieur" a été adopté, ce 19 janvier, à l'unanimité par les députés de la Commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Comme l'a indiqué le président de la mission, Frédéric Reiss, la question d'une modification de ce cadre ne se pose pas puisque personne, ni les syndicats, ni les parents, ni l'administration "ne souhaite introduire de profonds changements dans les dispositions qui régissent le système éducatif". Il ne serait "pas judicieux de modifier les règles normales de fonctionnement du système scolaire".

Béatrice Piron (LRM) rappelle que la loi de 2013 (la "loi Peillon", ndlr) a créé "le service public du numérique éducatif", avec pour ambition une refondation des pratiques pédagogiques, mais que la mise en oeuvre de cette disposition a été "en-deçà des attentes". Elle s'inscrivait pourtant "dans la lignée de réflexions et de travaux menés depuis déjà de longues années (...). Dès 1997, une circulaire sur les missions du professeur (...) indiquait sans ambiguïté que l’enseignant 'est préparé à tirer parti des possibilités offertes par les technologies d’information et de communication'."

Voici les principaux éléments du rapport, qui souligne l'importance de la crise que subit notre système scolaire du fait de la pandémie. "Les propos tenus par les représentants du corps enseignant devant les membres de la mission d’information lors des auditions traduisent une expérience douloureusement vécue, voire même certains doutes sur la réalité de la continuité pédagogique qui a pu être assurée."

"Les enseignants sont unanimes pour souligner que rien ne les a jamais préparés à une telle éventualité (...). L’éducation dans notre pays a été fondée sur un choix historique au XIXe siècle d’un enseignement dispensé sous la forme du cours collectif, frontal, égalitaire, avec une unité de temps et de lieu (...). La stratégie nationale de confinement généralisé lancée le mardi 17 mars 2020 constitue donc un événement introduisant une brutale et profonde rupture dans le système éducatif, nombre d’acteurs disposant d’une culture pédagogique et d’un temps insuffisants pour s’y préparer (...). Très souvent, dès l’annonce du confinement, une formation (a) dû se décider et s’organiser en vingt-quatre heures entre pairs, pour être dispensée sur le week-end précédant le lundi 16 mars. Nombre d’enseignants se sont aussi 'auto-formés' pendant ce court laps de temps, voire l’ont été par la suite au fur et à mesure par leurs élèves."

Cet évènement a mis en évidence le défaut de formation des enseignants, lequel "se traduit logiquement par un certain malaise des enseignants face au numérique en classe", y compris dans des "lycées 4.0" participant à une expérimentation sur les usages du numérique. Au lycée Arago à Paris, a été menée une "expérience d’hybridation synchrone" (...) dans des conditions que peu d’établissements ont connues (...). Pour autant, tout en reconnaissant la chance que ces aspects ont représenté et en soulignant le fait que l’hybride synchrone avait permis d’éviter aux élèves le taux de décrochage constaté ailleurs, personne ne souhaite prolonger l’expérience."

Le rapport met l'accent sur les questions de formation. "Malgré les dispositions réglementaires, il ne semble pas que les INSPÉ aient à ce jour réellement intégré dans les cursus qu’ils proposent aux futurs enseignants les enseignements numériques comme ils le devraient (...). Un rapide survol de quelques sites d’INSPÉ suffit à montrer que le dispositif (destiné à familiariser les étudiants à ces outils) est très loin d’avoir atteint son rythme de croisière." Le rapport préconise d'ailleurs d' "instituer une obligation statutaire de formation au numérique éducatif intégrant l’utilisation des ENT" (espaces numériques de travail).

Plus globalement se pose la question de la quantité et de la qualité des investissements consentis par les collectivités territoriales. "Du fait de la multiplicité des acteurs, nous ne pouvons pas comptabiliser l’ensemble des investissements alors que (l'Allemagne), si l’on additionne les investissements de l’Etat fédéral et des länder, investit par exemple quelque 10 milliards d’euros en 4 ans (...). De 4€ à 7,2€ par lycéen sont consacrés aux ENT selon les régions, contre une dépense s’étalant de 2,4€ à 19,4€ par collégien selon les départements." Le rapport propose d'ailleurs de "généraliser les ENT dans toutes les écoles et établissements, y compris primaires, pour faciliter la communication avec les parents."

La crise a également mis en évidence des lacunes dans l'équipement des directeurs d'école et des chefs d'établissement qui devraient être dotés "d’un téléphone portable" puisqu'ils "doivent pouvoir être joints par les enseignants et autres personnels de l’école, par les autorités académiques, les services municipaux et les parents (...) au moins durant les horaires d’ouverture habituels de l’école".

Quant aux enseignants, ils ont subi "des sollicitations très nombreuses de la part des élèves et des familles (...) sur leurs messageries et téléphones privés, et bien au-delà, fréquemment, des horaires normaux de service". Ils devraient disposer "d’une boîte mail professionnelle conviviale et performante" et le règlement intérieur des établissements "pourrait inclure systématiquement des dispositions relatives aux conditions d’exercice à distance des enseignants (...), en indiquant par exemple quand et de quelle manière ils sont joignables, et ce qu’il est attendu ou exigible de leur part." La rapporteure propose de "rappeler les principes et conditions d’exercice du droit à la déconnexion dans le règlement intérieur des établissements".

"La fluidité de la communication entre les écoles et établissements, les enseignants et les parents d’élèves apparaissant cruciale dans un contexte complexe et évolutif", la rapporteure recommande que les plans de continuité pédagogique soient communiqués aux enseignants et aux familles tandis que chaque école et établissement devrait dresser "un inventaire des outils et moyens à disposition des enseignants pour assurer l’enseignement à distance".

Elle met aussi en garde sur le respect du RGPD et de la sauvegarde des données personnelles. Elle indique "qu’une convention est en cours d’élaboration entre l’ASL (autonome de solidarité laïque) et le ministère, aux termes de laquelle l’association dispensera des formations juridiques à ses adhérents (...) notamment sur les problématiques de responsabilité civile et pénale des enseignants, de droits et obligations des fonctionnaires, de risques liés aux usages du numérique ou encore de prévention du harcèlement." Elle ajoute que "les services du MEN pourraient également envisager (...) de publier une nouvelle circulaire, qui actualiserait l’information pour l’ensemble de la communauté éducative."

Mais surtout, constatant que "les bonnes idées foisonnent (...), mais ne se sont traduites, depuis des années, que par une accumulation d’initiatives sans réelle cohérence, parfois ou souvent redondantes, faute d’un travail préalable de structuration qui aurait permis au ministère de tracer un cap à suivre par l’ensemble de la communauté éducative", elle considère que "la nécessité d’une vision systémique s’impose aujourd’hui" et elle "invite en conséquence au lancement par le ministère d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes, qui devra se concrétiser par l’élaboration d’une stratégie nationale du numérique éducatif". Même si "l’enseignement à distance ne saurait être qu’exceptionnel", même si "l’enseignement ne se télétravaille pas !", il convient "de mettre enfin en application l’ambition de la loi de 2013 dans toutes ses dimensions".

 

 

 

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