“Les élèves de REP sont confrontés au quotidien à des situations qui dépasseraient n'importe quel adulte“ (ouvrage)
Paru dans Scolaire le jeudi 23 décembre 2021.
“Vous le constaterez très rapidement, les élèves de REP sont confrontés au quotidien à des situations qui dépasseraient n'importe quel adulte“, écrit un des neuf enseignants du collectif qui a contribué à l'ouvrage “Débuter une année en collège REP“.
Pas à pas, au fil de l'année (affectation, rentrée, fin d'année,..) les différents auteurs partent de leur vécu pour, dans une “démarche de partage“, aider leurs collègues plus jeunes, car la “formation initiale ne prépare pas ou peu à enseigner en REP+“. En outre, ils “considèrent qu' “une année en REP+ est une année éprouvante, fatigante mais très enrichissante. Seules les personnes ayant évolué dans ce type d'établissement peuvent le comprendre.“ Car selon eux, “un REP+ a ses propres caractéristiques, problématiques et projets. L'idée que tous les REP sont identiques est à proscrire. Il faudra donc dans un premier temps se renseigner pour savoir comment évoluer cet environnement.“
D'où l'importance, une fois connue son affectation (subie ou choisie, selon les cas), de contacter l'établissement désigné, de rencontrer les personnels du fait que “chaque collègue, chaque acteur est une ressource", et de demander un rendez-vous avec le chef d'établissement qui, généralement, “mène l'entretien, car il est rôdé à l'exercice, surtout en REP où le roulement des équipes est souvent important".
Car les auteurs, qui ont tous enseigné durant 5 ans ou plus en zone d'éducation prioritaire, le précisent :“en REP les équipes se renouvellent très souvent (parfois jusqu'à 50 %)“. D'où l'importance d'une bonne intégration quand vos “seules armes“ sont “l'envie de bien faire, la soif d'apprendre et des collègues prêts à (vous) aider“.
Viennent ensuite les premiers contacts avec les élèves puis avec les parents. Les auteurs estiment que “faire progresser les élèves demande du temps, comme un marathon, ça se prépare et il ne faut pas partir trop vite pour ne pas s'épuiser“, parlent de la période de test, des règles à définir tout comme la nécessité de l'installation de la confiance au sein du groupe classe.
L'appel aux parents, si nécessaire, doit être mené tel un échange d'adulte à adulte, d'égal à égal, avec l'idée de donner et d'obtenir des informations. Selon le collectif d'enseignants, “les parents sont généralement reconnaissants lorsqu'on les appelle pour les informer de ce qui se passe en cours avec leur enfant. Ils préfèrent être informés plutôt que de ne pas l'être, ou ne l'être que lorsque ça ne va pas." Une rencontre physique avec les parents est préférable en présence de l'élève.
D'où l'importance des ressources pour comprendre l'origine de ses difficultés. Est ainsi donné l'exemple de Yonas, élève nouvellement arrivé dans la cité et dont les problèmes de comportement (un gant de boxe confisqué qui réapparaît sans cesse) vont entraîner la convocation de la mère. Les auteurs expliquent : “Dès le début de la rencontre, nous comprenons que la mère de Yonas repoussait les rendez-vous car elle ne maîtrise pas notre langue. La CPE expose les faits, Yonas traduit ; je complète, Yonas traduit. Brusquement la mère de Yonas se met à rire à gorge déployée. Epuisés par le comportement de cet élève depuis 3 semaines, nous sommes interloqués devant sa réaction. Et nous comprenons bien vite que Yonas nous a bernés et a sûrement transformé la réalité à son avantage.“
Ce “yoyo émotionnel“ parfois difficile pour les enseignants qui insistent pour dire que “les enfants restent des enfants“, nécessite de développer cadre, jeu, et gestion des émotions, notamment par le biais de rituels ou de temps calme. Petit conseil : “Les enseignants d'EPS sont formés à ces pratiques de gestion de classe et il ne faut pas hésiter à les solliciter“.
Lors du conseil de classe, de la même manière, “le CPE peut apporter des informations sur certains élèves et notamment sur des situations très compliquées“ car “travailler en REP signifie que vos élèves ont un style de vie bien différent du vôtre et surtout beaucoup plus précaire“.
Le collectif d'enseignants ne cache cependant pas “que certains personnels de direction ont des aspirations pour leur carrière et font passer cette dernière avant les intérêts de l'établissements ou des élèves, surtout en REP où certains utilisent l'éducation prioritaire comme un ‘tremplin‘.“ Mais les auteurs donnent tout de même des clefs pour ceux qui souhaiteraient devenir prof principal, coordonateur de discipline, ou encore représentant du personnel, et de monter des projets.
A retenir par exemple, un projet nommé “Cultures en partage“, en partenariat avec l'Institut du monde arabe qui a démarré autour de “questions vives“ au collège Sonia Delaunay à Grigny. L'enseignante d'Histoire-Géographie qui en est à l'origine raconte : “Confrontée à une classe particulièrement rébarbative à cet enseignement, avec de très nombreux élèves qui suivent parallèlement un enseignement en école coranique, j'ai choisi de me former encore et toujours afin de répondre au mieux à (l'exigence de) leurs questionnements (...). Fin juin des élèves nous informent qu'ils sont allés visiter l'exposition ‘El Hajj, le pèlerinage à la Mecque‘ avec leurs parents ; des parents appellent en expliquant que ‘prendre le RER pour autre chose que le travail, le ménage dans les bureaux à la Défense ou dans les couloirs du métro, c'était bon‘.“
Débuter une année en collège REP, ouvrage collectif, Chronique Sociale éditions, 144p., 6,90€.