Pour la Cour des Comptes, management et évaluation pour transformer l'école
Paru dans Scolaire le mardi 14 décembre 2021.
“En dépit d’un effort budgétaire et de très nombreuses réformes pédagogiques, le système éducatif français présente des performances médiocres“, estime la Cour des comptes dans sa dernière note parue ce mardi 14 décembre.
Consacrée aux grands défis des prochaines années, cette analyse tente de décrypter certains leviers d’action alors que 110 Mds€ sont dépensés chaque année pour la dépense d’éducation (premier et second degrés, État, collectivités et ménages), soit 5,2 %du PIB (Produit Intérieur brut).
Une grande partie de la note est consacrée à la marge d'autonomie des établissements : “l’établissement du second degré demeure principalement un échelon d’exécution et non de conception, ses marges d’autonomie sont croissantes mais encore limitées.“
Si l’accroissement des responsabilités des chefs d'établissement et des directeurs d'écoles a été consacré (projet d'établissement obligatoire à partir de 1989, ndlr), en particulier pour mettre en œuvre les réformes éducatives récentes, “leur marge de manœuvre effective vis-à-vis des enseignants reste marquée par d’importantes ambiguïtés, qui obèrent de facto leur action“ affirment les sages de la rue Cambon, pour qui l’amélioration de la qualité de l’enseignement “passe bien par le renforcement de la fonction d’encadrement pédagogique au sein des établissements.“
La Cour des comptes considère dès lors que si les équipes de direction et l’ensemble des acteurs sont appelés à se mobiliser autour d’objectifs à respecter dans le cadre d’un projet d’établissement, les moyens qui leur sont attribués obéissent à un système de gestion “plutôt rigide en fonction de grilles horaires arrêtées nationalement, fixant des horaires d’enseignement et ne laissant guère de marges de manœuvre, y compris en matière de recrutement, aux équipes éducatives". Elle constate que les responsables d'établissement n’interviennent pas dans le processus d’affectation des enseignants, “contrairement à ce qui se passe dans les établissements d’enseignement privé sous contrat (où le recteur ne peut nommer un enseignant qu’avec l’accord du chef d’établissement concerné), et ils n’ont qu’une place seconde dans l’évaluation des enseignants. Peu d’entre eux se voient accorder des ‘postes à profil‘, c’est-à-dire adaptés à des besoins qu’ils ont définis.“
Conclusion, les choix pédagogiques opérés dans le cadre de l’autonomie “ne reposent encore que très rarement sur une analyse de la performance de l’établissement en matière de résultats des élèves“, et les indicateurs (résultats scolaires courants, résultats aux examens, absentéisme, exclusions, taux d’accès troisième-seconde/ seconde-terminale, poursuite de formation ou d’études, etc.) “sont largement sous-utilisés par les enseignants comme par les équipes de direction.“
Cependant, l’amélioration de la performance et de l’équité du système scolaire “exige une capacité d’adaptation plus forte aux contextes locaux et aux profils des élèves“ indique la Cour des comptes qui précise que “l'’évaluation de l’établissement en tant que tel, selon une optique plus large que les résultats scolaires (climat scolaire, relations avec les familles, orientation, etc.), est longtemps restée un angle mort du système français".
Elle ajoute qu' “il convient de compléter cette transformation par une politique d’évaluation ambitieuse, (..) non seulement pour mieux mesurer la performance de notre système éducatif, mais aussi parce que l’autonomie et la responsabilisation renforcées ont nécessairement pour corollaire une évaluation accrue et rénovée (..). C’est grâce à cet effort d’évaluation que le système trouvera un nouvel équilibre ; or, il n’est qu’à mi-parcours de sa mutation.“ Elle souhaite que les évaluations mises en place dans le second degré soient étendues au premier degré, mais elles “n’auront de sens que si les établissements peuvent mettre en œuvre des projets éducatifs comportant un certain degré de différenciation de leur approche“, surtout en éducation prioritaire “où les efforts pour répondre au plus près aux profils des publics scolarisés devraient être intensifiés“.
Et d'estimer “regrettable que la France pratique peu des protocoles évaluatifs fondés sur des expérimentations, menées à grande échelle dans des établissements volontaires et sur des durées suffisantes pour être reproductibles. La réticence à différencier a priori les politiques éducatives pour des groupes d’élèves, à l’occasion de dispositifs expérimentaux, n’a pas été surmontée.“
Les enseignants, de leur côté, ont des missions “insuffisamment reconnues et mesurées“ aujourd’hui. Les sages de la rue Cambon pensent que la concertation et le travail d’équipe peinent à s’installer dans les pratiques, car “la formation initiale, dans le cadre du master métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (MEEF), n’accorde pas une place suffisante au travail collaboratif“, tandis que le management “est peu outillé pour favoriser ces pratiques, d’autant que les emplois du temps des enseignants, définis sur le fondement d’obligations réglementaires de service focalisées sur les heures d’enseignement face aux élèves, et très rigides, ne comportent pas, sauf en éducation prioritaire, de temps dédié“.
De plus, perçue comme une “prescription descendante peu connectée aux besoins réels“, la formation continue se déroule “encore trop souvent sur le temps de classe au détriment des élèves“. Or, les crédits ouverts au titre de la formation continue “ne sont jamais consommés en totalité. Ils ne l’ont été qu’à hauteur de 70 % en 2019.“
Enfin, “les rares espaces disponibles dans l’établissement scolaire ne sont pas vraiment adaptés, hormis quelques exceptions, à un travail individuel (des enseignants, ndlr), ni équipés des outils dont chacun a besoin pour préparer ses cours, évaluer les travaux des élèves et se documenter“.
La note de la Cour des comptes ici