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Perte d'indépendance, de légitimité ? Au Sénat, des doutes sur la réforme de l'IGESR

Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Culture, Justice, Orientation le jeudi 09 décembre 2021.

“Cette réforme (des inspections générales des ministères de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, et de l'Enseignement supérieur, de la Rrecherche et de l'Insertion) ne remet évidemment en rien en cause le rôle, les missions ou l'existence même de ces inspections“, a expliqué hier 8 décembre Amélie de Montchalin dans une audition au Sénat consacrée à la réforme de la haute fonction publique. “C'est un signal, affirme-t-elle par la suite, à l'ensemble du corps social qu'inspecter, juger, contrôler c'est utile à la société mais ce n'est pas ce qu'on met au pinacle des fonctions collectives (comme être inspecteur des finances etc., ndlr)“.

Selon le nouveau modèle, les 300 personnes qui composent l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR), comme des 16 autres inspections, seront intégrées en une seule, l'institut national du service public (INSP) auquel s'ajouteront les nouveaux cadres formés en la matière.

Cette réforme s'inscrit pleinement, selon la ministre de la transformation et de la fonction publiques, contrairement aux pays limitrophes, dans le statut de la fonction publique : “les hommes et les femmes auront une succession d'emplois dans leur vie, plutôt que d'être attachés à un corps ministériel, qui faisait qu'il y avait dans l'Etat des petits îlots“.

Elle dresse le constat que “la France est peut-être seul pays occidental où décideurs politiques et chercheurs se parlent si peu“ et elle veut que l'INSP soit à l'interface de ces deux mondes, tout en étant la tête de réseau de la formation continue des cadres des ministères, fournissant des formations de qualité, individualisées, et insérées dans les parcours de carrière. Elle considère en effet que la formation continue est un “parent pauvre de l'action publique“, et elle évoque une logique d'accompagnement, avec un besoin de compétences nouvelles des ministères pour sortir des logiques de placement ou de parcours tout tracés, émaillées de mimétisme et parfois même de conformisme.

Pour Amélie de Montchalin, les inspecteurs généraux de l'IGESR y sont arrivés en fin de carrière, avec assez peu de missions hors IG une fois incorporées. “Ce qui change, continue-t-elle, c'est leur recrutement et c'est le statut de ces hommes et de ces femmes. (…) Nous avons travaillé à l'établissement d'un statut d'emploi. Il montre qu'être membre d'une inspection n'est pas un métier à vie, ce n'est pas non plus une remise en cause, ça permet de savoir comment on prend une mission, combien de temps on l'exerce et comment ensuite on peut retourner dans des services opérationnels.“

Elle cite par exemple les chercheurs, titulaires d'un doctorat dont le parcours d'experts (6 ans d'expérience) pourra être reconnu et valorisé “sur la base d'autre chose que d'avoir fait l'ENA“.

De plus l'ensemble des cadres publics exerceront de manière régulière et plus importante de leur carrière des fonctions opérationnelles (postes de mise en œuvre de politiques publiques, concret avant d'inspecter). Le but est “de pouvoir attirer dans ces services les expertises liées aux missions exercées, de s'assurer des compétences et donc de pouvoir aussi amener des jeunes (peut-être plus jeunes) dans ces services pour en faire aussi un lieu de formation et d'assurer leur indépendance.“

Elle souhaite qu'il y ait un recrutement sur les compétences, via un chef de service qui aura des garanties d'indépendance, pour éviter que la HFP ne soit une voie de sortie pour des amis des politiques ou des proches et membres de cabinets. Elle évoque en outre la possibilité de sortir de ces inspections, de faire autre chose, d'y revenir mais que le seuil d'entrée ne soit pas la nomination politique en conseil des ministres.

Tous les élèves de l'INSP (1000 cadres formés par an, ndlr) commenceraient leur carrière dans l'opérationnel, ce qui serait valorisé dans la carrière, ce que les “jeunes“ demanderaient. “Plus on ira vers la transparence des postes, des comités d'audition, une sélection collégiale, moins il y aura de mécanismes de conformisme, de mimétisme, d'effets de réseaux."

Autre enjeu, d'égalité des chances et d'attractivité de la haute fonction publique, tenir compte notamment des aspirations individuelles, dans une logique où l'on candidate plutôt que l'on vous place à des postes. "Les administrations ne sont plus des forteresses imprenables, ce sont des lieux où les jeunes peuvent poursuivre leurs études, se former“, ajoute-t-elle et elle évoque à l'appui de cette affirmation les 25 000 apprentis de la fonction publique et les 43 000 stages. 49 000 sont prévus en 2022.

“Cette réforme à bas bruit est bien plus fondamentale que l'absence de débat public qui l'entoure." Les questions des sénateurs présents, Max Brisson (LR), Céline Brulin (CRCE), Sylvie Robert (SER), Pierre Ouzoulias (CRCE) ont porté leurs inquiétudes sur la légitimité des futurs inspecteurs, auparavant émanant d'une “sorte de conseil de l'ordre garant d'une déontologie qui porte la liberté pédagogique en bandoulière et défend les libertés académiques“, leur indépendance avec “un inspecteur général (qui) réfléchira deux fois avant de déplaire“ mais également sur la désorganisation voire le changement de paradigme que cette réforme induirait. "Vous remplacez l'intérêt général par la norme ISO 9001 sur le management de la qualité, avec le passage d'un système qui est celui de l'Etat à celui de l'entreprise."

La ministre a répondu être “assez sereine pour dire que ce n'est pas un changement de République“, croire aux faits “que c'est par les compétences demain que l'on va être recruté, beaucoup moins par les effets de réseau, de classement ou de reconnaissance parfois plus implicites ou plus politiques“. "Nous voulons donner aux chefs de services d'inspection beaucoup plus de latitude sur la manière d'organiser les recrutements sur la base de compétences“, ou encore écouter la jeunesse dans ses aspirations, attirer les meilleurs pour “éviter l'effondrement de l'Etat“.

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