Ecole inclusive : Pour Françoise Gatel, il semble “nécessaire de procéder à une évaluation du dispositif en vigueur“
Paru dans Scolaire le mercredi 08 décembre 2021.
Après l'avoir rencontrée lors d'une rencontre du SNCEEL (syndicat national des chefs d'établissement d'enseignement libre, ndlr), ToutEduc a proposé à la sénatrice d'Ille-et-Vilaine Françoise Gatel une interview au sujet de l'école inclusive.
ToutEduc : Les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) attribuent les notifications qui permettent aux enfants qui en sont porteurs d'avoir des aides (humaines ou matérielles) à la scolarisation. Que pensez-vous de leur situation actuelle ?
Françoise Gatel : Les MDPH sont des organisations départementales, liées à la compétence sociale des départements. Or les MDPH ne peuvent faire que des prescriptions mais ne possèdent aucune responsabilité dans leur mise en oeuvre, qui est réalisée par l'Education nationale à partir des moyens alloués par les ARS. Cette organisation est trop diluée pour être efficace et engendre beaucoup d'incompréhension et de déception pour les familles.
Les départements savent apporter des solutions de proximité qui fonctionnent, je pense qu'il faudrait leur faire davantage confiance en matière de protection de l'enfance : comme ils pourraient se voir confier le service de médecine scolaire, il conviendrait aussi au titre de leur compétence sociale, de leur donner une vraie compétence dans le domaine du handicap.
ToutEduc : L'écosystème, avec les MDPH gérées par les départements et les AESH par l'Education nationale, est-il difficile à gérer ?
Françoise Gatel : L'inclusion des enfants handicapés à l'école est un enjeu de société. Le gouvernement affiche une forte volonté et a beaucoup amélioré la situation des AESH qui était trop précaire. Mais la situation est encore difficile et insatisfaisante. Les responsabilités sont réparties entre l’Education nationale qui gère les AESH sur le temps purement scolaire et les communes qui sont responsables de l'accompagnement des enfants sur les temps périscolaires ... Beaucoup de maires disent leur incapacité à trouver du personnel disponible sur le temps de cantine ou de garderie, les horaires et le temps de travail limités comme la précarité de l'emploi sont de vrais freins à l'accueil d'enfants handicapés à l'école. Je pense que l'on doit réfléchir avec les départements sur la constitution d'équipes de professionnels qui permettraient à tous les enfants de bénéficier d'un accompagnement de qualité.
Au-delà des personnels, il y a la question de la formation des enseignants. Il faut donner une chance à chaque enfant, mais il faut veiller à faire une école inclusive très qualitative et précautionneuse. Je ne suis pas sûre qu'aujourd'hui tous les enfants porteurs de handicap puissent être accueillis à l'école. Ce n'est pas un jugement de valeur mais l'école est un univers compliqué et difficile pour beaucoup d'enfants handicapés ou pas et on exige beaucoup des enseignants.
Et des enfants peuvent parfois se retrouver en difficulté et l'inclusion conduire à un échec douloureux. La situation s'est beaucoup améliorée mais il y a aujourd'hui à la fois beaucoup d'attente et de déception des familles, et sans doute beaucoup de pression sur les enseignants et le personnel accompagnateur. Il me semble qu'il est aujourd'hui nécessaire de procéder à une évaluation du dispositif en vigueur associant tous les acteurs.
ToutEduc : Que préconisez-vous ?
Françoise Gatel : L’évaluation du déploiement de l’école inclusive devrait permettre d’apprécier la capacité à définir avec les enfants, leurs familles, l’équipe éducative non seulement un projet d’intégration scolaire, mais aussi un projet d’accès à des activités sportives, culturelles et enfin l’élaboration d’un projet professionnel, qui est l’aboutissement d’une démarche inclusive. En ce sens 2 démarches remarquables doivent être évoquées : celle des maisons familiales et rurales qui préparent par alternance et de manière très qualitative des jeunes porteurs de handicap à différents métiers. La seconde initiative, tout à fait exceptionnelle et originale, née en Bretagne, est celle des Cafés joyeux, cafés restaurants qui emploient des personnes porteur d’handicap et met en oeuvre un parcours de formation qualifiante avec la création d’un Centre de formation d’apprentis.