Une proposition de loi pour renforcer les sanctions pénales, voire criminaliser le harcèlement scolaire
Paru dans Scolaire le lundi 29 novembre 2021.
Une proposition de loi "visant à combattre le harcèlement scolaire" a été déposée par les députés de la majorité. Ils font valoir qu' "il y a urgence à agir" puisque "800 000 à 1 million d’élèves seraient victimes de ce phénomène chaque année" et que "ce sont 2 à 3 enfants ou adolescents par classe qui sont stigmatisés, malmenés, moqués et violentés". Ils ajoutent dans l'exposé des motifs qu' "il arrive qu’un personnel scolaire ait initié ou alimenté les violences". Ils notent de plus que les établissements privés "n’entrent pas dans le champ d’application des dispositions du code de l’éducation relatives à la vie scolaire" et donc au harcèlement : "La présente proposition de loi vise, en complément de la généralisation du dispositif expérimental (...) 'Phare' à consolider le droit à une scolarité sans harcèlement."
Or le code pénal ne permet pas de traiter "de manière efficace" les affaires de harcèlement scolaire qui sont traitées "sous le prisme de l’article 222‑33‑2‑2 sanctionnant le harcèlement moral général" et introduisant une différence selon que le mineur a plus ou moins de 15 ans. Il s'agit donc de créer "un article autonome qui permettrait non seulement d’augmenter la prise de conscience sociétale de la gravité des faits de harcèlement scolaire ou universitaire, mais également d’harmoniser les sanctions, et donc le niveau de protection, entre les différents actes de harcèlement qui surviennent au cours des apprentissages".
L’article 1er "consacre (...) un droit à la protection contre le harcèlement scolaire au sein du livre Ier du code de l’éducation" et crée donc un article L. 111‑6 en même temps qu'il supprime l’article L. 511‑3‑1 "qui porte un principe similaire". L’article 2 "inclut la protection contre le harcèlement scolaire parmi les principes et règles du service public de l’éducation applicables de plein droit aux établissements scolaires privés sous contrat". L’article 3 "prévoit que la formation des médecins, infirmiers et psychologues scolaires comporte des enseignements relatifs à la prévention et à la prise en charge des victimes de harcèlement scolaire". Il "fait obligation aux écoles et établissements d’enseignement scolaire de définir un protocole de prise en charge au sein du projet d’établissement". L’article 4 insère dans le code pénal un nouvel article 222‑33‑2‑3 "sanctionnant de façon spécifique et par une incrimination autonome les faits de harcèlement scolaire", punis "de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende", voire "de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende lorsqu’ils auront causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et de dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsqu’ils auront conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider".
A noter que les faits susceptibles d'entrainer une peine allant jusqu’à 7 ans d’emprisonnement peuvent être jugés par le juge des enfants, mais peuvent également être renvoyés devant le tribunal pour enfants (de 13 à 16 ans), ou par la cour d'assises des mineurs (entre 16 et 18 ans). Les peines d'emprisonnement ne concernent que les enfants de plus de 13 ans, et la peine de prison prévue par le code pénal est divisée par deux pour les mineurs. Ils peuvent voir prononcer à leur encontre des mesures ou des sanctions éducatives (à partir de 10 ans). La responsabilité pénale d'un mineur est déterminée en France par sa capacité de discernement.
Les faits de "harcèlement scolaire" concernent également des faits qui n’ont pas été commis à l’intérieur ou aux abords d’un établissement scolaire, "dès lors qu’ils seront commis par d’autres élèves étudiant ou ayant étudié dans le même établissement que la victime".
Le texte prévoit de plus que le recueil de plaintes pourra "faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel". Il crée de plus "un stage de responsabilisation à la vie scolaire" qui pourra être proposé "comme mesure alternative aux poursuites et comme peine correctionnelle".
Il vise enfin "à inscrire la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les objectifs assignés aux plateformes et fournisseurs d’accès" et "consacre l’obligation de modération des contenus de harcèlement scolaire sur les réseaux sociaux".
La proposition de loi ici