Les personnels de direction épuisés (enquête de G. Fotinos et Mario Horenstein)
Paru dans Scolaire le mercredi 17 novembre 2021.
"Le métier de PERDIR (personnel de direction des collèges et lycées) au cours de ces périodes a fortement évolué d’abord à 'bas bruit' puis brutalement depuis 2020." C'est l'un des éléments qui ressort d'une enquête que publient Georges Fotinos et José Mario Horenstein, sous le titre "Les Personnels de Direction à bout de souffle. En demande d’avenirs" après avoir recueilli, avec l'appui du SNPDEN (le syndicat UNSA des personnels de direction) et de la CASDEN (Banque populaire), les réponses à leur questionnaire de quelque 4 340 d'entre eux.
La dernière partie de l'ouvrage (118 pages) propose des témoignages, notamment celui d'une principale de collège REP. Elle souligne que l'année 2020-2021 a été marquée par la crise sanitaire, "mais pas seulement", il y a aussi eu "l’assassinat de Samuel Paty" et "la flambée du conflit israélo-palestinien". Elle considère que "les rapports entre élèves tout comme entre élèves et adultes se sont dégradés et ont montré un niveau de tension que pour (s)a part, (elle) n’avai(t) pas rencontré précédemment dans (s)a carrière. La montée de la violence se constate sous différentes formes: violence verbale, défiance face à l’adulte (assistants d’éducation, CPE, professeurs, direction), réactions inappropriées, violence physique, agressivité." L'année a d'ailleurs été marquée par huit conseils de discipline, "un triste record" pour elle. Elle ajoute : "L’institution n’a pas toujours été aidante, loin de là. Il serait infantile de reprocher sans nuance la gouvernance tâtonnante au début en tout cas, du ministère pour la crise sanitaire. Mais la communication adoptée et une forme d’hypocrisie autour de la bienveillance, si. Et s’il est de bonne guerre de se montrer critique comme j’ai pu l’être pendant toute ma carrière dans l’éducation nationale, il y a toujours eu un vrai sentiment de fierté d’appartenir à la grande maison, le sentiment qu’on pouvait 's’appuyer sur elle', même imparfaite elle était une référence, solide de sa longue histoire, et porteuse de valeurs qui forgent les convictions les plus pérennes et les plus rayonnantes. Ce n’est plus le cas et nous sommes nombreux à ne plus nous retrouver dans la gouvernance actuelle (...)."
La première partie de l'ouvrage donne des indications chiffrées sur le moral des "perdir". C'est ainsi qu'ils estiment que leurs relations avec les parents se sont dégradées (43 %, surtout en lycée GT et collèges hors éducation prioritaire), tout comme leurs relations avec la hiérarchie (40 %) et les enseignants (33 %). Les éléments qui ont eu le plus d'impact sur leur qualité de vie au travail concernent d'abord "les décisions hiérarchiques", et la "continuité de la politique éducative" (plus de 75 % de citations).
Mais au-delà de la crise sanitaire, ils estiment "qu’en 10 ans la qualité du climat scolaire a fortement diminué". Interrogés en 2011, 73 % d'entre eux "indiquaient un climat 'excellent/bon' alors qu’en 2021 ils ne sont plus que 37% (...). La réussite scolaire au cours de cette période s’est fortement dégradée. Signalée par 3 perdir sur 10 en 2008 et par 7 sur 10 en 2021."
Interrogés sur leur avenir professionnel, 75 % d'entre eux en ont une vision négative, marquée par "le découragement, l’anxiété, l’absence de soutien et bienveillance hiérarchiques, de reconnaissance et d’ouvertures professionnelles", beaucoup envisageant une reconversion professionnelle. Mais 22,5 % des perdir font état de leur optimisme et parlent de confiance, d'innovation, de projet pédagogique, des élèves, de l’autonomie d’action. A noter que "presque la moitié des répondants (47,53%)" présentent "des symptômes dépressifs cliniquement significatifs".
L'enquête "a été réalisée par la passation en ligne d’un questionnaire 'formulaire' dans Google Drive du 16 Mars au 6 Mai 2021. Le contrôle des données et le traitement statistique ont été réalisés par le Bureau d’études Vitruvian-Consulting de Tours. Les 4 340 réponses reçues représentent un tiers des personnels de direction, responsables de 76% de la population d’élèves du secondaire public.